En attendant de voir le LOU
Des rugbymen ont envahi la Russie. Ou, soyons plus précis — les circonstances internationales l’exigent —, un restaurant de fans de rugby s’est ouvert à la place de la Sainte- Russie. Dans un lieu étrange, des cosaques vous servaient du bortsch. Avec cette nouvelle affectation, la déco s’est éclairée, des parois ont peut- être été poussées, si bien que les salles semblent beaucoup plus spacieuses. Les Encavés, nouveau terme de l’ovalie s’employant exclusivement à la troisième mi- temps, se veut à la fois un restaurant à boire et à manger. D’où la référence au caveau et à sa table d’hôtes ( 14 couverts), tout à fait élégants au milieu de ces pierres apparentes, dont on sait que derrière courent les mystérieux souterrains de la colline de Fourvière.
Son contenu est beaucoup moins évocateur. Un blanc et un côtes... Voilà pour le choix de vins au verre. Quant au contenu, même si l’on y pioche du Montez et du Gallety, ils sont essentiellement phagocytés par les bouteilles de Guigal et de Chapoutier, grosse cavalerie habituellement destinée à compenser un manque d’imagination : ce que les ballets du Bolchoï sont à la danse contemporaine. Il y a un petit côté pied tendre dans ce nouvel établissement, notamment quand un des patrons, assez smart, semble vous « ghoster » plutôt que de jouer son rôle d’aubergiste. La carte est convenue, mais séduisante, notamment grâce à la qualité des produits : les viandes viennent de chez Bello, boucherie de haute couture. De fait, notre onglet était parfait. On est resté plus dubitatif devant l’accompagnement, servi à part, qui aurait plus gagné à s’appeler riz crémeux que « risotto » , un plat qui a ses règles comme le rugby. Le détournement est moins dérangeant pour la béarnaise, réinterprétée en agréable structure mousseuse. Très bien aussi le pied de cochon désossé, cuit sous
panure. La salade frisée attenante était trop salée, rattrapée par un assaisonnement d’herbes qu’on adore, cerfeuil, estragon et persil. Trop salée aussi — excès de sauce soja — la « salade thaïe » , accompagnant des tatakis de boeuf. On en a conclu que le chef était amoureux ce jour- là. Parce que Grégoire Mignot n’est pas un perdreau de l’année. Acteur remarqué de la bistronomie parisienne, il est passé chez des étoilés coruscants : Guy Savoy, Jean- Pierre Vigato ( auquel il rend hommage avec sa tête de veau). Pour l’heure, on a l’impression que, vêtu d’un maillot de bain en laine, il hésite à se jeter à l’eau. En revanche, on a trouvé que Axelle, au service, était particulièrement opérationnelle, bien présente au coeur de la mêlée.