La Tribune de Lyon

Derrière les portes du squat Le Chemineur

- IRIS BRONNER

u 40 rue Denfert- Rochereau, les immeubles d’habitation ont laissé place à un vaste chantier, mais une bâtisse, surnommée Le Chemineur, fait de la résistance. Le collectif de soutien aux migrants de la Croix- Rousse occupe les lieux depuis mai 2021 et a obtenu, en novembre dernier, un sursis jusqu’à avril 2023, évitant ainsi la destructio­n du bâtiment et le délogement d’une cinquantai­ne d’adolescent­s sans papier. Derrière les murs jaunes décrépis et colorés de tags, de jeunes migrants venus de Guinée- Conakry, du Cameroun ou de Côte d’Ivoire, âgés de 15 à 17 ans, espèrent obtenir leur reconnaiss­ance de minorité et la prise en charge qui s’en suit par les autorités. Mais cela peut prendre plusieurs mois et en attendant « c’est ça ou la rue, et je préfère être ici que dans une tente dans le froid » , confie Bertin, 17 ans.

A50 ados traumatisé­s. Ce squat n’a rien d’officiel, mais est toléré et soutenu par la Métropole, faute de mieux. « On a pu rétablir l’électricit­é et avoir de l’eau chaude en décembre, heureuseme­nt » , reconnaît Sébastien, membre du collectif. Abandonnés pendant plusieurs années, les quatre appartemen­ts qui composent ce petit immeuble ont été divisés en une dizaine de chambres où dorment trois à quatre personnes. Niveau organisati­on, la préparatio­n des repas et le ménage tournent chaque jour, non sans mal. « Je viens pour essayer de les motiver, de m’assurer qu’il y a suffisamme­nt à manger, mais 50 ados traumatisé­s dans une maison, ce n’est pas évident » , déclare Sébastien. Chaque jour, les jeunes se rendent au Secours Populaire dans le 7e arrondisse­ment pour suivre deux heures de cours de français et de mathématiq­ues. Soutenu par d’autres associatio­ns, le squat se maintient aussi grâce aux dons de particulie­rs. À l’extérieur, entre la façade peinturlur­ée de dessins et le bruyant chantier, JeanHerman, 16 ans, regarde l’horizon. L’Ivoirien est là depuis si mois et rêve de travailler dans le bâtiment. À ses côtés, sur un vélo elliptique, Bertin se voit, lui, footballeu­r profession­nel. Il s’entraîne régulièrem­ent au club de la Croix- Rousse en attendant d’obtenir ses papiers. Amara, 16 ans, vient de son côté d’obtenir le précieux sésame. Le jeune homme déboule dans la pièce commune où dorment deux garçons, pendant que l’un est greffé à son portable. Dans ses mains, des papiers. « Je pars » , lancet- il. Officielle­ment reconnu mineur, le jeune homme rejoindra dans la journée un hôtel réquisitio­nné par la Métropole avant de se voir attribuer un foyer, pour, il l’espère, un nouveau départ.

Né en 2018 avec le squat du collège Maurice Sèvre, le collectif citoyen de soutien aux migrants de la Croix- Rousse est composé uniquement d’habitants.

« Nous ne sommes pas une structure associativ­e, personne n’est profession­nel, ce n’est que du bricolage » , appuie Sébastien, un des 40 membres actifs. En plus du squat Le Chemineur, le collectif gère trois autres endroits et près de 120 places, dont le squat Chez Gemma. Le collectif demande la création de davantage de lieux d’accueil et l’adoption d’une présomptio­n de minorité.

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Le collectif organise régulièrem­ent des Dimanches solidaires dans le quartier sous forme de grande fête. L’objectif : soutenir les jeunes migrants, mobiliser les riverains et médiatiser la cause. Le prochain aura lieu le 8 mai.

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