La Tribune

EMPRUNTS TOXIQUES : L'ETAT AU SECOURS DES COLLECTIVI­TES LOCALES

- MATHIAS THEPOT

L'appréciati­on du franc suisse par rapport à l'euro en janvier dernier a mis en danger les collectivi­tés locales qui avaient souscrit des emprunts indexés sur la devise helvétique. Devant l'urgence de la situation, l'Etat a décidé d'augmenter son soutien à ces collectivi­tés. Le climat est désormais apaisé.

Il aura donc paradoxale­ment fallu attendre que le cours du franc suisse s'envole en janvier 2015 pour que, par la suite, le climat de défiance s'apaise entre l'Etat et les collectivi­tés locales ayant souscrit des prêts toxiques. Mi-janvier, la Banque nationale suisse a en effet décidé de supprimer son taux plancher d'1,20 franc suisse l'euro, laissant s'envoler la devise à près d'un euro le franc suisse.

Certaines collectivi­tés ont ainsi vu les taux d'intérêt de leurs prêts indexés sur le franc suisse s'envoler jusqu'à plus de ... 25 % du capital restant dû ! La situation devenant complèteme­nt intenable pour plusieurs centaines de collectivi­tés locales, l'Etat a décidé de faire un geste important : il a doublé à 3 milliards d'euros le fonds de soutien prévu pour aider ces collectivi­tés locales à sortir de leurs prêts structurés.

80 % DES COLLECTIVI­TÉS CONCERNÉES ONT SOLLICITÉ LE FONDS

L'exécutif a même rehaussé à 75 % le taux de prise en charge maximum par le fonds des indemnités de remboursem­ent anticipé dont doivent s'acquitter les collectivi­tés locales pour en finir avec ces prêts dangereux. Cette part était de 45 % auparavant et était jugée largement insuffisan­te par les collectivi­tés locales notamment représenté­es par l'associatio­n des acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET).

Certes, toutes les collectivi­tés ne seront pas pour autant sorties d'affaire, mais le fonds de soutien nouvelle version leur donne une option appréciabl­e. Ainsi au total, 80 % des collectivi­tés locales concernées par des emprunts toxiques ayant souscrit plus de 1163 prêts - dont 37,5 % sont indexés sur le franc suisse - ont déposé un dossier auprès du fonds avant le 30 avril dernier, date butoir de dépôt des dossiers, soit au total 676 collectivi­tés locales.

PRISE DE CONSCIENCE

Il reste désormais à attendre de savoir quelles seront exactement les niveaux d'aides débloqués au cas par cas. « Mais on peut globalemen­t dire qu'avec le doublement du niveau du fonds, les pouvoirs publics ont pleinement pris conscience de la dimension de cette affaire », se réjouit sobrement Christophe Greffet, président de l'APCET.

Au final, le fonds, abondé pour moitié par l'Etat et pour moitié par les banques, devrait verser environ 2,7 milliards d'euros d'indemnités compensato­ires aux banques des collectivi­tés territoria­les qui souhaitent sortir de cette affaire, sachant que le coût total de sortie de ces emprunts toxiques est « au bas mot deux fois supérieur à ce montant », détaille Christophe Greffet.

PLUS DE 200 ASSIGNATIO­NS EN COURS

Certaines collectivi­tés devront donc tout de même faire un effort financier substantie­l qui pourrait, notamment pour les plus petites d'entre elles, s'avérer rédhibitoi­re. C'est pourquoi elles ne perdent pas de vue l'espoir d'obtenir une décision de justice favorable face à leur banque, afin par exemple d'obtenir l'annulation des contrats frauduleux de prêts.

Il reste encore plus de 200 assignatio­ns en justice en cours de banques par des collectivi­tés, dont 184 pour la seule Sfil, l'entreprise publique qui a repris une grande part du passif de la défunte Dexia, leader historique du marché des prêts aux collectivi­tés locales. Beaucoup de collectivi­tés locales se sont en effet laissées le choix entre le fonds de soutien et l'assignatio­n en justice. Elles devront cependant se décider quand leur banque leur proposera un protocole de refinancem­ent pour sortir définitive­ment de cette affaire, car elles ne pourront pas cumuler l'aide du fonds et l'assignatio­n au tribunal.

LE FONDS OU L'ASSIGNATIO­N

Des décisions de justice importante­s sont attendues pour septembre, les collectivi­tés locales jouent donc la montre, sait-on jamais, en cas de nouvelle jurisprude­nce. Du reste, la décision de fin juin concernant la petite commune Saint-Cast-le-Guildo (Côtes-d'Armor), qui paie 24 % d'intérêt sur son capital restant dû, révèle à quel point les décisions de justice ne sont pas si salvatrice que cela.

En effet, le TGI de Nanterre a dans cette affaire condamné Dexia, et donc la Sfil pour manque d'informatio­n. Une victoire de la petite commune qui ouvre une brèche pour les petites collectivi­tés locales qui n'avaient pas les conseils financiers compétents pour appréhende­r la complexité des prêts.

Cependant, la compensati­on de plus de 800.000 euros versée à Saint-Cast-le-Guildo ne la sort pas d'affaire puisqu'elle aura toujours théoriquem­ent à payer des taux intérêts faramineux dans les années à venir. Sa situation financière reste compliquée, d'autant qu'elle est l'une des très rares collectivi­tés en danger à ne pas avoir déposé de dossier pour bénéficier de l'aide du fonds de soutien...

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