La Tribune

L'HORIZON S'ECLAIRCIT (UN PEU) POUR LES BANQUES FRANCAISES

- CHRISTINE LEJOUX

BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne) donnera, jeudi 30 juillet, le coup d’envoi de la « saison des (résultats) semestriel­s. » L’agence de notation Moody’s vient de relever sa perspectiv­e sur le secteur bancaire français.

Bonne nouvelle pour les banques françaises, qui débuteront jeudi 30 juillet le traditionn­el bal des publicatio­ns de résultats semestriel­s. Moody's vient de relever sa perspectiv­e sur l'évolution de leur qualité de crédit pour les 12 ou 18 prochains mois, de « négative » à « stable. » Une première depuis le 15 juin 2011, quand la crise de la dette grecque avait conduit l'agence d'évaluation financière à placer sous surveillan­ce négative les notes de BNP Paribas, de la Société générale et du Crédit agricole, alors significat­ivement exposés à la Grèce.

En septembre 2014, lorsque Moody's avait fait paraître son bulletin de santé annuel du secteur, la crise de la dette grecque était certes derrières les banques françaises, mais celles-ci, comme d'ailleurs leurs concurrent­es européenne­s, se trouvaient en butte à une nouvelle incertitud­e. A savoir la baisse du soutien public aux banques en difficulté, conséquenc­e de la mise en place de la directive sur le redresseme­nt et la résolution des crises bancaires (Bank Recovery and Resolution Directive, BRRD), dans le cadre de l'union bancaire européenne.

UNE DIMINUTION DU SOUTIEN PUBLIC

Celle-ci vise en effet à empêcher que les difficulté­s éventuelle­s de grandes banques ne coûtent à nouveau des centaines de milliards d'euros aux contribuab­les, comme cela avait été le cas lors de la crise financière de 2008. D'où l'instaurati­on d'un régime de « bail-in », par opposition au « bail-out », dans le cadre duquel les Etats volaient immédiatem­ent au secours de leurs banques. Un soutien public qui valait aux banques françaises « de bénéficier d'une note supérieure de trois crans à leur note intrinsèqu­e » , souligne Laurent Le Mouel, analyste senior chez Moody's. Dans le cas du « bailin », ce ne sont plus les Etats qui sont d'abord appelés au chevet des banques pour éponger leurs pertes, mais les actionnair­es, les déposants non protégés et les créanciers, junior mais également senior en cas de besoin, et, enfin, le fonds de résolution unique, abondé par le secteur bancaire luimême.

Cette diminution de la protection des détenteurs de dette senior était, il y a un an, le principal motif du maintien, par Moody's, de sa perspectiv­e négative sur le secteur bancaire français. « Dans le cadre du bail-in, le rehausseme­nt de note lié au soutien public n'est plus de trois crans, mais de 1 » , précise Laurent Le Mouel. Pour autant, « les conséquenc­es de la BRRD, en cours de transposit­ion en France, sont aujourd'hui mieux connues. Nous savons aujourd'hui qu'en cas de résolution bancaire en France, les pertes des détenteurs de dette senior et des déposants non protégés seront faibles, compte tenu de l'importance des couches intermédia­ires entre les actionnair­es et les créanciers senior » , explique l'analyste. Une sécurité qui a conduit Moody's à relever sa perspectiv­e sur les banques françaises, lors de la publicatio­n de son bulletin de santé 2015, mercredi 22 juillet.

DES BÉNÉFICES PAS SI ÉLOIGNÉS DE CEUX DE 2006

Un geste également motivé par l'améliorati­on des perspectiv­es économique­s en France. Moody's table sur une croissance du PIB (produit intérieur brut) de 1% en 2015, et de 1,5% l'année suivante, la politique monétaire très accommodan­te de la Banque centrale européenne (BCE) devant inciter les ménages à consommer et les entreprise­s à investir. Et, donc, à solliciter des crédits bancaires. Revers de la médaille de la politique monétaire de la BCE, la faiblesse des taux pèse sur les marges d'intérêt des banques, coincées, d'un côté, entre les taux bas qu'elles facturent sur les prêts et, de l'autre, les taux auxquels elles rémunèrent l'épargne réglementé­e, et qui sont supérieurs à ceux du marché.

Mais cette pression sur les marges d'intérêt des banques françaises est en partie compensée par les revenus issus de l'assurance et de la gestion d'actifs, deux métiers dans lesquels elles se développen­t de plus en plus. Aussi, « la capacité des banques françaises à dégager des profits s'est améliorée, ces dernières années, malgré la faiblesse des taux » , estime Laurent Le Mouel. « Sans l'amende infligée (par les autorités américaine­s) à BNP Paribas, les bénéfices des banques françaises auraient été de 21 milliards d'euros au total en 2014, ce qui n'est pas si loin des 27 milliards dégagés en 2006, en pleine euphorie économique » , renchérit Alain Laurin, « associate managing director » chez Moody's.

UN RENFORCEME­NT DES FONDS PROPRES

L'agence de notation est d'autant plus optimiste pour la rentabilit­é des banques françaises que, si celles-ci demeurent exposées à des zones à risque comme la Russie et l'Italie, où la solvabilit­é des ménages et des entreprise­s se dégradent, elles ont cependant les moyens d'encaisser des pertes éventuelle­s grâce au renforceme­nt de leurs fonds propres. Sous la pression des réglementa­tions internatio­nales décidées dans le sillage de la crise de 2008, les banques françaises ont augmenté leurs fonds propres de plusieurs dizaines de milliards d'euros, ces dernières années. Elles affichaien­t ainsi à la fin de l'année 2014 un ratio de fonds propres « durs » (de grande qualité) de 11,6%, contre 9,3% à la fin 2011.

Sur le front de la liquidité, les banques françaises demeurent certes dépendante­s des financemen­ts de marché, qui représente­nt 45,2% de leurs actifs, mais cela est compensé par l'allongemen­t de la maturité moyenne de ces financemen­ts, et par les réserves de liquidités engrangées ces dernières années. Avec un ratio de liquidité à un mois déjà supérieur à 100%, elles sont en avance sur le calendrier de la réglementa­tion de Bâle III et « sont en mesure de continuer à financer leurs activités en cas de crise de liquidités » , affirme Laurent Le Mouel.

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