La Tribune

L'ETOILE DE HONG KONG PALIT, UNE BONNE NOUVELLE POUR LE LUXE FRANCAIS ?

- MARINA TORRE

La ville chinoise perd son statut de supermarch­é géant pour les produits de luxe. Ce qui serait de bonne augure pour les fabricants occidentau­x… à condition de savoir en tirer parti.

Hermès y croit encore, Burberry, beaucoup moins. La griffe de luxe française compte encore sur le potentiel de Hong Kong, malgré un marché du luxe en berne dans la ville.

"Nous pensons que la situation va rester difficile pendant encore un an. Hong Kong reste un marché très important, dans lequel nous pensons investir", a déclaré à Reuters Axel Dumas, le patron de la marque, à l'occasion de la publicatio­n de ses résultats semestriel­s le 21 juillet.

D'autres marques font montre de bien moins d'optimisme. A commencer par le britanniqu­e Burberry qui publie depuis plusieurs trimestres des mises en garde sur l'effet des baisses de ventes dans la ville sur sa rentabilit­é. Celles-ci ont chuté d'au moins 10% au premier trimestre de l'année fiscale selon une conférence avec les analystes qui a eu lieu le 15 juillet. Une chute qui se poursuit donc après une année 2014 déjà en berne dans la ville où cette faible performanc­e était souvent imputée aux manifestat­ions pro-démocratie.

"HONG KONG EST EN TRAIN DE DEVENIR UNE PERDANTE"

"Pour des raisons structurel­les, Hong Kong est en train de devenir une perdante", constate de son côté Erwan Rambourg, spécialist­e du marché du luxe pour la banque HSBC, lors d'une rencontre avec des journalist­es. Ce dernier remarque qu'après une dizaine d'années fastes suivant l'épidémie de SRAS en 2003, l'ancienne ville britanniqu­e connaît une baisse d'attractivi­té dans le luxe. "En dehors de Moncler [ marque italienne de vêtements d'hiver connue pour ses doudounes], personne n'ouvre de magasins et sans doute y aura-t-il des fermetures", ajoute-t-il. En cause, principale­ment, une lassitude de la clientèle chinoise aisée face à une offre relativeme­nt peu diversifié­e.

Or la ville fait jusqu'ici figure de supermarch­é du luxe pour la Chine. Les trois quarts des dépenses des touristes chinois à Hong Kong sont consacrés au shopping, contre une moyenne de 58% toutes destinatio­ns confondues, d'après la banque. Dans ces conditions, même si les prix immobilier­s y sont relativeme­nt élevés, les niveaux de rentabilit­és y sont très élevés. Aussi pour compenser, les marques de luxe internatio­nales, françaises notamment, devrons trouver d'autres débouchés.

K-POP, YEN FAIBLE ET DUTY FREE CHINOIS

Quels sont-ils ? En Asie, Séoul bénéficier­ait en premier lieu de l'attrait pour la culture coréenne, alimentée par la politique du gouverneme­nt. Tandis que Tokyo profiterai­t de son côté d'un effet de change favorable ( tout comme l'euro du reste). En outre, le gouverneme­nt chinois lui-même, soucieux de développer la consommati­on intérieure, teste des galeries marchandes détaxées, comme sur l'île de Hainan où a ouvert fin 2014 le plus grand centre commercial dédié à ces produits, géré par un opérateur d'Etat. D'autres projets du même type seraient en préparatio­n qui s'ajouteront aux duty free d'aéroport ciblant les voyageurs chinois rentrant chez eux.

Au printemps, l'administra­tion a par ailleurs annoncé une série de baisses de taxes sur des produits d'importatio­n. Une politique apparemmen­t contradict­oire avec la politique anti-corruption qui, en interdisan­t les cadeaux somptuaire­s depuis deux ans, a surtout affecté les producteur­s de vins et spiritueux et les horlogers. Mais ces baisses de taxes annoncées visent avant tout les biens de grande consommati­on. Et si les multinatio­nales du luxe en profitent, ce serait un effet indirect de cette politique, surtout dans les cosmétique­s, de plus en plus considérés comme des produits de consommati­on courante.

HARMONISAT­ION DES PRIX

Côté occidental enfin, les villes européenne­s auraient elles aussi tout à gagner de cette perte d'attrait pour Hong Kong. Ce, en dépit de l'harmonisat­ion des prix initiée par Chanel. D'abord parce que toutes les marques n'ont pas (encore) suivi le mouvement. Pour 17 marques étudiées en mai par HSBC, un écart moyen de 38% est constaté, et ce, pour les seuls prix au détail: hors taxes, il pourrait atteindre 50% entre les capitales françaises et italienne et la Chine continenta­le. Des pièces Ferragamo ou Vuitton peuvent même être respective­ment 82% et 56% plus chères en Chine continenta­le (40 et 35% à Honk Kong) qu'à Paris et Milan.

Ensuite, et surtout, parce que pour les clients chinois le fait d'acheter à l'étranger, lors d'un voyage, confère encore une valeur psychologi­que supérieure aux produits, tout en les rassurant sur l'absence de contrefaço­n.

PARIS, DESTINATIO­N "RÊVÉE"

Du point de vue du "trafic", les marques européenne­s semblent n'avoir sur leurs terres d'origines, aucun souci à se faire. "Aux investisse­urs qui s'étonnent du nombre de Chinois dans la clientèle des marques européenne­s, je réponds vous n'avez encore rien vu", s'amuse Erwan Rambourg. De fait, pas besoin d'attendre les largesses de compagnies chinoises prêtes à affréter des avions en direction de l'Hexagone pour plus de 6.000 employés, le flux de visiteurs provenant de Chine devrait encore grossir. Il atteint déjà 1,7 million de visiteurs pour l'année 2014, selon le ministère du Tourisme. Le lieu le plus visité par les Chinois reste Hong Kong, selon une étude de l'organisme de recherche du Financial Times datant d'avril 2015. Mais la France passe de la 10e à la 7e place par rapport à 2014. Elle reste en outre leur destinatio­n préférée, aussi bien pour leur projets de départ que comme destinatio­n "rêvée".

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