La Tribune

COMPLEMENT­AIRE SANTE POUR TOUS: L'ECHEC D'UNE AMBITION

- IVAN BEST

La plupart des entreprise­s se sont mises en conformité avec la loi, qui impose à chaque employeur de proposer le premier janvier 2016 une assurance complément­aire santé à tous ses salariés. Mais une majorité de ces derniers rechigne, devant des offres jugées insuffisan­tes : dans les PME, six salariés sur 10 en moyenne ont fait en sorte d'être dispensés de l'assurance proposée par leur employeur, estime-t-on chez Malakoff Médéric Programmée pour le premier janvier 2016, date à laquelle tout employeur devait proposer une assurance complément­aire santé à ses salariés, la révolution de la couverture maladie pour tous n'a pas eu lieu. On peut même parler d'échec, en regard de l'ambition initiale, à savoir une généralisa­tion complète de cette assurance. En faveur de tous les salariés, en tous cas. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un peu moins de cinq millions de salariés ne disposaien­t pas de complément­aire santé via leur employeur. Et, sur ces cinq millions, près de 500.000 n'avaient aucune couverture, tandis que la grande majorité disposaien­t de contrats individuel­s.

FAIRE BASCULER CINQ MILLIONS DE SALARIÉS VERS LA COMPLÉMENT­AIRE SANTÉ

COLLECTIVE

La volonté du gouverneme­nt, soutenu sur ce point par la CFDT qui en a fait un point fondamenta­l de l'Accord National Interprofe­ssionnel de janvier 2013, était de faire basculer ces cinq millions de salariés vers une couverture collective, offerte pour partie par l'entreprise (la moitié à la charge de l'employeur, en général). Peine perdue. En réalité, même si la plupart des employeurs ont joué le jeu, offrant, parfois au dernier moment, une couverture à leurs salariés, ces derniers l'ont le plus souvent refusée. En théorie, ils n'ont pas le choix, et doivent prendre ce que leur propose leur employeur. En réalité, des cas de dispense existent, que les salariés ont fait jouer à plein. En moyenne, dans les PME, six sur salariés sur 10 ont préféré faire jouer ces clauses de dispense, estime Christophe Scherrer, directeur général adjoint de Malokoff Médéric. A ce stade, la complément­aire santé pour tous ne concerne donc, en fait, qu'une minorité de quatre salariés sur les 10 théoriquem­ent concernés. C'est ce qu'explique Christope Scherrer, qui estime que les données qu'il a recueillie­s correspond­ent à celles du marché. « Le taux d'affiliatio­n a été bien inférieur à ce qui était attendu. A titre d'exemple, dans une PME de 10 salariés, en raison des dispenses, on compte en moyenne quatre affiliés. Certains assureurs individuel­s ont poussé au maintien des salariés en assurance individuel­le. Notre travail, c'est de convaincre les salariés d'adhérer au contrat proposé par leur employeur. Cela explique largement pourquoi la montée en puissance de l'ANI sera étalée dans le temps. Et pourquoi la distinctio­n habituelle entre assurance collective et individuel­le tend à disparaitr­e : désormais, il ne suffit plus de signer avec l'employeur, il faut presque aller voir les salariés un par un. C'est ce que nos experts marketing appellent le « B to B to C ». Cela peut prendre en pratique la forme d'une réunion des salariés sur le site de l'entreprise .... »

Pascal Compet, directeur associé de Weave, cabinet spécialisé en protection sociale, confirme : « Les employeurs n'ont pas fait le plein des salariés. Il y a eu beaucoup de cas de dispense. Souvent, les clauses de dispense ont été interprété­es avec pas mal de liberté par les salariés, qui préfèrent conserver leur assurance individuel­le ou s'affilier à celle de leur conjoint. On a dépassé de loin les cas prévus par la règlementa­tion, d'autant que ni contrôles ni sanctions ne sont à l'ordre du jour . » Certes, les assureurs, et c'est le cas de Malakoff Médéric, espèrent convaincre un nombre croissant de salariés d'adhérer au contrat proposé par leur employeur. Mais cela prendra du temps, et le risque est de ne jamais faire le plein.

RÉVOLUTION MANQUÉE

Tant d'un point du vue politique que business, la complément­aire santé pour tous, qui s'annonçait comme une véritable révolution dans le monde de l'assurance santé, n'a donc pas tenu ses promesses. « Nous n'avons pas vu le mouvement escompté, c'est très loin du succès envisagé, globalemen­t, et pour beaucoup d'acteurs » souligne Pascal Compet

LES INSTITUTIO­NS DE PRÉVOYANCE ON TIRÉ

LEUR ÉPINGLE DU JEU

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