REFORME DU CODE DU TRAVAIL: LE PROJET DE LOI QUI CHAMBOULE TOUT
Définition du licenciement économique, durée du travail, référendum d'entreprise, modulation du temps de travail... avec son projet de loi Myriam El Khomri flexibilise le droit du travail comme jamais, auparavant, ne l'aurait fait... un ministre de droite. Ça va tanguer ! A peine connu, le contenu de l'avant-projet de loi El Khomri réformant le droit du travail suscite déjà la polémique et les clivages se forment. Les syndicats de salariés et une partie de la gauche - même le secrétaire général du PS, Jean-Christophe Cambadélis doute de voter le texte en l'état- hurlent déjà et crient à la grande casse du droit du travail. A l'inverse, une partie de la droite et les organisations patronales estiment que « le projet va dans le bon sens ».
UN PROJET DE LOI GLOBAL
De fait, ceux qui dans le petit monde politique et médiatique estimaient il y a encore quelques jours que le projet porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri, qui sera présenté en Conseil des ministres le 9 mars, serait une coquille vide ont tout faux. Ce projet de loi va très loin. Certes, pas encore assez pour les plus libéraux partisans du « toujours plus » ou, en l'occurrence, plutôt du « toujours moins ». Il faut remonter des années en arrière pour retrouver un ensemble de dispositions flexibilisant à ce point le Code du travail.
Certes, il y a eu la rupture conventionnelle instituée en 2008, ou encore les dérogations à la hiérarchie des normes en 2004, ou aussi l'extension des recours aux contrats à durée déterminée et à l'intérim à la fin du XXe siècle, et la fin de l'autorisation administrative pour les licenciements économiques en 1986. Mais, à chaque fois, il s'agissait d'une ou deux mesures. Là, ce sont de nombreuses dispositions qui sont visées par ce projet de loi de 52 articles... Et politiquement parlant, on se retrouve totalement à front renversé. C'est un gouvernement dit « de gauche » qui va faire ce que des gouvernements de droite n'ont jamais osé... Revue de détail. Ce projet de plus de cent pages, récrit, comme convenu, toute la partie du Code du travail relative à l'organisation du temps de travail. Tout y passe donc : les congés payés, le travail à temps partiel, intermittent, les cycles de travail, les astreintes, les temps de pause et d'habillage... Sur chaque point, dans la droite ligne des recommandations du rapport Combrexelle, le projet de loi tend à donner la priorité aux accords de branche et d'entreprise. Il précise ce que ces accords peuvent prévoir, ce qui relève de l'ordre public intangible et, enfin, quelles sont les règles « supplétives » applicables à défaut d'accord. Et, déjà, sur ces questions, il comprend quelques dispositions « flexibilisant » le droit du travail.
BAISSE DE LA MAJORATION DES" HEURES
SUP"
Ainsi, certes, la durée légale hebdomadaire du travail reste fixée à 35 heures. Ce qui signifie qu'audelà, les heures supplémentaires doivent être majorées. Mais la loi fait sauter le verrou de l'accord de branche sur ce taux de majoration. Autrement dit, à la différence de ce qui était la règle jusqu'ici, même si un accord de branche prévoit un taux de majoration supérieur (20 % ou 25 % par exemple), un accord d'entreprise pourra fixer un taux de bonification inférieur dans la limite d'un minimum de 10%. Et cet accord s'appliquera, un salarié ne pourra pas revendiquer l'application du « principe de faveur » en estimant que l'accord de branche lui est plus favorable. Le principe de saine concurrence au sein d'une branche professionnelle va donc être mis à rude épreuve. Mieux encore, dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical, l'employeur pourra unilatéralement remplacer le paiement des « heures sup » par un repos compensateur, si les délégués du personnel ne s'y opposent pas. Rappelons qu'en l'absence de tout accord, les huit premières « heures sup » doivent être majorées de 25 % et les suivantes de 50 %.
MODULATION DU TEMPS DE TRAVAIL... SUR
TROIS ANS
Plus fort, le projet de loi prévoit que, toujours par accord, l'entreprise est autorisée à moduler le temps de travail sur une période pouvant atteindre... trois ans, au lieu d'un an jusqu'ici. Ce qui signifie que les « heures sup » ne seront pas dues si en moyenne sur cette période on a travaillé 35 heures. Même (hypothèse d'école) si l'on a travaillé 40 heures pendant 18 mois... dès lors que l'on a travaillé que 30 heures les 18 mois suivants.