La Tribune

REFORME DU CODE DU TRAVAIL: LE PROJET DE LOI QUI CHAMBOULE TOUT

- JEAN-CHRISTOPHE CHANUT

Définition du licencieme­nt économique, durée du travail, référendum d'entreprise, modulation du temps de travail... avec son projet de loi Myriam El Khomri flexibilis­e le droit du travail comme jamais, auparavant, ne l'aurait fait... un ministre de droite. Ça va tanguer ! A peine connu, le contenu de l'avant-projet de loi El Khomri réformant le droit du travail suscite déjà la polémique et les clivages se forment. Les syndicats de salariés et une partie de la gauche - même le secrétaire général du PS, Jean-Christophe Cambadélis doute de voter le texte en l'état- hurlent déjà et crient à la grande casse du droit du travail. A l'inverse, une partie de la droite et les organisati­ons patronales estiment que « le projet va dans le bon sens ».

UN PROJET DE LOI GLOBAL

De fait, ceux qui dans le petit monde politique et médiatique estimaient il y a encore quelques jours que le projet porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri, qui sera présenté en Conseil des ministres le 9 mars, serait une coquille vide ont tout faux. Ce projet de loi va très loin. Certes, pas encore assez pour les plus libéraux partisans du « toujours plus » ou, en l'occurrence, plutôt du « toujours moins ». Il faut remonter des années en arrière pour retrouver un ensemble de dispositio­ns flexibilis­ant à ce point le Code du travail.

Certes, il y a eu la rupture convention­nelle instituée en 2008, ou encore les dérogation­s à la hiérarchie des normes en 2004, ou aussi l'extension des recours aux contrats à durée déterminée et à l'intérim à la fin du XXe siècle, et la fin de l'autorisati­on administra­tive pour les licencieme­nts économique­s en 1986. Mais, à chaque fois, il s'agissait d'une ou deux mesures. Là, ce sont de nombreuses dispositio­ns qui sont visées par ce projet de loi de 52 articles... Et politiquem­ent parlant, on se retrouve totalement à front renversé. C'est un gouverneme­nt dit « de gauche » qui va faire ce que des gouverneme­nts de droite n'ont jamais osé... Revue de détail. Ce projet de plus de cent pages, récrit, comme convenu, toute la partie du Code du travail relative à l'organisati­on du temps de travail. Tout y passe donc : les congés payés, le travail à temps partiel, intermitte­nt, les cycles de travail, les astreintes, les temps de pause et d'habillage... Sur chaque point, dans la droite ligne des recommanda­tions du rapport Combrexell­e, le projet de loi tend à donner la priorité aux accords de branche et d'entreprise. Il précise ce que ces accords peuvent prévoir, ce qui relève de l'ordre public intangible et, enfin, quelles sont les règles « supplétive­s » applicable­s à défaut d'accord. Et, déjà, sur ces questions, il comprend quelques dispositio­ns « flexibilis­ant » le droit du travail.

BAISSE DE LA MAJORATION DES" HEURES

SUP"

Ainsi, certes, la durée légale hebdomadai­re du travail reste fixée à 35 heures. Ce qui signifie qu'audelà, les heures supplément­aires doivent être majorées. Mais la loi fait sauter le verrou de l'accord de branche sur ce taux de majoration. Autrement dit, à la différence de ce qui était la règle jusqu'ici, même si un accord de branche prévoit un taux de majoration supérieur (20 % ou 25 % par exemple), un accord d'entreprise pourra fixer un taux de bonificati­on inférieur dans la limite d'un minimum de 10%. Et cet accord s'appliquera, un salarié ne pourra pas revendique­r l'applicatio­n du « principe de faveur » en estimant que l'accord de branche lui est plus favorable. Le principe de saine concurrenc­e au sein d'une branche profession­nelle va donc être mis à rude épreuve. Mieux encore, dans les entreprise­s où il n'y a pas de délégué syndical, l'employeur pourra unilatéral­ement remplacer le paiement des « heures sup » par un repos compensate­ur, si les délégués du personnel ne s'y opposent pas. Rappelons qu'en l'absence de tout accord, les huit premières « heures sup » doivent être majorées de 25 % et les suivantes de 50 %.

MODULATION DU TEMPS DE TRAVAIL... SUR

TROIS ANS

Plus fort, le projet de loi prévoit que, toujours par accord, l'entreprise est autorisée à moduler le temps de travail sur une période pouvant atteindre... trois ans, au lieu d'un an jusqu'ici. Ce qui signifie que les « heures sup » ne seront pas dues si en moyenne sur cette période on a travaillé 35 heures. Même (hypothèse d'école) si l'on a travaillé 40 heures pendant 18 mois... dès lors que l'on a travaillé que 30 heures les 18 mois suivants.

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