La Tribune

POUR UNE UNION EUROPEENNE DE L'ENERGIE

- CLAUDE CRAMPES ET THOMAS-OLIVIER LEAUTIER

Construire une Europe de l'énergie, notamment de l'électricit­é, ce serait améliorer la performanc­e énergétiqu­e commune. Mais en heurtant fortement des souveraine­tés nationales. Quand les Allemands accepteron­t-ils de subvention­ner l'installati­on de panneaux photovolta­ïques en Grèce? Par Claude Crampes et Thomas-Olivier Léautier, économiste­s TSE Difficile d'aborder un pan de la politique sans lui trouver un lien avec des problèmes d'énergie et, symétrique­ment, la plupart des décisions prises en matière énergétiqu­e ont des effets multiples, difficiles à prévoir et maitriser, sur de nombreux domaines de la vie sociale. On peut donc comprendre, sans pour autant l'approuver, pourquoi les gouvernant­s n'aiment pas abandonner à des régulateur­s sectoriels et aux autorités de la concurrenc­e le contrôle d'une industrie aussi essentiell­e. On comprend mieux aussi la réticence des gouverneme­nts nationaux à laisser Bruxelles construire une Union de l'énergie. Pourtant, ils ont beaucoup à y gagner.

RÉSILIENCE ET CLAIRVOYAN­CE

Dans une communicat­ion publiée en 2015 sous le titre « Paquet Union de l'Energie » (et sous-titrée plus élégamment « Cadre stratégiqu­e pour une Union de l'énergie résiliente, dotée d'une politique clairvoyan­te en matière de changement climatique » ), la Commission européenne explique pourquoi l'avenir de l'Union passe par une plus grande intégratio­n physique et organisati­onnelle des marchés nationaux de l'énergie. En vingt-cinq pages et quinze points d'action, la Commission résume sa stratégie, et l'accompagne d'une feuille de route précise jusqu'en 2020.

Avec la sécurisati­on des approvisio­nnements gaziers et pétroliers, la Commission traite de politique étrangère et de politique commercial­e. L'efficacité énergétiqu­e l'oblige à aborder la politique du logement et les transports. Avec l'encouragem­ent des énergies renouvelab­les, c'est l'innovation et l'emploi qui sont sur la sellette. Les projets d'intérêt commun en matière d'infrastruc­ture interfèren­t avec la politique industriel­le et l'aménagemen­t du territoire. Parler de participat­ion de la demande à l'équilibrag­e de l'industrie électrique, c'est relancer la suppressio­n des tarifs -régulés- et la promotion de la concurrenc­e. C'est aussi poser la question de la protection des consommate­urs vulnérable­s.

L'UNION DE L'ÉNERGIE OU L'INTRUSION DE L'EUROPE DANS DE NOMBREUX SECTEURS

L'Union de l'énergie représente donc une intrusion dans de nombreux secteurs économique­s et oblige les autorités nationales à adapter des règles jusqu'ici basées sur des arbitrages entre intérêts locaux. Les Etats membres ne laisseront pas les autorités de Bruxelles empiéter aussi largement sur leurs prérogativ­es sans résister. Ce serait pourtant souhaitabl­e si l'on veut atteindre l'objectif rappelé dans le 'Paquet Union de l'Energie' : les consommate­urs de l'UE (ménages et entreprise­s) doivent pouvoir disposer d'une énergie sûre, soutenable, compétitiv­e et à des prix raisonnabl­es. Ci-après, nous examinons deux exemples d'achoppemen­t entre intérêt national et intérêt communauta­ire. Le premier, réel, envisage les conséquenc­es de l'obligation d'accroitre les interconne­xions électrique­s. Le second imagine ce que pourrait être la politique de développem­ent des panneaux photovolta­ïques dans une Europe où le mix énergétiqu­e ne se gèrerait plus à l'échelon national.

SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQU­E

La Communicat­ion de la Commission sur la « Stratégie européenne pour la sécurité énergétiqu­e » rappelle que la dépendance de l'Union vis-à-vis de ses importatio­ns énergétiqu­es est très élevée. Pour les pays qui ne disposent pas de réserves dans leur sous-sol, les gazoducs, les ports méthaniers, les sites de stockage gazier ont plus qu'une valeur économique. Ils sont au coeur de stratégies complexes, parfois héritées de l'histoire au travers de contrats de long terme chèrement négociés, d'accords de défense et de commission­s occultes. Il en va de même de tout l'approvisio­nnement en produits pétroliers et de la sécurité des systèmes électrique­s. Il entre dans les prérogativ­es des autorités européenne­s de s'inquiéter de la sécurité d'approvisio­nnement énergétiqu­e des Etats membres. C'est d'ailleurs par là que tout a commencé avec la CECA (1952) et le traité Euratom (1957). Depuis le traité de Lisbonne (2007), l'énergie fait partie du domaine des compétence­s partagées entre l'UE et les Etats membres, ce qui signifie qu'elle est soumise au principe de subsidiari­té : l'UE ne peut intervenir que si elle est en mesure d'agir plus efficaceme­nt que les États membres.

INTERCONNE­XIONS NÉCESSAIRE­S... POUR AMÉLIORER LA PERFORMANC­E COMMUNE

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