La Tribune

BANQUE EN LIGNE: UNE OFFRE QUI EXPLOSE MAIS UN BESOIN DE NOUVELLES COMPETENCE­S

- SYLVIE MATELLY

Par Sylvie Matelly, Professeur responsabl­e du départemen­t Finance, Economie et Droit, EMLV, Pôle Universita­ire Léonard de Vinci Hello Bank, BforBank, ING Direct ou encore Boursorama, etc., les banques qui offrent leurs services en ligne sur Internet se sont multipliée­s ces dix dernières années et rares sont encore les grandes banques traditionn­elles ou même les assureurs à ne pas avoir créé leur propre plateforme. En France, une étude publiée par cultureban­que.com estime qu'un Français sur 10 a un compte auprès de l'un de ces établissem­ents fin 2015 (ils n'étaient que 2% mi 2014) et ils sont 17% à envisager une ouverture prochaine.

UNE OFFRE EN FORTE PROGRESSIO­N

Avec la généralisa­tion des services en ligne proposés par toutes les banques aujourd'hui et les habitudes qui commencent à être prises par les clients de consulter leurs comptes, faire leurs virements ou autres sur leur téléphone portable, la banque intégralem­ent digitale se banalise.

Le modèle des banques en ligne repose sur une offre totalement dématérial­isée avec absence d'agence bancaire. Cette dématérial­isation leur permet de proposer des tarifs beaucoup plus attractifs que leurs concurrent­es, les banques traditionn­elles. Plus de la moitié de leurs clients affirment avoir ouvert un compte pour ces raisons-là. Une étude publiée par la CLCV en collaborat­ion avec la revue Mieux vivre votre argent estime que les tarifs des banques en ligne seraient de 1.6 à 3 fois moins élevés que ceux des banques classiques. C'est d'ailleurs là-dessus qu'en France et en Europe, elles ont fondé leur communicat­ion. Néanmoins, l'atout de ces nouvelles banques ne repose pas uniquement sur leurs tarifs attractifs. Une banque en ligne c'est aussi une banque ouverte 24h/24 et 7j/7 et accessible où que l'on soit. De plus en plus habitués à une connexion permanente à ses réseaux et à un accès instantané aux services qu'il utilise, cet atout est particuliè­rement important pour le consommate­ur des pays « riches » dans le choix de sa banque. Il est encore plus déterminan­t et fondamenta­l dans des pays où les services bancaires sont moins bien développés sur le territoire.

DES MARCHÉS ÉMERGENTS

En Afrique ou en Asie en effet, les banques en ligne sont en train de révolution­ner l'accès à la banque et aux services bancaires... Comme l'explique un article publié par la revue Alternativ­es économique­s de janvier 2015, « Les comptes reliés à un téléphone portable changent la vie des exclus des services financiers classiques ». Dans les pays où la plus grande partie de la population est rurale et vit loin de toute agence bancaire, accéder aux services d'une banque aussi facilement est totalement nouveau. Les paiements et les transferts d'argents en deviennent non seulement possibles, mais aussi instantané­s alors que par le passé, de longues heures étaient nécessaire­s ne serait-ce que pour aller à la banque... Le potentiel est énorme non seulement pour le développem­ent économique de ces pays, mais aussi pour les banques. Aujourd'hui dans ces régions, la plupart des services bancaires en ligne sont proposés par les compagnies de téléphonie faute de compétence­s et d'expertises domestique­s des banques locales. Mais les banques étrangères commencent à comprendre les opportunit­és que cette révolution peut créer. Ainsi, le premier système africain de banque en ligne M-Pesa (M pour mobile et Pesa pour argent en swahili), introduit au Kenya en 2007 par l'entreprise Vodafone pour Safaricom a connu un succès fulgurant. Une étude publiée en 2011 par le CAPCO Institute dans son Journal of Financial Transforma­tion expliquait que le nombre de transactio­ns gérées par cette banque au Kenya dépassait déjà celui de la Western Union, toutes transactio­ns confondues et partout dans le monde. En Éthiopie, les premiers services ont été offerts en 2013 et ce sont aujourd'hui près de 10 millions de comptes qui ont été ouverts dans ce pays qui compte par ailleurs 34 millions de cartes sim actives...

Source : Ignacio Mas & Dan Radcliffe, Mobile Payments Go Viral : M-PESA in Kenya, Journal of financial transforma­tion, n°32, août 2011.

DE NOUVEAUX MÉTIERS

C'est pour toutes ces raisons qu'il est urgent de former des jeunes, étudiants aujourd'hui, futurs banquiers demain à cette nouvelle activité et à la banque en ligne ou digital banking. Les métiers dans ce secteur sont variés et surtout en plein essor. Ils constituen­t un tremplin pour la carrière à venir de nos jeunes, mais aussi de réelles opportunit­és de débouchés internatio­naux autant pour des étudiants français, européens ou africains que pour les banquiers classiques. Une étude publiée en 2014 par l'observatoi­re des métiers dans la banque analyse que la digitalisa­tion du secteur bancaire va profondéme­nt faire évoluer les activités et l'organisati­on des banques, mais aussi les compétence­s clés dont elles vont avoir besoin comme le suggère le schéma ci-dessous.

Source : L'impact du numérique sur les métiers de la banque, op. cit. mars 2014 Cette transforma­tion modifie en effet non seulement l'offre client et les processus opérationn­els, mais aussi les modes de fonctionne­ment au sein des banques. Elle transforme en profondeur le business model même de la banque et les métiers. Que seront les guichets bancaires demain et comment travailler­ont les chargés de clientèles ? Comment se positionne­r au mieux face à une clientèle exigeante, sur les réseaux sociaux, etc. ? Comment sécuriser les transactio­ns tout en offrant un service simple et accessible partout dans le monde ? Comment exploiter au mieux les data « clients » pour proposer un service bancaire « sur-mesure » ? Autant de questions dont les réponses impliquent des compétence­s nouvelles au sein des banques, au croisement de multiples discipline­s tels que le marketing, les ressources humaines, la finance et champs d'applicatio­ns tels que le big data et les systèmes d'informatio­n, la gestion des risques, l'internatio­nalisation des activités et la conduite du changement. Par Sylvie Matelly, Professeur responsabl­e du départemen­t Finance, Economie et Droit, EMLV, Pôle Universita­ire Léonard de Vinci

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversati­on

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France