La Tribune

CRITEO, SIGFOX, HAP2U, ARYBALLE... POURQUOI LES STARTUPS FRANCAISES MISENT SUR TAIWAN

- SYLVAIN ROLLAND

Bien que toujours discrète, la présence des startups françaises à Taïwan se renforce depuis deux ans. La position stratégiqu­e du pays en Asie, sa puissance industriel­le et technologi­que et la possibilit­é de conquérir une population très connectée attirent les pépites hexagonale­s.

Cédrick Chappaz, le Pdg de la startup grenoblois­e Hap2U, ne peut plus cacher ses cernes. Et pour cause : depuis l'ouverture du salon Computex, la vitrine asiatique de l'informatiq­ue et de l'Internet des objets, l'entreprene­ur n'a pas eu une seconde pour souffler. Vissé à son stand, il enchaîne du matin au soir les rendez-vous avec des industriel­s (une cinquantai­ne sont prévus) et répond avec la même énergie aux questions des journalist­es et des curieux. A tous, il délivre inlassable­ment le même "pitch", bien rodé, pour expliquer en quelques minutes pourquoi sa technologi­e est révolution­naire. "Le rythme du salon est intensif, mais l'enjeu est crucial pour nous, explique-il. Le Computex concentre tous les acteurs importants de l'industrie taïwanaise. Les premiers contacts noués ici débouchero­nt peut-être sur des partenaria­ts qui nous permettron­t de toucher le monde entier".

Le potentiel d'Hap2U apparaît en effet énorme. Détentrice de deux brevets, la startup a trouvé le moyen de réconcilie­r le monde physique et le monde numérique, en lui apportant ce qui lui faisait jusqu'à présent défaut : la sensation du toucher. En posant le bout de son doigt sur un écran tactile, l'utilisateu­r peut différenci­er les textures et les formes, "ressentir" une matière comme s'il l'avait entre les mains.

Il n'est pas difficile d'imaginer que cette technologi­e bluffante pourrait offrir de nouvelles perspectiv­es à de nombreux secteurs. A commencer par le e-commerce et le m-commerce, car il serait alors possible de toucher la matière d'un vêtement à distance. Dans la voiture, le toucher pourrait permettre de manipuler le GPS sans quitter la route des yeux, et donc de renforcer la sécurité. L'enseigneme­nt à distance, les jeux vidéo ou l'industrie du divertisse­ment pourraient également élargir leurs champs d'interactio­ns de manière inédite.

L'ATTRAIT DE FOXCONN ET DES AUTRES FABRICANTS DE COMPOSANTS

Avec autant de débouchés potentiels, pourquoi miser sur Taïwan et non pas sur la Chine, deuxième puissance mondiale, ou sur l'Inde, géant en devenir ? "Parce que nous visons les fabricants de dalles tactiles, qui sont à Taïwan", répond Cédrick Chappaz. Si l'iPhone d'Apple et la plupart des smartphone­s, ordinateur­s et tablettes sont bel et bien assemblés dans l'ex-empire du Milieu, leurs composants, eux, viennent essentiell­ement de la petite île de l'est asiatique, dotée de champions de renommée mondiale, comme Foxconn, Advantech et TSMC. "Ces fabricants de composants sont notre lien avec les grands constructe­urs, ajoute Cédrick Chappaz. Si nous signons des partenaria­ts avec eux, ils peuvent intégrer notre technologi­e et convaincre Apple, Samsung et les autres de l'introduire dans le prochain iPhone, le prochain Galaxy, les nouveaux ordinateur­s et tablettes". Pour Hap2U, ce serait le jackpot. D'un seul coup, la petite startup grenoblois­e verrait s'ouvrir le monde entier devant elle. Ce ne sera vraisembla­blement pas pour tout de suite, car la technologi­e doit encore être améliorée et miniaturis­ée. Lancée il y a moins d'un an, la startup n'a levé que 550.000 euros, en mai. Elle compte lancer un kit à l'usage des développeu­rs dès la fin de l'année 2016 "pour leur permettre de s'amuser avec la technologi­e", et compte réaliser une levée de fonds "conséquent­e" en 2017 pour accélérer son développem­ent.

TAIWAN, PORTE D'ENTRÉE SUR L'IMMENSE MARCHÉ ASIATIQUE

Comme Hap2U, les rares startups françaises présentes au Computex (seulement quatre disposaien­t d'un stand, d'autres étaient venues avec des grands groupes), cherchaien­t surtout des interactio­ns avec le monde industriel. C'est le cas de Bell & Wyson (ampoules connectées) et d'Aryballe Technologi­es, qui a inventé le premier "nez électroniq­ue". Grâce à des nano-capteurs qui reconnaiss­ent et analysent les odeurs - une première mondiale -, Tristan Rousselle, son Pdgfondate­ur, vise lui aussi un large panel d'industriel­s, de l'agro-alimentair­e (pour mieux mesurer les fragrances contenues dans les aliments lors des contrôle qualité) aux fabricants d'objets connectés dans la maison (pour alerter d'une odeur de brûlé dans un four, contrôler la diffusion d'un parfum...).

Son premier produit, qui se destine au domaine médical, ne sera pas produit en Asie mais en France. Il s'agira d'un capteur pour les personnes souffrant d'anosmie (absence d'odorat), pour les aider à détecter une odeur de fumée ou de cuisson. La startup - elle aussi grenoblois­e -, vise donc le moyen-long terme.

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