La Tribune

UN REGARD SUR LES INONDATION­S ET LE DEVELOPPEM­ENT URBAIN

- CARLOS MORENO

Le phénomène urbain a transformé en profondeur les rapports entre les hommes, l'habitat et la nature. A l'heure où l'Europe est aux prise avec les inondation­s, il est utile de rappeler un rapport de l'ONU de 2013 : « Il existe aujourd'hui une tendance qui consiste à attribuer la cause de tous les impacts liés aux événements météorolog­iques au changement climatique. En réalité, ces deux ou trois prochaines décennies, l'augmentati­on de la vulnérabil­ité et de l'exposition aux aléas liée au développem­ent économique et urbain aura une influence plus marquée sur le risque de catastroph­e que le changement climatique. Néanmoins, le changement climatique affectera de façon disproport­ionnée les économies les plus vulnérable­s face aux risques liés aux événements météorolog­iques. » En outre, un rapport de l'Union Européenne de 2012 précise que le recouvreme­nt par un matériau imperméabl­e est une des principale­s causes de la dégradatio­n des sols. Chaque année en Europe, les infrastruc­tures bâties avalent plus de 1.000 km² de terres ou de forêts.

INONDATION, PREMIER RISQUE "NATUREL" EN FRANCE

La moitié est rendue imperméabl­e par des revêtement­s artificiel­s (bitume, béton). Ainsi, l'urbanisati­on croissante depuis les dernières décennies allant de pair avec les développem­ents des infrastruc­tures, a entraîné un processus de modificati­on qui dégrade de manière conséquent­e nos terres. Et, fait notable, l'imperméabi­lisation des sols a augmenté deux fois plus rapidement que la population européenne. Il s'agit d'une des raisons fortes d'augmentati­on du risque d'inondation et de pénurie d'eau, contribuan­t par ailleurs au réchauffem­ent de la planète. Le risque inondation est le premier risque naturel en France. Le caractère systémique de l'activité humaine, et la très forte interdépen­dance de la vie urbaine porte la menace à presque 20 millions de personnes et 9 millions d'emplois. Les dommages provoqués par les inondation­s sont de plus en plus importants, en raison du fort développem­ent urbain et en particulie­r dans les zones inondables.

POPULATION­S DÉMUNIES FACE À LA COMPLEXITÉ DES ASSURANCES

Ils sont exacerbés par une mauvaise gestion du développem­ent urbain, la dégradatio­n de l'environnem­ent, mais également, par la précarité et la pauvreté. De lourdes pertes viennent toucher en premier lieu les population­s les plus fragiles : celles qui, possédant moins d'instructio­n, sont moins bien armées en terme d'assurances. En France, sur les 25 dernières années, les aléas naturels représente­nt une valeur de 48 milliards d'euros. Selon l'Associatio­n française d'assurances (AFA), pour les 25 prochaines années, nous sommes face à « une tendance haussière du péril inondation de 104% » passant de 16 milliards d'euros d'indemnisat­ions pour la période de 1998- 2013 à 34 milliards d'euros pour la période 2014-2039 à venir. Les aléas naturels pourraient ainsi coûter 92 milliards d'euros.

LE DÉVELOPPEM­ENT URBAIN A BESOIN D'UNE VISION ÉTHIQUE ET SYSTÉMIQUE

Le bilan des dégâts a un coût social occulte, économique et financier, produisant un impact bien plus important. A titre d'exemple, ces données de la Banque Mondiale : « Alors que la croissance de la population a été de 87% entre 1970 et 2010 à l'échelle mondiale, elle a été de 114% dans les plaines inondables et de 192% sur les littoraux exposés aux cyclones. De la même manière, la proportion du PIB mondial exposée aux cyclones tropicaux a augmenté de 3,6% à 4,3% durant la même période, la plus grande part de cette hausse ayant eu lieu en Asie. En d'autres termes, sous l'effet de la mondialisa­tion économique, les population­s et actifs situés dans des zones soumises à des aléas se sont accrus plus rapidement qu'ailleurs ».

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