La Tribune

ALLEMAGNE : POURQUOI L'ELECTION PRESIDENTI­ELLE EST UN CASSE-TETE POUR ANGELA MERKEL

- ROMARIC GODIN

Le président fédéral allemand Joachim Gauck a décidé de ne pas se représente­r. Il faudra donc lui élire un successeur en janvier 2017, huit mois avant les élections fédérales. Un exercice symbolique, mais politiquem­ent très compliqué pour Angela Merkel. Joachim Gauck jette l'éponge. Le président de la République fédérale d'Allemagne a confirmé dans une allocution ce lundi 6 juin qu'il ne briguera pas un nouveau mandat en janvier prochain. L'informatio­n avait été annoncée dès samedi par le quotidien Bild Zeitung. Le président fédéral est le chef de l'Etat outre-Rhin, mais son rôle est surtout symbolique. A la différence d'autres présidents de régimes parlementa­ires européens, il n'a aucune possibilit­é d'initiative. Il ne peut révoquer un chancelier ou un gouverneme­nt, ni même en proposer sans majorité parlementa­ire.

UNE ÉLECTION SYMBOLIQUE, MAIS POLITIQUE

Il n'en reste pas moins que cette élection symbolique est toujours l'occasion de grandes manoeuvres politiques. Elle n'est pas politiquem­ent neutre. Angela Merkel, l'a utilisé deux fois pour « éliminer » des rivaux dangereux au sein de son parti, la CDU : Horst Köhler, ancien directeur général du FMI, élu en 2004 et réélu en 2009, puis Christian Wulff, ancien ministre-président de Basse-Saxe, élu en 2010. Mais pour élire un président fédéral, il faut parfois élaborer des coalitions assez larges. Le chef de l'Etat est, en effet, élu par « l'Assemblée fédérale », une assemblée qui n'existe que pour cette occasion et qui regroupe les membres du Bundestag et des représenta­nts des 16 assemblées des Länder. La difficulté réside dans le fait que l'élection est secrète et que les membres de l'assemblée fédérale peuvent voter comme bon leur semble, même en dehors des attaches partisanes.

JOACHIM GAUCK, PRÉSIDENT « IDÉAL »

En 2010, Angela Merkel, qui ne disposait pas à elle seule de la maîtrise de cette assemblée, avait joué la sécurité en soutenant Joachim Gauck, pasteur, ancien dissident de l'ex-RDA, un temps député pour l'allié oriental des Verts, Bündnis 90, candidat soutenu par la SPD sociale-démocrate en 2009. Une personnali­té conservatr­ice, mais consensuel­le dans son incarnatio­n de l'Allemagne réunifiée. Joachim Gauck avait été élu le 18 mars 2012 avec 991 voix sur les 1228 membres de l'Assemblée nationale. Pour Angela Merkel, le scénario idéal eût été que le président sortant se représentâ­t. Sa candidatur­e ne faisait pas l'objet de discussion­s parmi les grands partis et n'aurait posé aucun problème.

UNE « GRANDE COALITION » DÉSAVOUÉE

Mais puisque l'ancien pasteur de 76 ans n'a pas voulu rester pour cinq ans de plus au Château de Bellevue, l'Elysée allemand, Angela Merkel va devoir faire face à un nouveau casse-tête. L'élection aura lieu en janvier 2017, soit huit mois avant les élections fédérales de septembre. Inévitable­ment, les alliances qui vont s'établir seront un avant-goût des coalitions possibles après le scrutin fédéral. Or, ces coalitions ne sont guère évidentes. La « grande coalition » entre la CDU, la CSU, sa « soeur » bavaroise, et la SPD semble à bout de souffle. Les sondages donnent à ces trois partis 53 à 55 % des intentions de vote. Le 31 mai, un sondage INSA donnait même pour la première fois la « grande coalition » sous les 50 %, à 49 %. En 2013, ces trois partis avaient rallié 67 % des électeurs. Du coup, toute élection d'un candidat de la « grande coalition » à la présidence fédérale apparaîtra­it comme une volonté de cette alliance de perdurer au-delà de 2017.

LA CDU, PARTI DE CENTRE-GAUCHE ?

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