POURQUOI LA FERMETE DE BRUXELLES CONTRE L'ESPAGNE ET LE PORTUGAL EST UNE ERREUR MAJEURE
La Commission européenne a lancé la procédure de sanctions contre la politique budgétaire de l'Espagne et du Portugal. Une décision prise sous la menace de l'Allemagne qui est lourde de risques pour l'UE et la zone euro. Que cette décision fut difficile à prendre ! Prévu mardi 5 juillet, l'avis de la Commission européenne sur la trajectoire budgétaire de l'Espagne et du Portugal a finalement été publié deux jours plus tard. Preuve des tourments incroyables qu'a dû endurer l'exécutif européen pris entre le marteau et l'enclume. Le marteau, c'est l'Allemagne qui, depuis plusieurs jours n'hésite plus à faire passer le message de son agacement vis-à-vis d'une Commission jugée trop laxiste et qui, par son ministre des Finances Wolfgang Schäuble n'hésite plus à proposer de « court-circuiter » Bruxelles pour imposer le « respect des règles ». L'enclume, c'est le risque de contraindre le Portugal et l'Espagne à effectuer un nouveau tour de vis budgétaire alors même que, après le Brexit, l'heure est au renouveau du risque financier et économique et que l'on évoque un « renouvellement » de l'intégration européenne avec plus de solidarité.
EN ROUTE VERS LES SANCTIONS
Pendant deux jours, les informations les plus contradictoires ont circulé. La presse portugaise assurait que Bruxelles se montrerait magnanime, la presse espagnole parlait de l'ouverture d'une procédure de sanctions. Là encore, c'est le reflet de discussions très intenses et sans doute tendues entre les partisans de la « ligne ferme » et ceux du pragmatisme. Mais entre le réalisme économique et sa propre survie en tant qu'institution, la Commission a finalement choisi la deuxième option. Pour apaiser Berlin et les pays du nord, elle a opté pour la fermeté, estimant que le Portugal et l'Espagne n'avaient pas pris suffisamment de mesures pour corriger leur trajectoire budgétaire. Cette décision est essentielle : elle est le premier pas pour entamer des sanctions contre les deux pays qui peuvent s'élever jusqu'à 0,2 % du PIB. Certes, il n'est pas question dans l'immédiat de sanctions. Le conseil des ministres des Finances (Ecofin) doit confirmer l'appréciation de la Commission pour lancer officiellement la procédure. Il sera ensuite demandé ensuite de "nouveaux efforts" aux pays. Mais in fine, dans le cadre des directives Two-Pack et Six-Pack, la Commission peut demander des sanctions et il faudra une « majorité inversée » pour bloquer cette décision, autrement dit, il faudra que deux tiers des voix pondérés du conseil européen contre les sanctions pour qu'elles soient abandonnées. Surtout, c'est bien un message envoyé à Madrid et Lisbonne : corrigez vos trajectoires ou vous serez sanctionnés. C'est donc bien une invitation à l'austérité. Ceux qui, en mai, lorsque la Commission avait reporté sa décision de deux mois, après les élections espagnoles du 26 juin, avaient proclamé la « mort du pacte de stabilité et de croissance » se sont donc trompés. Bruxelles vient confirmer bel et bien que la zone euro dispose d'une politique économique fondée sur l'austérité et l'obéissance aveugle à des règles « métaphysiques » prises hors de toute réalité économique concrète. Cette obéissance aux règles est une des structures fondatrices de la pensée ordo-libérale allemande qui a enregistré ce 7 juillet une victoire importante.
URGENCE À FRAPPER ?
Certes, fin 2015, les déficits portugais et espagnols étaient respectivement à 4,4 % et 5,1 % du PIB, soit au-dessus des 3 % du PIB autorisés, mais il faut rappeler que la zone euro lutte à la fois contre une croissance et une inflation faible et que son déficit public cumulé est de 2,4 % du PIB, alors qu'elle affiche un excédent courant de 3 % du PIB. Il n'y a donc pas de problème « global » de déficit : les « déviations » portugaises et espagnoles ne mettent pas en danger la stabilité de la zone euro. Elles interviennent alors que ces deux pays ont été les victimes de violentes politiques d'austérité qui les ont entraînés dans des récessions importantes. Au final, l'ajustement unilatéral des finances publiques n'a pas permis de réduire les déficits et la dette. C'est une stratégie qui a échoué. Et dans laquelle la Commission s'entête. Sa décision de ce 7 juillet pourrait cependant être une erreur lourde de conséquence, à plus d'un titre.
RÉPONSE INADAPTÉE