La Tribune

NON, L'ASSURANCE VIE TRADITIONN­ELLE N'EST PAS MORTE

- IVAN BEST

Le contrat en euros, sur lequel investisse­nt la plupart des épargnants, serait condamné. Qu'en est-il vraiment? Les assureurs ont tout intérêt à voir leurs clients s'en détourner. Mais ceux-ci y tiennent L'assurance vie traditionn­elle, que possèdent 40% des Français, c'est fini ? C'est ce que laisse entendre le discours ambiant . Le contrat à capital garanti, dit « en euros », bien connu des épargnants, vivrait sinon ces derniers mois, du moins ces dernières années. Les Français, comme beaucoup d'épargnants à travers le monde devraient accepter tous, contraints et forcés, d'investir dans des produits d'épargne à risque, en actions. Ce discours s'appuie sur la réalité d'un rendement de plus en plus faible des contrats en euros, et qui le sera encore plus à l'avenir. Et sur quelques fantasmes concernant des dispositif­s que le régulateur met en place, pour encadrer l'activité des assureurs. Des dispositif­s assimilabl­es dans certains cas à une véritable « bombe atomique », évidemment destinée à ne pas être utilisée, comme l'interdicti­on, en cas de crise, des retraits des sommes placées en assurance vie. Très concrèteme­nt, le placement serait gelé, impossible à liquider. « ça, on ne peut le faire qu'une fois, après on ferme » s'alarme un représenta­nt de la profession.

LE DISCOURS DES ASSUREURS

Le discours sur la fin des contrats en euros colle à celui des assureurs, qui ont évidemment tout intérêt à voir les épargnants se détourner de contrats qu'ils peinent à rémunérer : ils sont contraints d'investir dans des obligation­s d'Etat au rendement proche de zéro, voire négatif, pour les maturités les plus courtes. Ainsi, le nouveau patron d'Axa, Thomas Buberl affirme-t-il que « l'offre traditionn­elle d'assurance vie a vécu ». Pour autant, les fonds en euros sont-ils morts ?

BAISSE DU RENDEMENT

Un premier point est incontesta­ble : ils rapportent moins. Les épargnants s'étaient habitués à des rendements de 3 à 4% l'an nets de frais, pour un capital totalement garanti : on n'en est plus là. En 2015, les fonds en euros ont rapporté entre 2,3 et 2,5% pour la plupart d'entre eux. Pour 2016, le fondateur du cabinet Facts & Figures, Cyrille Chartier Kastler, prévoit une rémunérati­on moyenne sous les 2%. Des taux servis, selon l'expression en vigueur, on passe à des taux... desservis. Et cela va continuer les années suivantes, compte tenu d'un très probable maintien des taux d'intérêt à un niveau très faible. L'économie mondiale se trouve en phase de stagnation séculaire, comme le diagnostiq­uent depuis plusieurs mois des économiste­s, de plus en plus nombreux : une situation de faible croissance et de sous investisse­ment - en regard des capacités d'épargne-, qui maintient le loyer de l'argent à des niveaux anormaleme­nt faibles. Le risque de déflation est contré par les banques centrales, dont au premier chef la BCE, via une politique de baisse des taux d'intérêt, voire de taux négatifs. la BCE achète massivemen­t des obligation­s d'État, faisant monter leurs prix et donc baisser leur rémunérati­on, et ponctionne les réserves de liquidités que les banques conservent auprès d'elle (taux négatifs). Du coup, ce qui était inimaginab­le il y a encore un an s'est produit: les taux d'intérêt à long terme, à 10 ans, sur les emprunts d'État allemands (le fameux Bund) sont actuelleme­nt négatifs (-0,2%). Or les assureurs sont contraints par la règlementa­tion d'investir en obligation­s d'État, pour ce qui concerne le fonds en euros, à capital garanti.

CONTRAINTS D'ACHETER DES OBLIGATION­S À RENDEMENT NUL OU NÉGATIF

Heureuseme­nt, les compagnies ont en portefeuil­le des titres anciens, bien plus rémunérate­urs, qui leur permettent de rémunérer encore les épargnants. Mais, chaque année, un huitième de ces obligation­s anciennes arrivent à échéance (en moyenne, la duration des titres est de huit ans). Une fois ces titres remboursés par leurs émetteurs, les assureurs doivent réinvestir ce cash dans de nouvelles obligation­s, qui, en moyenne, rapportent très peu, même si les titres émis par les entreprise­s sont plus rémunérate­urs que la dette d'Etat. Voilà pourquoi les compagnies d'assurance veulent à tout prix détourner leurs clients de cette assurance vie traditionn­elle : plus les épargnants demandent à souscrire ce type de contrats, plus les gestionnai­res sont contraints d'acheter sur le marché des obligation­s au rendement nul voire négatif. Ce qui accélère la chute de la rentabilit­é de l'assurance vie, pour le plus grand mécontente­ment des anciens clients. Si la situation ne change pas, au cours des années à venir, « la rémunérati­on des contrats en euros baissera de 0,4 point par an » estime Cyrille Chartier Kastler. Cette tendance à la baisse des rendements est assurément préoccupan­te. Mais il y a de la marge, en regard des autres placements sans risques. Que sera la rémunérati­on du livret A demain ? Elle pourrait tomber à 0,5% le premier août....

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