La Tribune

LES BANQUES D'INVESTISSE­MENT NON PLUS NE COUPERONT PAS A LA TRANSFORMA­TION DIGITALE

- CHRISTINE LEJOUX

Les conséquenc­es de la révolution numérique pour le secteur bancaire ne se font pas sentir uniquement en banque de détail. Mais également dans les métiers de banque d’investisse­ment, dont la rentabilit­é ne cesse de s’éroder. 10h55 à Paris, 9h55 à Londres, 4h55 à New York, 16h55 à Hong Kong... Sous les horloges de la salle des marchés « actions » de la Société générale, à La Défense (Hauts-de-Seine), grande comme un terrain de football, les téléphones commencent à sonner et les traders à s'agiter derrière leurs six ou huit écrans, ce jeudi 7 juillet. Un univers à mille lieues de celui des agences bancaires, c'est-à-dire de la banque de monsieur et madame Tout-le-monde. Et pourtant, du haut de sa tour d'ivoire - en l'occurrence l'immeuble « Basalte », inauguré en 2013 et surplomban­t le boulevard circulaire -, la banque de financemen­t et d'investisse­ment (BFI) de la Générale, pas plus que la banque de détail, ne va pouvoir faire l'économie d'une transforma­tion digitale de ses métiers. « On parle beaucoup de la révolution numérique en banque de détail, mais la BFI, la banque privée, les métiers titres et la gestion d'actifs sont également concernés », souligne Didier Valet, directeur de la banque d'investisse­ment à la Société générale. De fait, les choses ne sont pas si différente­s entre, d'une part, les clients particulie­rs qui plébiscite­nt le mobile afin de pouvoir « consommer » des services bancaires quand et où ils le souhaitent, et, d'autre part, des investisse­urs institutio­nnels et de grandes entreprise­s qui souhaitent interagir plus facilement et rapidement avec leurs banques.

Aussi, depuis deux ans, la BFI de la Société générale est engagée dans un processus d'ouverture d'une partie de ses systèmes d'informatio­n à ses clients, afin de permettre à ces derniers d'échanger avec ses collaborat­eurs sur des interfaces web identiques. Le « pricing » de produits structurés illustre bien cette nouvelle façon de faire. Il n'y pas si longtemps encore, la fixation du prix de vente de l'un de ces produits complexes impliquait un coup de fil du client au vendeur, lequel devait ensuite appeler l'ingénieur. Aujourd'hui, le service « Web pricer », accessible à la fois aux collaborat­eurs et aux clients de la Société générale depuis la plateforme Internet SG Markets, dématérial­ise le processus de « pricing », le rendant beaucoup plus fluide et rapide.

« CHIEF DIGITAL OFFICER », LE NOUVEAU MÉTIER EN VOGUE DANS LES BANQUES

Dans cette même optique de partage d'informatio­ns, les départemen­ts de gestion des risques, qui compilent une multitude de données sur les politiques de couverture des clients, en feront désormais profiter ces derniers. Ce qui pourra permettre aux trésoriers des entreprise­s en question d'engager d'éventuelle­s actions correctric­es sur leurs politiques de couverture. « Nous possédons une intelligen­ce incroyable, que nous n'utilisions que pour nous, jusqu'à présent. Or elle est source de services à valeur ajoutée pour nos clients, nous voulons donc qu'ils puissent en profiter au travers d'API [programmes informatiq­ues qui rendent des logiciels plus simples d'utilisatio­n ; NDLR] », un peu à la manière de Maps, l'applicatio­n de cartograph­ie de Google, explique Alain Fischer, le tout nouveau « chief digital officer » (CDO) de la banque d'investisse­ment de la Société générale. Créée au mois d'avril, cette fonction de CDO, qui consiste à coordonner la transforma­tion digitale de la BFI de la Générale, est le nouveau métier en vogue dans les établissem­ents bancaires. C'est d'ailleurs en avril également que Tanguy Pincemin, tout droit arrivé de Google, a été nommé CDO de Natixis, la banque d'investisse­ment du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Plus largement, les BFI ne lésinent pas sur leur participat­ion à des hackathons et autres conférence­s dédiées aux développeu­rs, afin d'attirer et de retenir les meilleurs talents du numérique, sur un marché très concurrent­iel.

LES PLANS D'ÉCONOMIES SE MULTIPLIEN­T DANS LES BFI

Il faut dire que la transforma­tion digitale, source aussi bien de nouveaux revenus que d'économies supplément­aires, représente un enjeu majeur pour les BFI, dont la rentabilit­é ne cesse de décliner. Sous l'effet de taux d'intérêt très bas, de marchés financiers éminemment volatils et de l'inflation galopante du coût des réglementa­tions et des litiges, la rentabilit­é des fonds propres des BFI est tombée à une moyenne de 6% l'an dernier, alors qu'elle s'élevait encore à 11% en 2013, d'après le Boston Consulting Group (BCG). Conséquenc­e, de nombreuses banques d'investisse­ment européenne­s ont récemment annoncé des plans de restructur­ation massifs, voire la suppressio­n de pans entiers d'activités.

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