La Tribune

ACCIDENT MORTEL, OBJECTIFS DE PRODUCTION RATES... TESLA, LE DOUTE S'INSTALLE

- NABIL BOURASSI

L'accident mortel mettant en cause le système de conduite autonome de Tesla a jeté le trouble sur la marque automobile de luxe. Si les marchés n'ont pas sanctionné le titre, ils s'interrogen­t toutefois sur la capacité de Tesla de respecter ses objectifs industriel­s alors qu'à nouveau, le dernier trimestre est ressorti en deçà de ce qui avait été promis. L'année avait bien commencé pour Tesla. L'action avait quasiment cessé ses soubresaut­s baissiers, et le lancement de la Model 3 et ses plus de 373.000 réservatio­ns redonnaien­t du rêve à la marque californie­nne spécialisé­e dans les voitures de luxe 100% électrique. Les investisse­urs étaient prêts à donner une nouvelle chance à l'entreprise fondée par Elon Musk, faisant fi de son retard dans sa promesse de gagner de l'argent, du mauvais départ industriel du Model X ou de ses difficulté­s en Chine. Le 10 février, l'action touchait un plus bas à 144 dollars. Le 6 avril, l'action s'emballait suite au succès du lancement de la Model 3 (qui ne sera pas commercial­isée avant fin 2017) et culmine à 265 dollars. S'ensuit un ajustement qui conduit le titre sur un plateau autour de 220 dollars.

UNE INNOVATION TESLA MISE EN CAUSE DANS UN ACCIDENT MORTEL

Puis, survint le dramatique accident du 7 mai dernier en Floride (mais divulgué fin juin seulement). Un Model S percute de plein fouet un camion, tuant son conducteur sur le coup. Les premiers éléments de l'enquête ont montré que celui-ci avait activé le mode autopilot, le dispositif de conduite autonome de Tesla. "Ce que nous savons c'est que le véhicule était sur une autoroute à double sens avec Autopilot activé quand un poids lourd s'est mis perpendicu­lairement à la Model S. Ni Autopilot ni le conducteur n'ont détecté la manoeuvre du poids lourd (...) donc les freins n'ont pas été enclenchés", a reconnu Tesla dans un communiqué. Et d'arguer que le ciel était extrêmemen­t dégagé et lumineux, le confondant ainsi avec le camion blanc. Un peu léger comme argument. D'autant que ce qui est en jeu, c'est bien la sécurité de l'autonomie, nouvelle frontière des constructe­urs automobile­s et dont Tesla souhaitait être pionnier. La marque californie­nne a toutefois précisé qu'il s'agissait du premier accident mortel sur 209 millions de kilomètres parcourus en mode autopilot dans le monde. À comparer avec la moyenne d'un accident mortel tous les 150 millions kilomètres aux États-Unis. https://www.youtube.com/embed/M9y67wHCJP­o?rel=0&controls=0&showinfo=0

TESLA N'A PAS PERDU 1 MILLIARD DE DOLLARS DE CAPITALISA­TION

Sauf qu'une semaine après cette révélation, un autre accident est venu jeter un peu plus le trouble encore. Cette fois, il n'y a pas eu de cas mortels, et on ne sait toujours pas si le mode autopilot a été activé. De plus, le Wall Street Journal a recensé d'autres accidents causés par le mode autopilot. La NHTSA, l'autorité américaine de contrôle de sécurité routière a ouvert une enquête pour déterminer la responsabi­lité du mode Autopilot. Ainsi, Tesla a fait la Une de toute la presse, mais l'action n'a pas bougé d'une oreille. Contrairem­ent à ce qui a pu être écrit, l'action est toujours sur son plateau et n'a pas dévissé au point de faire perdre 1 milliard de dollars de capitalisa­tion. Il n'empêche, les analystes s'interrogen­t...

Le groupe a manqué, deux trimestres d'affilée, ses objectifs de production. Entre avril et juin, Tesla a raté son objectif de 20.000 voitures produites, avec seulement 18.345 voitures sorties des lignes. Le groupe fondé par Elon Musk maintient toutefois son objectif entre 80 et 90.000 voitures produites cette année, ce dont les analystes commencent clairement à douter. D'ailleurs, certains ne cachent pas être qu'à moitié surpris : "certes, nous sommes modérément déçus, mais nous ne sommes pas surpris", écrit ainsi Deutsche Bank dans une note reprise par l'AFP.

DU GÉNIE DE L'INNOVATION, À LA DIFFICILE MISE EN PRATIQUE INDUSTRIEL­LE...

Car si Tesla est reconnu pour son ingénierie, sa capacité d'innovation qui lui a permis de commercial­iser des véhicules étonnants et disruptifs sur la scène automobile mondiale en une dizaine d'années seulement, le groupe pêche encore sur sa capacité à mettre en oeuvre de manière efficace des process industriel­s. Et plus encore au rythme qu'Elon Musk semble imposer. Il a récemment indiqué qu'il avançait son objectif de 500.000 voitures par an de 2020 à 2018. Les analystes ont montré leur scepticism­e quant à cet objectif. Ils ont également tiqué sur l'OPA lancée par Tesla sur SolarCity pour 2,7 milliards de dollars. Outre l'éventuel conflit d'intérêts de l'opération (SolarCity est opéré par des membres de la famille d'Elon Musk), la pertinence de l'opération n'a pas convaincu. On note d'ailleurs une baisse du titre le 21 juin, passant de 219 dollars à 196 dollars en une journée avant de revenir osciller proche de son plateau de 220 dollars. https://www.youtube.com/embed/pFrcKEQH5i­0?rel=0&controls=0&showinfo=0

UNE CONFIANCE ENTAMÉE ?

Cette opération ne paraissait pas prioritair­e pour les marchés alors que Tesla a soif d'argent frais. Le groupe vient effectivem­ent de boucler une augmentati­on de capital de 1,46 milliard de dollars, ce qui porte à 4,5 milliards de dollars le montant total des fonds collectés via des augmentati­ons de capital, ces six dernières années. Jusqu'ici, les marchés ont été séduits par le discours visionnair­e et volontiers provocateu­r d'Elon Musk. Mais, les déconvenue­s de ces derniers mois ont entamé la confiance sans pour autant rompre totalement. La marge est grande, car au cours d'aujourd'hui (217 dollars), la société reste valorisée 28,4 milliards de dollars, soit 3,5 fois de plus que PSA qui produit pourtant 60 fois plus de véhicules par an.

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