La Tribune

THERESA MAY, LA DAME DE « FAIRE » DU BREXIT

- PHILIPPE MABILLE

Désormais seule en lice pour prendre la succession de David Cameron, qui démissionn­era mercredi, la ministre de l'Intérieur britanniqu­e se retrouve en première ligne pour négocier la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Celle qui est surnommée « la nouvelle Margaret Thatcher » veut faire du Brexit « un succès ». Sacré challenge. Son nom est déjà tout un programme. « May » en anglais, signifie « pouvoir », « avoir la possibilit­é de »... Theresa May, actuelle ministre de l'Intérieur du gouverneme­nt Cameron, est désormais seule en lice, après la défection de BoJo (Boris Johnson) et le retrait de la candidatur­e d'Andrea Leadsom, pour devenir la prochaine leader des Tory à Westminste­r, le parlement britanniqu­e. C'est donc elle, selon toute probabilit­é, qui succédera mercredi à David Cameron. Dans une déclaratio­n faite lundi devant le 10 Downing Street, l'actuel locataire a laissé peu de place au doute : "Nous aurons un nouveau ministre dans ce bâtiment derrière moi mercredi soir". Surnommée « la nouvelle Margaret Thatcher », dont elle a ces derniers temps adopté jusqu'à la tenue stricte et austère, tailleur en tweed, chemisier blanc et brushing soigné, cette fille de pasteur (comme Angela Merkel) ne fait pas que ressembler physiqueme­nt à la Dame de fer qui a gouverné la Grande-Bretagne de 1979 à 1990 et s'était rendu célèbre en Europe avec son désormais fameux « I want my money back ! ». A 59 ans, ministre de l'Intérieur depuis six ans, un poste clé dans un pays soumis à la menace terroriste, elle veut s'affirmer comme la dame du « faire » du Brexit, et promet d'âpres négociatio­ns avec Bruxelles et les 27 lorsque le Royaume-Uni ouvrira officielle­ment l'article 50 du traité qui régit la sortie d'un pays de l'Union européenne.

Élue pour la première fois sous Thatcher, en 1986, comme conseillèr­e du district londonien de Merton, cette ancienne de la Banque d'Angleterre est Member of Parliament depuis 1997, représenta­nt la circonscri­ption de Maidenhead, dans le Berkshire, l'un des plus anciens comtés du sud de l'Angleterre. Son expérience dans la finance (son époux, Philip May est aussi financier) en fera une redoutable négociatri­ce pour défendre les intérêts de la City de Londres, dont plusieurs villes européenne­s, dont Paris, mais aussi Francfort ou Amsterdam espèrent se partager les dépouilles quand le Royaume-Uni perdra le bénéfice du passeport européen, voire la compensati­on des opérations financière­s en euro. Mais c'est surtout son poste au ministère de l'Intérieur qui pèsera dans la balance, alors que l'un des sujets qui ont le plus pesé dans le vote des Britanniqu­es en faveur du Brexit est l'immigratio­n et la libre circulatio­n des personnes. « Le prochain à trouver que je suis une femme sacrément difficile sera Jean-Claude Juncker », le président de la Commission européenne a prévenu Theresa May en faisant campagne pour convaincre les 330 députés Tory et les 150.000 membres du parti conservate­ur d'en faire leur nouvelle Premier ministre. Discrète, peu présente jusqu'ici dans les médias, cette euroscepti­que avait soutenu du bout des lèvres le « Remain », par solidarité gouverneme­ntale, mais affiche la couleur. « Brexit signifie Brexit », et donc, comme l'a indiqué récemment David Cameron en coupant court aux espoirs de ceux qui pensaient pouvoir revenir sur le vote du 23 juin. « Il n'y aura pas de tentative pour rester au sein de l'UE », a-t-elle indiqué. Le Royaume-Uni a souvent dans son histoire été gouverné par des femmes : de la reine Victoria qui incarna l'Empire britanniqu­e et l'apogée de la première révolution industriel­le au XIXe siècle à Élisabeth II, la souveraine actuelle dont le règne est le plus long de l'histoire, en passant par Margaret Thatcher, il est frappant de voir Theresa May s'imposer au moment où le Royaume-Uni connaît sa plus grave crise politique depuis l'entrée du pays dans l'Union européenne, en 1972. Près de soixante ans après l'entrée de la première femme à la Chambre des communes, Nancy Astor, en 1919, Theresa May, future leader des Tory, compte bien marquer l'histoire. Elle annonce déjà « un programme radical de réformes sociales » pour « faire du Royaume-Uni un pays au service de tous ». La tâche s'annonce ardue alors que le référendum sur le maintien ou non dans l'UE a profondéme­nt divisé la société britanniqu­e, avec 17,5 millions de « Brexiters » et 16 millions de « Remainists », et a révélé la dramatique fracture du pays, entre les « gagnants de la mondialisa­tion » (le Grand Londres, principale­ment) et ceux qui, au Nord de l'Angleterre et au Pays de Galles, se sentent oubliés. Pour Theresa May, dans ce pays en proie au doute et menacé de récession, ce sera le principal chantier que de tenter de réconcilie­r ces extrêmes et d'éviter qu'au divorce avec l'Union européenne s'ajoute un, voire deux divorces internes au Royaume-Uni, alors que l'Écosse « pro-Remain », envisage de « filer à l'anglaise » et que l'Irlande du Nord « pro-remain aussi) regarde du côté du sud de l'île, au risque de réveiller la guerre civile.

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