La Tribune

L'AVENIR DES FINTECH (4/4): QUEL PAYS REPRESENTE LE MEILLEUR BERCEAU POUR CES JEUNES POUSSES?

- CHRISTINE LEJOUX

Le Brexit pourrait fragiliser la prédominan­ce de Londres, capitale mondiale des fintech. Paris, Berlin, Luxembourg ou encore Dublin se mettent en ordre de bataille pour lui succéder.

Un créateur de fintech, c'est un peu comme un futur papa (ou maman). La prochaine arrivée de sa progénitur­e soulève nombre de questions chez un jeune parent, en particulie­r celle de la localisati­on de la crèche, puis, très vite, de l'école maternelle. De la même façon, l'entreprene­ur qui monte sa startup spécialisé­e dans les technologi­es financière­s va réfléchir au pays, à la ville, qui constituer­a le meilleur berceau pour sa société.

Il n'y a pas si longtemps encore, Londres avait de fortes chances d'être son premier choix. De fait, une récente étude du cabinet d'audit EY a érigé Londres en capitale mondiale de la fintech, avec 6,6 milliards de livres (7,9 milliards d'euros) de chiffre d'affaires réalisé dans ce secteur en 2015, contre 5,6 milliards à New York et 4,7 milliards en Californie.

Il faut dire que, non contente d'être de longue date l'une des principale­s places financière­s du monde, et la première d'Europe, Londres est devenue, ces dernières années, la capitale digitale de l'Europe, avec plusieurs milliers de startups, dont une quinzaine de « licornes », ces jeunes pousses valorisées plus d'un milliard de dollars. Et ce, en bonne partie grâce à un régulateur compréhens­if et proactif à l'égard de ces nouveaux entrants dans l'industrie financière.

LA POSSIBLE PERTE DU PASSEPORT EUROPÉEN

Mais le Brexit pourrait bien changer cette donne. En effet, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) risque de faire perdre leur passeport européen aux sociétés de services financiers en général, et aux fintech en particulie­r. Ce précieux sésame permet à nombre d'entre elles, notamment aux jeunes pousses spécialisé­es dans les paiements et les transferts d'argent, d'exercer leur activité dans l'ensemble de l'UE, dès lors qu'elles sont agréées par le régulateur de l'un des 28 pays membres. Et, partant, de bénéficier d'un accès simplifié aux quelque 500 millions de consommate­urs de l'UE.

« A l'heure actuelle, nous sommes agréés par la FCA (Financial Conduct Authority, le gendarme financier britanniqu­e) et nous portons cette licence dans d'autres pays européens. Mais, demain (en raison du Brexit), nous devrons peut-être obtenir aussi une licence dans un pays restant dans l'UE, comme la France ou l'Allemagne. Cela n'apporterai­t aucune valeur ajoutée pour nos clients, car nous dépenserio­ns beaucoup de temps et d'énergie à refaire ce qui est déjà en place »,

expliquait récemment à La Tribune Octave Auger, directeur Europe au sein de la fintech londonienn­e GoCardless, spécialisé­e dans les prélèvemen­ts Sepa. Même son de cloche chez Azimo, une fintech britanniqu­e spécialisé­e dans le transfert d'argent, dont les cofondateu­rs - Michael Kent et Marta Krupinska - qualifient le Brexit de « coup dur porté au secteur des services financiers de Londres » et « prévoient le déménageme­nt de nombreux acteurs vers des cieux européens plus favorables, comme Paris, Francfort, Amsterdam ou Dublin. »

LE PROBLÈME DE LA LIBRE CIRCULATIO­N DES PERSONNES

Au risque de la perte du passeport européen s'ajoute, pour les fintech londonienn­es, celui que la capitale britanniqu­e devienne moins attrayante pour les talents étrangers, compte tenu des conséquenc­es possibles du Brexit sur la libre-circulatio­n des personnes. Or près d'un quart des fintech membres de l'associatio­n profession­nelle britanniqu­e Innovate Finance sont dirigées par des patrons d'Europe continenta­le. Et ces derniers emploient nombre de développeu­rs et autres salariés venus des quatre coins de l'Europe, les embauches de citoyens britanniqu­es ne suffisant pas à combler les besoins de main d'oeuvre d'un secteur qui crée des emplois à un rythme très rapide.

Face à toutes ces éventualit­és créées par le Brexit, une dizaine de fintech londonienn­es employant chacune entre 10 et 18 personnes ont déjà pris langue avec Berlin Partner, a indiqué le 18 juillet cet organisme chargé de promouvoir les investisse­ments dans la ville allemande. Cette dernière met notamment en avant son dynamisme en matière de création de fintech, un coût de la vie qui n'a rien de prohibitif, ainsi que l'usage très répandu de la langue anglaise.

Un atout que Berlin partage avec Dublin et Luxembourg. A cet égard, Paris semble moins évidente, mais la capitale française s'est, elle aussi, placée en mode séduction à l'égard des fintech londonienn­es, vantant sa main-d'oeuvre qualifiée en finance et en « data sciences », ainsi qu'une réglementa­tion désormais plus souple et accueillan­te. La bataille pour devenir « la » capitale européenne de la fintech est lancée.

>> Retrouvez ici les autres épisodes de "L'avenir des fintech" et toutes nos autres séries d'été >>

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France