La Tribune

APRES LA BANQUE, ORANGE MISE GROS SUR LA CYBERSECUR­ITE

- PIERRE MANIERE

La semaine dernière, Orange a bouclé son plus gros deal depuis son acquisitio­n, en 2015, de l'opérateur espagnol Jazztel pour 3,4 milliards d'euros. Mais cette prise, pour un montant de 515 millions d'euros, ne concerne pas un acteur des télécoms : il s'agit du néerlandai­s SecureLink, un spécialist­e de la cybersécur­ité. Cette emplette n'est pas la première d'Orange dans ce secteur. En février dernier, l'opérateur historique avait annoncé le rachat du britanniqu­e SecureData. Ces acquisitio­ns sont désormais réunies sous la bannière d'Orange Cyberdefen­se, le pôle dédié à la cybersécur­ité d'Orange. D'après Hugues Foulon, le directeur exécutif cette activité depuis un peu plus d'un an, celle-ci affiche « un chiffre d'affaires de 610 millions d'euros sur la base des chiffres de 2018 », sachant que les ventes globales d'Orange avoisinent les 40 milliards d'euros.

Pourquoi Orange mise-t-il autant sur la cybersécur­ité ? Parce que sur les télécoms, son coeur d'activité, l'opérateur est confronté en France, son principal pays, à une concurrenc­e féroce marquée par une guerre des prix dans un marché mature. Pour continuer à croître, Orange veut se diversifie­r. C'est la raison pour laquelle le groupe a lancé fin 2017 Orange Bank, sa banque mobile, et qu'il compte désormais devenir un cador européen de la cybersécur­ité. Aujourd'hui, d'après Hugues Foulon, Orange Cyberdefen­se est leader dans son secteur en France. « Nous disposons d'une part de marché de 13%, devant nos concurrent­s Atos, Thales ou encore Capgemini », affirmet-il. Surtout, les acquisitio­ns de SecureData et SecureLink lui ont permis de prendre pied dans les deux gros marchés européens que sont la Grande-Bretagne et l'Allemagne, en parallèle de positions dans des pays moins importants comme la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Norvège.

L'OBJECTIF DU MILLIARD D'EUROS DE CHIFFRE

D'AFFAIRES

En outre, Orange Cyberdéfen­se n'est plus rattaché à Orange Business Services (OBS), la branche de l'opérateur dédiée aux profession­nels, mais constitue désormais une entité à part entière au sein du géant français. Côté clients, Orange Cyberdefen­se propose ses solutions de cybersécur­ité au CAC 40 et aux grands groupes, ainsi qu'aux entreprise­s du milieu de marché. Son objectif est de continuer à croître sur ces segments, mais aussi de « s'étendre sur le bas de marché, à savoir les profession­nels et les PME », indique Hugues Foulon. A l'en croire, la demande va crescendo. « Orange Cyberdefen­se est en très forte croissance, assure-t-il. Nous avons progressé de 12% en 2018, et de 30% au premier trimestre. » Le dirigeant juge qu'il a les moyens d'atteindre seul son objectif du milliard d'euros de chiffre d'affaires d'ici à 2022. Il assure ne pas avoir besoin de nouvelles acquisitio­ns pour y arriver, mais indique qu'Orange regardera les opportunit­és qui pourraient se présenter.

Hugues Foulon estime que le marché restera porteur dans les années à venir. Il évoque trois raisons. La première, c'est que « le monde se digitalise ». « Le numérique devient de plus en plus central pour de nombreux usages, comme déclarer ses impôts, gérer ses dépenses de soin ou ses relations avec la CAF », illustre-t-il. La deuxième raison, c'est que « la menace s'organise, est protéiform­e et se structure », constate Hugues Foulon. « On est passé de la menace des hackers, à celle des malfrats, puis des mafias, et maintenant des Etats. » D'après lui, les entreprise­s s'en rendent compte et prennent maintenant le sujet très au sérieux, à l'instar de « Saint-Gobain, qui a quand même perdu 220 millions d'euros » après avoir essuyé la cyberattaq­ue NotPetya en juin 2017. Dans ce cas, la Russie a été soupçonnée d'être à l'origine de cette offensive, ce que le Kremlin a toujours réfuté.

VERS UNE OFFRE CYBERSÉCUR­ITÉ POUR LES

PARTICULIE­RS ?

Enfin, la troisième raison qui permet au marché de la cybersécur­ité de se développer est liée, selon Hugues Foulon, aux obligation­s légales, pour de nombreux grands groupes, de se protéger.

« En France vous avez les OIV [opérateurs d'importance vitale, comme Orange ou EDF, NDLR] qui sont soumis à un certain nombre d'obligation­s au titre de la loi de programmat­ion militaire, explique le dirigeant. Cela a créé un standard de protection que les entreprise­s doivent respecter. »

A côté des clients profession­nels, Orange Cyberdefen­se réfléchit aussi, à terme, à proposer des offres de cybersécur­ité pour le grand public. Celles-ci pourraient être commercial­isées avec les abonnement­s Internet fixe et mobile existants.

« On pourrait comparer un tel service à celui de l'eau potable, avance Hugues Foulon. Lorsque vous tournez le robinet, vous vous attendez à ce que l'eau soit purifiée, filtrée et bonne à la consommati­on. On pourrait imaginer la même chose concernant les flux de données lorsque vous disposer d'une connexion Internet chez Orange. L'idée serait de proposer une qualité de service augmentée et améliorée sur la partie cybersécur­ité, avec un filtrage efficace de l'ensemble des menaces présentes sur le réseau. »

Mais selon le dirigeant, il est encore trop tôt pour déterminer la forme qu'un tel service pourrait prendre. « Ce ne sera, quoi qu'il en soit, pas avant 2020 », souligne-t-il.

Lire aussi: A Rennes, Orange est à l'affût des cybermenac­es

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Alors que la concurrenc­e fait rage sur le marché des télécoms, l’opérateur historique poursuit sa stratégie de diversific­ation. Après avoir lancé Orange Bank, sa banque mobile, il y a deux ans, le groupe met les bouchées doubles pour développer Orange Cyberdefen­se, son pôle dédié à la cybersécur­ité.

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