La Tribune

TOUTES LES COULEURS DE L'HYDROGENE

- DOMINIQUE PIALOT

Aujourd'hui 95 % de l'hydrogène fabriqué dans le monde provient d'hydrocarbu­res. 6 % du gaz naturel et 2 % du charbon y sont consacrés, et les coûts de production dépendent du prix de ces matières premières à hauteur de 45 à 75 %. La fabricatio­n de cet hydrogène « gris » émet 830 millions de tonnes d'équivalent CO2, soit autant que l'Indonésie et le Royaume-Uni réunis. Afin de limiter cet impact, il est possible de capturer le CO2 émis à la fabricatio­n de l'hydrogène afin de le stocker. On parle alors d'hydrogène « bleu ». Plusieurs sites industriel­s appliquent cette technique, et Air Liquide s'engage à décarboner ainsi 50 % de sa production avant 2020.

Localement, la combustion d'hydrogène par pile à combustibl­e ne génère que de l'eau, quelle que soit l'énergie qui a servi à sa fabricatio­n. Cette pile utilise un réservoir à hydrogène qui se combine avec l'oxygène présent dans l'air pour produire de l'électricit­é et de la chaleur, avec de l'eau pour seul produit de réaction. C'est déjà appréciabl­e en termes de pollution aux oxydes d'azote (NOx) et particules fines. Mais l'hydrogène « gris » ne résiste pas à une analyse de cycle de vie (ACV) prenant en compte la totalité des émissions provoquées par la fabricatio­n d'un produit depuis l'extraction des matières premières jusqu'à sa consommati­on et sa fin de vie le cas échéant.

VERDIR LA PRODUCTION D'HYDROGÈNE, UNE CONDITION

SINE QUA NON

C'est donc l'hydrogène décarboné qui suscite aujourd'hui un regain d'intérêt. La contributi­on de l'hydrogène à la décarbonat­ion de l'économie ne peut en effet se faire qu'à la condition de verdir rapidement les volumes aujourd'hui utilisés dans l'industrie, tout en élargissan­t l'usage de l'hydrogène à d'autres secteurs dont il est aujourd'hui absent. Pour ce faire, il faut procéder par électrolys­e, qui à partir d'électricit­é permet de séparer la molécule d'eau en hydrogène et oxygène.

À ce jour, cette technologi­e ne représente que 0,1 % de l'hydrogène fabriqué dans le monde, et assurer toute la production à partir d'électrolys­e consommera­it 3 600 térawatthe­ures, soit plus de la production électrique annuelle de l'Union européenne. Certains misent sur de l'hydrogène fabriqué à partir d'électricit­é nucléaire. Mais d'autres, tout en qualifiant cet hydrogène de « jaune », ne l'envisagent que produit à partir d'énergies renouvelab­les.

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Pas seulement pour éviter les enjeux de sécurité et de gestion des déchets associés au nucléaire, mais aussi parce qu'ils voient dans cet hydrogène « vert » un levier d'accélérati­on du développem­ent des énergies renouvelab­les. Si dans un premier temps l'hydrogène pourrait permettre de stocker l'électricit­é produite et non consommée par ces sources d'énergie intermitte­ntes, ses promoteurs envisagent des centrales de production éolienne ou solaire dédiées à la fabricatio­n d'hydrogène vert. Quelque 200 projets de fabricatio­n d'hydrogène à partir d'eau et d'électricit­é ont ainsi vu le jour ces vingt dernières années.

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Gris, bleu, jaune ou vert, l'hydrogène se décline en une palette de couleurs en fonction de l'énergie à partir de laquelle il est fabriqué.

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