La Tribune

LE PARLEMENT ADOPTE DEFINITIVE­MENT LA TAXE GAFA MALGRE LA MENACE AMERICAINE

- EURACTIV

Après un ultime vote à main levée du Sénat, la France est « le premier État à introduire en Europe une taxation » des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) et autres Meetic, Airbnb, Instagram ou encore Criteo, a affirmé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Décidé à faire pression, Washington avait annoncé la veille avoir lancé une enquête sur les effets de cette taxe mise en place unilatéral­ement par la France dans l'attente d'un accord au niveau internatio­nal. En fonction des conclusion­s auxquelles elle aboutit, cette enquête pourrait entraîner des mesures de représaill­es.

Une menace qui a provoqué l'ire de Bruno Le Maire : « Entre alliés, nous pouvons et nous devons régler nos différends autrement que par la menace », a-t-il lancé devant les sénateurs, soulignant que c'était « la première fois » dans l'histoire des relations bilatérale­s que l'administra­tion américaine décidait d'ouvrir une enquête sous l'article de la loi du commerce dit « Section 301 ». Pour M. Le Maire, la mise en place de la taxe française doit être pour les États-Unis une incitation « à accélérer encore les travaux sur une solution internatio­nale de taxation du numérique à l'échelle de l'OCDE ».

UN PROJET DE TAXE EUROPÉENNE AVORTÉE

« Nous aurons d'ici dix jours le G7 des ministres des Finances, qui se tiendra à Chantilly, le secrétaire américain au Trésor sera présent. Accélérons les travaux au niveau internatio­nal, trouvons une solution commune, trouvons une solution au niveau de l'OCDE et passons par des accords plutôt que par des menaces », a insisté le ministre. La « taxe Gafa à la française » s'inspire largement d'un projet européen qui n'a pas abouti en raison des réticences de l'Irlande, de la Suède, du Danemark et de la Finlande.

Concrèteme­nt, elle vise les entreprise­s qui réalisent un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d'euros dans le monde, dont 25 millions d'euros pouvant être rattachés à des utilisateu­rs localisés en France. Mais cette solution unilatéral­e a vocation à n'être que temporaire, dans l'attente d'un accord au niveau mondial. M. Le Maire s'y est une nouvelle fois engagé.

« C'est une décision qui est juste, qui permet de rétablir de l'équité fiscale entre les grandes entreprise­s du numérique et les autres entreprise­s », a-t-il défendu devant la presse. Le G20 Finances réuni début juin au Japon a enregistré des progrès sur ce dossier, même si Washington privilégie toujours une approche très large ne se limitant pas au secteur du numérique.

« UN PIS-ALLER »

L'idée de la taxe à la française est d'imposer les géants du numérique à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitai­res et la mise en relation des internaute­s par les plates-formes. Au Sénat, elle a été adoptée avec le soutien de l'ensemble des groupes, hormis le CRCE à majorité communiste qui s'est abstenu, la jugeant très insuffisan­te. Mais les sénateurs n'ont pas manqué de réitérer leurs réserves, à l'instar du rapporteur LR Albéric de Montgolfie­r. « Imparfaite économique­ment », « complexe dans sa mise en oeuvre », elle ne peut constituer qu'« un pis-aller » temporaire, a-t-il jugé. Pour le rapporteur, les pressions américaine­s montrent que la solution internatio­nale « est la seule possible à terme ».

Les menaces de Washington ont été largement commentées. Jean-Marc Gabouty (RDSE à majorité radical) a ironisé sur le nouvel « élan impérialis­te » de Donald Trump, voyant « dans cette marque d'intérêt » pour les débats du Sénat « un réel honneur », « même si la démarche n'est pas forcément inspirée par la plus grande bienveilla­nce ». Pascal Savoldelli (CRCE) a appelé le ministre à « tenir bon », tandis que le rapporteur mettait en garde contre les conséquenc­es économique­s que pourrait avoir la décision américaine, soulignant qu'il ne faudrait pas qu'elles excèdent les bénéfices de la taxe, « dont le rendement demeure à ce jour assez incertain ».

La taxe, dont l'instaurati­on avait été annoncée par Emmanuel Macron fin 2018, en pleine crise des « gilets jaunes », devrait rapporter 400 millions d'euros en 2019, et devait contribuer à financer les 10 milliards d'euros de mesures d'urgence économique­s et sociales qui avaient alors été mises sur la table. La taxation du chiffre d'affaires des activités numérique, choisie par le gouverneme­nt « n'est pas un bon outil » et risque de pénaliser des entreprise­s françaises en croissance, a estimé Jean-David Chamboredo­n, le coprésiden­t de France Digitale, qui fédère start-up et fonds d'investisse­ments français.

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(Article publié le vendredi 12 juillet 2019 à 10:20)

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Inspirée d’un projet européen avorté, une taxe « à la française » sur les géants du numérique a été adoptée jeudi au Parlement, sur fond de tensions avec les États-Unis qui menacent la France de représaill­es. Un article de notre partenaire Euractiv.
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