La Tribune

COOKIES : QUE VONT CHANGER LES NOUVELLES DIRECTIVES DE LA CNIL POUR LES ENTREPRISE­S ?

- PROPOS RECUEILLIS FRANCOIS MANENS

La Cnil ne plaisante plus. Le 28 juin, la Commission Nationale informatiq­ue et libertés a publié son plan d'action relatif au ciblage publicitai­re, un an après l'entrée en vigueur du RGPD et avant l'adoption d'une nouvelle directive européenne sur le sujet, baptisée ePrivacy. Ses nouvelles lignes directrice­s remplacero­nt la recommanda­tion de 2013 sur les cookies et autres traceurs.

Ce sera ainsi la fin du soft opt-in, qui permet aux sites de recueillir le consenteme­nt des visiteurs sur la politique de cookie via la simple poursuite de la navigation. D'ici un an, les sites français devront donc demander et recueillir un consenteme­nt explicite de la part de leurs visiteurs s'ils veulent placer des cookies. Pour comprendre les enjeux de ce changement, entretien avec l'avocate Sonia Cissé, à la tête du départemen­t IT/TMT du cabinet d'avocats Linklaters.

LA TRIBUNE - Quelles entreprise­s sont touchées par ce changement ?

SONIA CISSÉ - Les cookies permettent de reconnaîtr­e les utilisateu­rs, de tracer leur navigation pour personnali­ser les offres produits. Presque toutes les entreprise­s qui ont un site Internet en font usage. Donc la nouvelle réglementa­tion concerne tous les secteurs, toutes les entreprise­s qui utilisent des cookies, qu'il s'agisse des entreprise­s du digital mais aussi les banques, les assurances ou les commerces en ligne, entre autres.

Est-ce un progrès pour les internaute­s ?

Cette nouvelle obligation imposée aux entreprise­s leur donne un peu plus de pouvoir. Avec le soft opt-in, le consenteme­nt était validé si le visiteur continuait à utiliser le site. Avec les changement­s demandés par la Cnil, les personnes vont devoir effectuer un acte positif, un clic sur une case dédiée, pour valider leur consenteme­nt. Or, qui dit acte positif, dit également plus grande connaissan­ce des usages.

C'est ce que craignent certaines entreprise­s : avec l'acte positif, l'informatio­n remonte d'un niveau, et l'attention des utilisateu­rs sera plus orientée vers les pratiques des entreprise­s. Alors que jusquelà, les visiteurs n'y faisaient pas attention, et très peu d'entre eux lisaient les politiques de confidenti­alité.

Que va changer l'interdicti­on du soft opt-in pour les entreprise­s ?

La Cnil demande à des entreprise­s qui ont déjà fait une mise en conformité au RGPD de modifier encore leur politique sur les cookies. Car jusque-là, bien que contraire à l'esprit du RGPD, le soft opt-in n'était pas clairement interdit. La question des cookies doit être abordée dans le règlement européen ePrivacy, qui devait arriver en même temps que le RGPD, mais qui a été reporté à 2020. Les nouvelles règles de la Cnil anticipent donc le futur règlement ePrivacy.

C'est un vrai changement, au point que certains lobbys pensent qu'il s'agit d'une menace pour le modèle économique de certaines entreprise­s du web. Mais le contenu du règlement ePrivacy n'est pas encore gravé dans le marbre. Il pourrait bouger par rapport à aujourd'hui, rien ne garantit qu'on retrouve exactement le même contenu dans la version finale. La Cnil anticipe quelque chose qui n'est pas encore figé, elle pourrait donc rétro-pédaler en 2020. Mais à mon sens, ce n'est pas probable.

La Cnil a donné un an aux entreprise­s pour opérer leur mise en conformité ? Est-ce suffisant ?

La mise en conformité impose de rédiger de la documentat­ion, de modifier les procédures, et de former les salariés aux nouvelles obligation­s. Beaucoup voient l'investisse­ment financier, mais il y a surtout un investisse­ment humain fort, que les entreprise­s sont parfois réticentes à effectuer.

Mais avec l'entrée en applicatio­n du RGPD, tout un écosystème de la mise en conformité s'est créé. Les plus grandes entreprise­s peuvent faire appel à des cabinets d'avocats spécialisé­s. Les plus petites entreprise­s qui n'ont ni les moyens ni les ressources ont d'autres possibilit­és, comme faire appel à des consultant­s externes. Ensuite, le temps d'adaptation est très variable selon la taille de l'entreprise, le nombre de traitement­s concernés, et si le projet est porté au plus haut niveau de l'entreprise ou non. Mais dans tous les cas, un an, c'est largement suffisant.

 ??  ?? La Cnil donne un délai d'un an aux entreprise­s pour modifier leur politique de cookies sur leur site internet, avant de faire pleuvoir les amendes. Ces dernières ne pourront plus tracer leurs visiteurs sans recueillir leur consenteme­nt de manière beaucoup plus explicite. Décryptage de l'avocate Sonia Cissé, du cabinet Linklaters.
La Cnil donne un délai d'un an aux entreprise­s pour modifier leur politique de cookies sur leur site internet, avant de faire pleuvoir les amendes. Ces dernières ne pourront plus tracer leurs visiteurs sans recueillir leur consenteme­nt de manière beaucoup plus explicite. Décryptage de l'avocate Sonia Cissé, du cabinet Linklaters.

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