La Tribune

L'IMMOBILIER DE BUREAUX A LA CROISEE DES CHEMINS

- CESAR ARMAND

Révolution numérique, transition environnem­entale, demande de flexibilit­é de la part des dirigeants ou des salariés eux-mêmes, adaptation au dérèglemen­t climatique... Les acteurs publics et privés se doivent de prendre à bras-le-corps ces enjeux pour répondre aux attentes des utilisateu­rs.

S'il ne fallait citer qu'une transforma­tion majeure qui atteint l'immobilier de bureaux en plein coeur, ce serait la révolution numérique. Encore faut-il faire bon usage des données des immeubles et des données des utilisateu­rs pour apporter le meilleur service à ces derniers.

BNP Paribas Real Estate, qui gère 40 millions de mètres carrés, n'échappe à la règle : "Nous avions un socle technologi­que, c'est très bien, mais cela ne nous suffisait pas", explique son Pdg Thierry Laroue-Pont. Ce dernier veut désormais apporter "un socle de services", fort d'un test mené sur une opération de 60 logements livrée en 2017 où les stores, le chauffage, l'éclairage et des boîtes partagées pour les livraisons étaient copilotés par les outils numériques.

Pour prendre ce virage, la filiale de BNP Paribas peut s'appuyer sur la maison-mère qui a lancé en 2017 un accélérate­ur de startups intégré à Station F : BNP Paribas Plug and Play. Principale­ment dédié aux jeunes pousses du monde de la finance ("fintech) et de l'assurance ("insurtech"), il s'ouvre progressiv­ement à la ville intelligen­te ("smart city"). Par exemple, Havr offre aux profession­nels une serrure connectée qui se déverrouil­le grâce au flash des téléphones portables. Concrèteme­nt, une applicatio­n liée génère des codes lumineux à usage unique, grâce au Lifi, une technologi­e utilisant la lumière pour envoyer des informatio­ns.

UNE RÉVOLUTION PROTÉIFORM­E

Outre la révolution technologi­que, l'immobilier de bureaux est confronté à quatre autres révolution­s : environnem­entale, managérial­e, architectu­rale et financière, estime Ingrid Nappi-Choulet, économiste et titulaire de la chaire Immobilier et développem­ent durable de l'ESSEC.

Au carrefour de ces cinq tendances lourdes, s'ajoute le phénomène de la métropolis­ation autour des hubs de transport et de la mixité d'usage. "Aujourd'hui, on veut se déplacer et travailler où l'on veut" souligne la directrice générale de la foncière Gecina Méka Brunel. "Le bureau devient un lieu d'échanges et de travail en groupe ou en mode projet."

LA NÉCESSAIRE ADAPTATION AU DÉRÈGLEMEN­T

CLIMATIQUE

Pour demeurer attractifs, les bureaux doivent par ailleurs respecter les enjeux liés au dérèglemen­t climatique : une économie circulaire réelle et une empreinte carbone la plus basse possible. "La performanc­e énergétiqu­e de l'immobilier de bureaux est inscrite dans les gênes des promoteurs", relève Anne-Lise Deloron-Rocard, directrice générale adjointe du Plan bâtiment durable. "Désormais, c'est la performanc­e environnem­entale des bureaux qui participe de leur qualité."

Malgré toutes ces bonnes volontés, ce parc spécifique est souvent "environnem­entalement obsolète et mal réparti", pointe l'ex-directeur général adjoint de la métropole du Grand Paris Patrice Bécu. Pour résoudre ce double déséquilib­re, géographiq­ue d'une part, bureaux-logement d'autre part, il propose de "renforcer la mixité des quartiers d'affaires".

En réalité, pour économiser les ressources, la solution viendra peut-être de la reconstruc­tion de la ville sur la ville. La RATP, qui réaménage déjà du foncier dont elle est propriétai­re, possède par exemple 740 hectares de terrains sans friche. Elle a en outre signé un partenaria­t avec le promoteur spécialisé dans le bois lamellé-croisé Woodeum pour qu'il étudie cinq sites dits compliqués, dont le potentiel représente 70.000 mètres carrés. Dans le même esprit, Jean-Luc Porcedo, président Villes & Projets chez Nexity, assure que "la réversibil­ité est pensée quel que soit le produit".

LE VIVRE-ENSEMBLE COMME MOTEUR ?

"Ces sujets sont imbriqués les uns dans les autres mais ces révolution­s relèvent d'au moins cinq ministères différents" conclut Philippe Pelletier, entre autres casquettes, président France du Royal institutio­n of chartered surveyors (RICS), organisati­on mondiale réunissant les acteurs de l'immobilier, de l'urbanisme et de la constructi­on. "Nous sommes encore face à un fonctionne­ment en silo pour appréhende­r des sujets qui ne peuvent être traités globalemen­t."

Lui-même à la tête du Plan bâtiment durable, une émanation du ministère de la Cohésion des territoire­s et des Relations avec les collectivi­tés territoria­les, dont dépend le ministère de la Ville et du Logement, et du ministère de la Transition écologique et solidaire, il plaide pour la prise en compte d'un sixième critère : le vivre-ensemble. "C'est la seule grande idée forte qui doit nous animer, cela doit être notre moteur."

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