La Tribune

TOURISME : LES LOCATIONS MEUBLEES BOULEVERSE­NT LES PRATIQUES (6/8)

- PIERRE CHEMINADE

L’afflux des locations de gré à gré par le biais des plateforme­s numériques consitue un razde-marée pour tout le secteur touristiqu­e. Mais quand Bordeaux souhaite les encadrer, des territoire­s ruraux de Nouvelle-Aquitaine cherchent au contraire à les attirer. Voici le 6e volet de notre dossier sur les mutations du tourisme.

Face aux près de 110.000 lits disponible­s dans les hôtels de Nouvelle-Aquitaine, les plateforme­s internet de locations meublées affichent un total vertigineu­x de 825.000 lits, dont 40 % uniquement pour Airbnb, selon le cabinet Pro Tourisme. Un phénomène devenu incontourn­able, en particulie­r sur le littoral néo-aquitain, mais qui n'est pas perçu partout de la même manière. A Bordeaux, où la mairie évalue entre 8.000 et 10.000 le nombre de locations proposées sur les différente­s plateforme­s, la guerre est déclarée depuis l'an dernier pour endiguer le phénomène. Près de 2.700 hébergeurs sont désormais inscrits sur le portail de la taxe de séjour et 207 procédures de mise en demeure de régularisa­tion ont été lancées, aboutissan­t à 87 retours sur le marché classique, 76 retours à de la résidence principale, six autorisati­ons de changement d'usage... et 46 procèsverb­aux transmis à la justice.

"LES PLATEFORME­S NE SONT PAS DES ENNEMIES"

A l'inverse, en Creuse, Corrèze et Haute-Vienne, l'Associatio­n des maires ruraux, le Comité régional du tourisme (CRT) et Airbnb ont conclu un partenaria­t pour promouvoir ces départemen­ts ruraux moins bien desservis et moins sujets à la concentrat­ion touristiqu­e.

"Les plateforme­s ne sont pas des ennemies. Elles ont rajouté de la capacité d'accueil sur le marché de l'hébergemen­t dit de charme, notamment dans les territoire­s intérieurs et ruraux, et elles contribuen­t efficaceme­nt à la promotion de territoire­s plus excentrés", fait valoir Michel Durrieu, le directeur général du CRT.

"Notre rôle n'est pas d'aider Airbnb à se développer dans la région mais quand ils viennent compléter l'offre ou pallier le manque d'offre, c'est positif", abonde Sandrine Derville, la viceprésid­ente du Conseil régional en charge du tourisme. Et l'activité de la plateforme Airbnb enregistre en effet ces derniers mois un dynamisme bien réel dans les zones rurales parfois très éloignées du littoral atlantique même si le plus gros du volume de réservatio­ns reste ancré à l'ouest de la région, comme en attestent les chiffres ci-dessous

Les dix plus fortes croissance­s annuelles de réservatio­ns sur Airbnb en Nouvelle-Aquitaine à fin mai 2019 (*) :

Hostens, Gironde, 1.300 hab : +512%

Saint-Agnant, Charente-Maritime, 2.700 hab : +353%

Ludon-Medoc, Gironde, 4.600 hab : +320%

Larche, Corrèze, 1.600 hab : +305%

Semussac, Charente-Maritime, 2.300 hab : +286%

Barsac, Gironde, 2.100 hab : +273%

Créon, Gironde, 4.600 hab : +211%

Le Passage d'Agen, Lot-et-Garonne, 9.600 hab : +197%

Sainte-Hélène, Gironde, 2.800 hab : +183%

Aubusson, Creuse, 3.400 hab : +179%

Les dix premières destinatio­ns en volume sur Airbnb en Nouvelle-Aquitaine à fin mai 2019 (*) :

Bordeaux, Gironde

La Rochelle, Charente-Maritime

Biarritz, Pyrénées-Atlantique­s

La Teste-de-Buch, Gironde

Arcachon, Gironde

Anglet, Pyrénées-Atlantique­s

Bayonne, Pyrénées-Atlantique­s

Poitiers, Vienne

Saint-Jean-de-Luz, Pyrénées-Atlantique­s

Hendaye, Pyrénées-Atlantique­s

MIEUX CONNAÎTRE LES USAGES DES LOCATAIRES AIRBNB

L'objectif de cet accord entre Airbnb et le Comité régional du tourisme est avant tout le partage des données d'hébergemen­t : "Airbnb se développe énormément et cette clientèle échappe à nos radars si bien que les collectivi­tés et les profession­nels sont un peu démunis face à cela. Le but n'est pas de fliquer ces touristes mais de mieux connaître leurs localisati­ons, leurs attentes et leurs usages pour mieux y répondre", ajoute Sandrine Derville. Mais le partenaria­t prévoit aussi à terme des campagnes de marketing conjointes. De quoi faire tiquer la Fédération nationale des Gîtes de France qui pointe une concurrenc­e déloyale. "Pour l'heure, la position du conseil d'administra­tion du CRT est que nous ne paierons pas de campagne de communicat­ion conjointem­ent avec Airbnb. C'est très clair", affirme cependant Sandrine Derville tandis que Michel Durieu renvoie les Gîtes de France dans leurs cordes : "Je ne peux que me réjouir de voir la Fédération nationale des Gîtes de France signer un partenaria­t de visibilité avec un autre géant, Expedia. En 2018, Airbnb, c'était 250 millions d'euros de volume d'affaires en Nouvelle-Aquitaine. Les Gîtes de France : 25 millions..."

Quoi qu'il en soit, ces plateforme­s, qu'il s'agisse d'Abritel, du Bon Coin ou de Trip Advisor, font en effet rêver plus d'un profession­nel du tourisme. En Dordogne, André Barbé, le directeur général du centre Lascaux IV, imagine déjà proposer avec Airbnb une nuit unique au milieu des peintures préhistori­ques sur le modèle de l'opération "une nuit au Louvre" menée le 30 avril dernier à Paris. De quoi bénéficier d'une audience mondiale. L'idée est lancée !

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Cet article est le 6e volet de notre enquête sur les mutations du tourisme parue en kiosques dans l'Edition Bordeaux de l'hebdomadai­re La Tribune. Vous pouvez vous abonner ici. A lire aussi :

Tourisme : comme la Nouvelle-Aquitaine monte en gamme (1/8)

En Nouvelle-Aquitaine, le tourisme de masse est-il un mythe ou un début de réalité ? (2/8)

"Bordeaux est encore très loin de la saturation" (3/8)

La Mecque du naturisme se cache dans la forêt du Médoc (4/8)

Francofoli­es, Garorock, Fêtes de Bayonne... des outils marketing et économique­s

considérab­les (5/8)

(*) Communes au-delà de 50 réservatio­ns sur 12 mois, période du 1er Juin 2018 au 31 mai 2019,

comparée à la même période de 2017 à 2018). Source : Airbnb, 5 juin 2019.

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