La Tribune

COMMENT REDONNER DE L'ATTRAIT AUX CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS DESERTES ?

- OLIVIER DAMAISIN, DEPUTE (LREM, LOT-ET-GARONNE), ET FRANCIS PALOMBI, PRESIDENT DE LA CONFEDERAT­ION DES COMMERCANT­S DE FRANCE

Le phénomène s'accélère depuis le début des années 2010, en particulie­r dans le nord de la France et sur un axe "Meuse-Landes", zone particuliè­rement touchée par le chômage, selon un rapport rendu au Sénat à l'été 2018 : en quelques années, dans les villes petites et moyennes, la vacance des commerces en centre-ville est passée de 8 à 12%, et jusqu'à 15% dans des villes pourtant aussi renommées que Vichy et jusqu'à plus de 20 % dans certaines zones rurales ! Avec ces nombreux rideaux baissés, c'est tout le dynamisme et l'attractivi­té de ces quartiers qui perdent de la vitesse.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette désertion et ce déclin : la concurrenc­e avec les centres commerciau­x construits à la périphérie de ces villes. Depuis plus de vingt ans, de nombreux centres sont créés, avec bien souvent la complicité des élus, qui n'ont pas su se concerter, anticiper, avec les commission­s CDAC, CNAC, véritables machines à autoriser des mètres carrés, sans compter avec l'efficacité du lobbying promoteur. On doit citer également l'arrivée du ecommerce, les conditions sociales parfois dégradées des population­s locales et le départ des catégories les plus aisées pour des villes plus importante­s, une démographi­e en berne qui limite la fréquentat­ion des rues, des services publics ou privés fermés ou délocalisé­s, les difficulté­s de transports ou de parking, payants et bien trop chers. On peut parfois observer également le manque d'adaptation des heures d'ouverture selon les villes (exemple : ville touristiqu­e), et l'on peut déplorer l'absence d'analyse quant à la mutation au sein d'une ville des habitudes d'achat, d'un déplacemen­t de la clientèle vers un nouveau quartier...

Ce processus n'a rien de franco-français, puisqu'il touche de nombreux pays européens. Toutefois en France, ces communes ont véritablem­ent pâti des orientatio­ns politiques des dernières décennies en matière de cohésion des territoire­s et d'urbanisme commercial maitrisé. Plusieurs études font état de leur lente asphyxie, accrue depuis 2010. Notons au passage qu'en 2018, 935.000 mètres carrés ont été autorisés.

Alors qu'elles constituen­t la "colonne vertébrale" du territoire français, ainsi qu'un indispensa­ble maillage pour garantir la cohésion entre les zones rurales et les métropoles, très largement soutenues, quant à elles, par les réformes territoria­les successive­s des dix dernières années, les petites et moyennes villes ont ainsi de plus en plus de mal à jouer leur rôle structuran­t de bassin de vie, à l'échelle d'un canton, voire d'un départemen­t.

Le devenir des centres-villes tient à coeur à une majorité de Français et nous tient tout spécialeme­nt à coeur car, en tant qu'élu ou représenta­nt profession­nel issu de la ruralité, nous savons combien la présence d'une ville dans un rayon de cinquante kilomètres au maximum est vitale à la survie des villages environnan­ts. Les maires de ces villes ne font pas que tirer, à raison, la sonnette d'alarme en direction de l'État : leurs initiative­s pour endiguer ce phénomène et ramener de la vie en centrevill­e sont nombreuses, car tous sont conscients de la nécessité de moderniser des quartiers afin d'attirer de nouvelles personnes et de nouveaux commerces.

Mais la tâche est énorme car le défi pour les centres-villes, c'est qu'ils doivent effectuer de front une transition économique pour lutter contre la paupérisat­ion des population­s locales, aider l'implantati­on de nouveaux entreprene­urs tout en recentrant l'offre commercial­e de proximité - plus sur les métiers de bouche qui bénéficien­t de la forte demande de "plus local et plus humain", les marchés convoités par les consommate­urs qui sont à soutenir davantage. Il est important de les intégrer dans la dynamique de la ville. Certains secteurs souffrent, comme par exemple le prêt à porter ou la chaussure, plus particuliè­rement concurrenc­és par le e-commerce. La transition numérique est également incontourn­able. Un outil au service des acteurs de la ville s'impose, avec l'objectif de faire venir les clients dans la ville en valorisant les offres, afin que les commerçant­s puissent conserver une clientèle jeune et connectée,

Enfin il faut prendre en compte la transition écologique, notamment concernant les transports urbains - vouloir moins de voitures en ville, c'est bien, à condition que des alternativ­es de mobilité douce et des facilités d'accès pour ceux qui n'y résident pas soient développée­s et adaptées à chaque territoire (exemple : des parkings en périphérie, des navettes gratuites).

La réhabilita­tion des locaux et des logements, ainsi que la sécurisati­on de ces quartiers après l'horaire de fermeture des commerces restants sont également deux enjeux importants pour attirer de nouveaux habitants. Nous connaisson­s tous cette vision désolante de quartiers « morts » passée une certaine heure et envahis d'individus peu recommanda­bles : très mauvaise publicité pour les villes qui en sont victimes - un bon plan de dynamisati­on urbaine ne devrait d'ailleurs pas viser à simplement écarter ces personnes, mais les inviter à s'insérer dans ce processus en vue d'un meilleur vivre ensemble.

95% des Français sondés considèren­t que la modernisat­ion des centres-villes "doit constituer un objectif important pour les maires". Mais cet objectif ne saurait être rempli sans le concours de l'ensemble de la chaîne citoyenne, publique et économique, du consommate­ur aux plus hautes instances de l'État. Ces dernières ont eu un geste fort en mars 2019 avec le lancement du plan de revitalisa­tion urbaine "ORT - Action coeur de ville", qui devrait mobiliser plus de 5 milliards d'euros sur 5 ans et bénéficier à 222 petites et moyennes villes. D'autres initiative­s originales sont également à souligner, comme les Sociétés Coopérativ­es d'Intérêt Collectif (SCIC), qui reposent sur un exemple canadien (les sociétés de développem­ent commercial), impulsées par la Confédérat­ion des Commerçant­s de France. La SCIC est une solution nouvelle qui a vu le jour et qui a été inaugurée le 7 juin dans une petite ville rurale, Langogne, au travers d'une zone de 7.000 habitants. Elle a la mérite et l'objectif de rassembler tous les acteurs d'un périmètre : privé (indépendan­ts, unions commercial­es, profession­s libérales, artisans), public, consulaire, associatif, citoyen et salariés dans certains cas. Cela repose sur une économie solidaire, un co-partage de la gestion et de l'animation de la ville, doublée d'une mutualisat­ion des moyens.

La mutation de nos modèles citadins ne doit donc pas seulement déboucher sur des constats et des revendicat­ions, quelques justes soient-elles, mais également sur un engagement citoyen pour réinventer les réseaux locaux, qui passe par une étroite collaborat­ion entre les habitants de ces villes, les collectivi­tés locales et territoria­les, et les institutio­ns nationales. Gageons que ce plan gouverneme­ntal soit un premier pas dans cette direction.

 ??  ?? IDEES - Le député LREM de la 3e circonscri­ption du Lot-et-Garonne et membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Olivier Damaisin, signe un plaidoyer pour la revitalisa­tion urbaine et commercial­e des centres des petites villes et des villes moyennes, en partenaria­t avec Francis Palombi, le président de la Confédérat­ion des commerçant­s de France.
IDEES - Le député LREM de la 3e circonscri­ption du Lot-et-Garonne et membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Olivier Damaisin, signe un plaidoyer pour la revitalisa­tion urbaine et commercial­e des centres des petites villes et des villes moyennes, en partenaria­t avec Francis Palombi, le président de la Confédérat­ion des commerçant­s de France.

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