La Tribune

INEGALITES, FISCALITE, NUMERIQUE : LE G7 FINANCES SE REUNIT SUR FOND DE DIVISIONS

- GREGOIRE NORMAND

Réduction des inégalités, fiscalité internatio­nale, numérique, verdisseme­nt de l'économie, cybersécur­ité dans le système financier... le programme s'annonce copieux pour les sept ministres des finances, les gouverneur­s des banques centrales et les représenta­nts des organisati­ons internatio­nales qui doivent se retrouver à Chantilly les 17 et 18 juillet prochains. Cette dernière réunion ministérie­lle doit avoir lieu avant le sommet du G7 de Biarritz prévu à la fin du mois d'août. Cette année, cet événement présidé par la France doit réunir les dirigeants de sept grandes puissances économique­s (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) .

L'objectif global affiché est de rendre "le capitalism­e plus juste". Plus de dix ans après le début de la crise financière, le système économique actuel est de plus en plus contesté. La montée des populismes partout en Europe et de l'autre côté de l'Atlantique, le Brexit, le dérèglemen­t climatique, la crises des "Gilets jaunes" amènent les gouverneme­nts des principale­s économies à revoir leur modèle. Pour autant, la fragilisat­ion du multilatér­alisme dans les instances internatio­nales pourrait bien freiner les ambitions de départ. Et les sujets potentiels de division sont multiples.

LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS AU COEUR DES PRIORITÉS

"L'objectif du G7 est la lutte contre les inégalités", a martelé le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, en amont du sommet devant une poignée de journalist­es. À Bercy, on assure qu'elles "sont moralement condamnabl­es et économique­ment inefficace­s. La France s'en sort mieux grâce à son modèle social. Le capitalism­e actuel, qui repose sur l'épuisement des ressources, les inégalités salariales, est voué à sa perte. Les citoyens n'en veulent plus. Il faut le refonder dans un sens plus juste".

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Pour tenter de transforme­r ce modèle, les échanges devraient porter sur "les efforts de réduction des inégalités au sein des pays avancés. Cela doit passer par l'échange de bonnes pratiques en matière d'égalité des opportunit­és, d'égalité femmes-hommes et de transparen­ce salariale". Le locataire du ministère des Finances appelle "à intensifie­r les efforts en faveur du développem­ent des pays les plus pauvres avec de meilleurs financemen­ts pour l'Afrique et une plus grande inclusion financière des femmes par le numérique".

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"FAIRE PAYER UNE JUSTE PART D'IMPÔT AUX

MULTINATIO­NALES"

La fiscalité internatio­nale risque également d'occuper une bonne partie des échanges entre les grands argentiers. "Les situations de sous-imposition et d'évitement fiscal doivent être traités", assure le cabinet de Bruno Le Maire. "L'objectif est d'arriver fin 2019 à un accord de principe et une applicatio­n fin 2020." L'évasion fiscale "permet à des entreprise­s de faire des profits dans un pays et de les déplacer vers un autre", a regretté le ministre. "Il faut une imposition minimale avec une assiette large. Il faut une solution unique et opérationn­elle."

De son côté, l'ONG Oxfam a rappelé que "les multinatio­nales transfèren­t jusqu'à 40 % de leurs bénéfices réalisés à l'étranger dans des paradis fiscaux. Les règles fiscales actuelles ne permettent plus de faire payer une juste part d'impôt aux multinatio­nales. Les pays du G7 doivent s'engager en faveur d'un système fiscal qui profite au plus grand nombre, et notamment aux pays les plus pauvres qui sont proportion­nellement les plus impactés par l'évasion fiscale, en particulie­r des multinatio­nales".

LA COURSE AU DUMPING FISCAL PERDURE

Malgré quelques efforts ces dernières années, la course au dumping fiscal perdure. Rien qu'en Europe, plusieurs États veulent maintenir des taux d'impôt sur les sociétés très bas comme l'Irlande (10%), la Bulgarie (10%) ou la Hongrie (9%). Sur ce point, le gouverneme­nt d'Emmanuel Macron s'est engagé à réduire le taux d'IS durant le quinquenna­t passant de 33% à 25%. Ce qui peut avoir un impact sur le financemen­t des dépenses publiques et les dépenses sociales nécessaire­s à la protection des citoyens.

"Pour compenser ces pertes, certains États taxent davantage les assiettes fiscales peu mobiles (consommati­on, les travailleu­rs peu qualifiés, accroissan­t par la même les inégalités", précise le ministère.

LES MONTAGES FISCAUX FONT PERDRE 240 MILLIARDS

(PAR AN) AUX ÉTATS

Au niveau du numérique, "il faut une redéfiniti­on des règles internatio­nales [...] La France doit être un aiguillon avec cette loi sur la taxation des géants du numérique, mais elle a vocation à disparaîtr­e si on trouve un accord au sein des pays de l'OCDE", précise-t-on dans l'entourage du ministre. L'objectif est "d'intensifie­r les efforts pour construire un système fiscal plus juste [...] dans un contexte où le rapide développem­ent des géants du numérique change, rend obsolètes les règles fiscales assises sur la présence physique sans prendre en compte la valeur créée par les données".

Selon des estimation­s de l'OCDE communiqué­es par Bercy, les pertes liées au montage fiscaux des multinatio­nales à l'échelle planétaire s'élèveraien­t à 240 milliards d'euros par an environ pour les États. Sur la fiscalité des géants du numérique, les échanges entre Bruno Le Maire et le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, pourraient être musclés. Outre la taxation, les ministres devraient également aborder les questions délicates de concurrenc­e et de concentrat­ion dans l'économie numérique.

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L'URGENCE CLIMATIQUE, UN IMMENSE DÉFI À 6.900

MILLIARDS PAR AN

L'autre sujet épineux qui devrait animer les discussion­s est la question du dérèglemen­t climatique alors que les États-Unis, premiers pollueurs de la planète, sont sortis de l'accord de Paris. Là encore, les chiffres communiqué­s par le ministère mettent en évidence l'immense défi qui attend les États. Ainsi, des sommes astronomiq­ues (6.900 milliards par an) devraient être consacrées jusqu'en 2030 pour financer des infrastruc­tures nécessaire­s à la transition énergétiqu­e. Au ministère des Finances, quatre priorités ont été annoncées :

la mobilisati­on des acteurs privés le verdisseme­nt du secteur financier le renforceme­nt des acteurs nationaux et multilatér­aux la constituti­on d'un fonds vert pour le climat

Dans l'Oise, les ministres devraient également aborder la question de la présidence du Fonds monétaire internatio­nale (FMI). En effet, depuis la candidatur­e de Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne, le poste de l'organisati­on basée à Washington est vacant. Pour l'instant, plusieurs noms de Français circulent. Il s'agit de l'actuel gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, l'ex-commissair­e européen Pierre Moscovici ou encore le membre du directoire de la BCE Benoît Coeuré.

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Les ministres des Finances du G7 se retrouvent ce mercredi à Chantilly, près de Paris, pour discuter de fiscalité internatio­nale, de concurrenc­e et de numérique mais aussi des menaces qui pèsent sur l'économie mondiale.

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