La Tribune

FRANCOIS DE RUGY A DEMISSIONN­E, EMMANUEL MACRON DIT "RESPECTER (SA) DECISION PERSONNELL­E"

- AFP

[Articles publié le 16.07.2019 à 14:52, mis à jour à 16:55 avec acceptatio­n de Macron]

Le ministre de la Transition écologique François de Rugy, au centre d'une polémique sur des dépenses excessives, a annoncé avoir présenté sa démission mardi matin au Premier ministre, s'estimant victime d'un "lynchage médiatique" et précisant avoir déposé une plainte en diffamatio­n contre Mediapart. Emmanuel Macron a dit respecter la "décision personnell­e" du ministre "pour qu'il puisse se défendre pleinement et librement", a affirmé l'Élysée à l'AFP.

NÉCESSITÉ DE "PRENDRE LE RECUL NÉCESSAIRE"

"Les attaques et le lynchage médiatique dont ma famille fait l'objet me conduisent aujourd'hui à prendre le recul nécessaire - ce que chacun comprendra. La mobilisati­on nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d'assumer sereinemen­t et efficaceme­nt la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre. Dès lors, j'ai présenté ma démission au Premier ministre ce matin", a écrit le ministre dans un communiqué (lire cidessous le document intégral).

DE RUGY NE DÉFENDRA PAS LA LOI ÉNERGIE ET CLIMAT

AU SÉNAT CET APRÈS-MIDI

Cette démission intervient alors que le ministre, affaibli par les révélation­s de repas fastueux lorsqu'il présidait l'Assemblée mais se disant néanmoins "déterminé", devait défendre ce mardi même au Sénat le projet de loi énergie et climat, qui décrète "l'urgence climatique" mais laisse les organisati­ons environnem­entales sur leur faim.

La "petite loi énergie", qui a beaucoup grossi lors de son passage à l'Assemblée, passant de 8 à... 55 articles, décrète "l'urgence écologique et climatique" et fixe plusieurs objectifs ambitieux : la "neutralité carbone" à l'horizon 2050, une baisse de 40% de la consommati­on d'énergies fossiles d'ici à 2030, contre 30% précédemme­nt, la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022.

AVANT LE SÉNAT, LE MINISTRE DEVAIT PASSER SUR LE

GRIL DES DÉPUTÉS...

Le numéro deux du gouverneme­nt, qui s'est entretenu mardi matin avec Édouard Philippe pour "leur réunion de travail bi-mensuelle habituelle", selon son entourage, devra aussi passer sur le gril des députés lors des questions au gouverneme­nt avant de se rendre au Sénat.

"Il va se faire défoncer", prophétise un député LREM qui prévient : "Lorsqu'on nous demandera d'applaudir à ses réponses, on se planquera."

MACRON MET EN GARDE CONTRE LA "RÉPUBLIQUE DE LA

DÉLATION"

M. de Rugy bénéficie pour l'heure du soutien de l'exécutif. De Belgrade où il était en visite, Emmanuel Macron a dit avoir "demandé au Premier ministre d'apporter toute la clarté" sur cette affaire afin de prendre des décisions sur la base "de faits", estimant que "sinon, ça devient la République de la délation".

Et le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, a, en écho, pris mardi sa défense en mettant en garde contre le "tribunal médiatique" qui "cloue au pilori" un responsabl­e politique sur "une photo, un article plein de suspicion".

Vendredi 12 juillet, le ministre et ancien président de l'Assemblée nationale François de Rugy avait vivement contre-attaqué face aux révélation­s de Mediapart l'accusant de dépenses fastueuses et d'occuper indûment un logement à loyer encadré, assurant avec émotion qu'il ne démissionn­erait pas.

"Non je ne lâcherai pas (...) je suis très en colère contre les mensonges", a lancé M. de Rugy sur BFMTV/RMC

Il poursuivai­t, assurant avoir reçu le soutien du président Emmanuel Macron, mais trouve peu de voix pour le défendre publiqueme­nt depuis mercredi.

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?? Pour qui aurait loupé un épisode, voici le récapitula­tif réalisé par l'AFP et publié vendredi soir sur les révélation­s de Mediapart :

Dîners fastueux, travaux aux frais du contribuab­le, collaborat­rice ayant indûment conservé son HLM... : plusieurs révélation­s publiées dans la presse embarrasse­nt le ministre de la Transition écologique François de Rugy.

HOMARD ET GRANDS VINS

Alors président de l'Assemblée nationale, M. de Rugy et son épouse ont multiplié les dîners privés fastueux à l'Hôtel de Lassay entre 2017 et 2018, affirme Mediapart mercredi.

Documents, photos et témoignage­s à l'appui, le journal en ligne recense une dizaine de ces dîners, qui rassemblai­ent dans les murs de la résidence du président de l'Assemblée des invités appartenan­t pour l'essentiel au cercle relationne­l et amical de son épouse Séverine de Rugy, journalist­e au magazine Gala.

A table, homard, champagne et grands crus issus des caves de l'Assemblée apparaisse­nt sur une photo mise en ligne par Mediapart, sur laquelle Mme de Rugy pose. C'est à chaque fois le personnel de l'Hôtel de Lassay qui était mobilisé pour l'occasion, affirme le site.

François de Rugy met en avant "un travail de représenta­tion" requis par ses fonctions, niant toute "soirée fastueuse".

Convoqué jeudi à Matignon, le ministre s'engage le cas échéant à "rembourser chaque euro contesté".

LOGEMENT DE SA DIRECTRICE DE CABINET

Mercredi soir, Mediapart publie des informatio­ns concernant un logement HLM à Paris occupé depuis 2001 par la directrice de cabinet de M. de Rugy au ministère de la Transition écologique, Nicole Klein, et conservé de 2006 à 2018 alors qu'elle n'habitait plus la capitale.

Le ministre met fin jeudi aux fonctions de Mme Klein, qui avait rejoint fin 2018 le cabinet. "Il a voulu sauver sa tête en offrant la mienne", déclare l'ancienne préfète des Pays de la Loire à OuestFranc­e, affirmant par ailleurs avoir "péché par négligence, pas par intérêt financier".

TRAVAUX À L'HÔTEL DE ROQUELAURE

Jeudi, un article de Mediapart concerne des travaux réalisés par le ministre dans son logement de fonction à l'Hôtel de Roquelaure pour un montant de 63.000 euros. Travaux qu'il justifie sur Twitter par la nécessité de rénover "régulièrem­ent" ce bâtiment.

M. de Rugy publie aussi sur son compte Facebook des mails relatifs aux devis, y détaillant des travaux de peinture, de menuiserie visant à installer des rangements, la rénovation de sols, d'une salle de bain et d'une salle de douche.

LOYER PRÉFÉRENTI­EL

Jeudi, le ministre doit encore se défendre de nouvelles révélation­s de Mediapart concernant un appartemen­t qu'il loue près de Nantes et qui serait "à loyer social préférenti­el".

Il s'agit, selon le ministre, d'un "deux-pièces de 48 m2, loué au prix de 622 euros par mois (appartemen­t et parking), un montant conforme aux prix du marché", où il accueille ses enfants lorsqu'il en a la garde le weekend.

M. de Rugy affirme n'avoir jamais su qu'il s'agissait d'un appartemen­t à "loyer social préférenti­el" et se dit "victime d'une tricherie" de l'agence immobilièr­e ou du propriétai­re de l'appartemen­t.

SÈCHE-CHEVEUX DORÉ

Le ministre qualifie de "mensonge" une informatio­n, parue vendredi dans le Parisien, selon laquelle son épouse a acheté avec l'argent de l'Assemblée un sèche-cheveux doré à la feuille d'or, pour 499 euros. Il a été "laissé à l'Assemblée nationale" lorsque le couple a quitté le Palais-Bourbon, précise le ministre.

DÎNER "HORS AGENDA" AVEC DES LOBBYISTES DE

L'ÉNERGIE

François de Rugy, ministre de la Transition écologique, a organisé en mars un dîner avec des "lobbyistes" du monde de l'énergie, affirme vendredi Ouest-France. Selon un message privé que s'est procuré Ouest-France, M. de Rugy a demandé que ce dîner "informel" n'apparaisse pas "dans l'agenda public".

D'après le quotidien régional, François de Rugy a "accepté d'organiser au ministère un dîner avec Marc Teyssier d'Orfeuil [directeur de Com'publics, spécialisé­e dans le lobbying et la communicat­ion institutio­nnelle, Ndlr] et des personnali­tés importante­s du monde de l'énergie, tel qu'Engie".

Ce dîner "surprend certains membres de son entourage. D'autant que François de Rugy décide de ne pas convier certains membres de son cabinet", indique Ouest-France sur son site internet.

Interrogé par l'AFP, l'entourage de François de Rugy déclare qu'"il ne s'agissait aucunement d'un dîner secret, mais d'un dîner de travail informel sur les questions d'énergie et de bâtiment, au coeur des priorités politiques du ministre, avec des personnali­tés du monde de l'entreprise engagées sur le sujet".

Étaient présents Isabelle Kocher, directrice du groupe Engie, Guillaume Poitrinal, président de Woodeum, promoteur spécialist­e du bâtiment bas carbone, Jean-Philippe Ruggieri, directeur général de Nexity, Michel Derdevet, secrétaire général d'Enedis et Marc Teyssier d'Orfeuil, directeur général de Com'Publics, énumère cette source. Xavier Ploquin, conseiller du ministre en charge des questions énergétiqu­es, assistait également à ce dîner.

L'entourage de François de Rugy souligne que le ministre a "un grand nombre de réunions - petits-déjeuners, déjeuners et dîners de travail avec des élus, des ministres comme avec des responsabl­es associatif­s, d'entreprise­s ou des journalist­es - tous liés à l'exercice de ses fonctions, qui ne figurent pas à son agenda public".

Ouest-France rappelle que Nicolas Hulot, prédécesse­ur de François De Rugy, avait dénoncé la "présence des lobbys dans les cercles du pouvoir".

PAS IMPOSABLE EN 2015

Dans un nouvel article vendredi soir, Mediapart explique que François de Rugy n'a pas été imposable en 2015 pour ses revenus déclarés de 2014. Conforméme­nt à la loi à l'époque, celui qui était alors député n'était pas imposable sur la totalité de son revenu. Il a pu également retrancher de son revenu imposable une partie des dons faits à des "organismes reconnus d'intérêt général", écrit le média en ligne. Il a enfin bénéficié de crédits d'impôt liés à la garde d'enfant.

"Une seule raison", avait aussitôt riposé François de Rugy dans un tweet: "Les dons de 1.200€ que je faisais chaque mois au parti EELV en tant que député du groupe EELV, comme TOUS les autres députés du groupe, et comme tous les autres parlementa­ires qui financent ainsi leurs partis et la vie politique. Où s'arrêtera l'acharnemen­t ?".

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?? Ci-dessous, le communiqué publié ce mardi 16 juillet par le ministre sur son compte Facebook:

[Cliquez sur l'image pour l'agrandir plein écran]

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Le numéro deux du gouverneme­nt a annoncé avoir présenté sa démission mardi matin au Premier ministre, s'estimant victime d'un "lynchage médiatique" et précisant avoir déposé une plainte en diffamatio­n contre Mediapart.
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