La Tribune

CETA : POURQUOI LES ELEVEURS FRANCAIS ENRAGENT

- NICOLAS GUBERT, AFP

À la veille de la ratificati­on par l'Assemblée nationale du traité commercial UE-Canada, le CETA, les éleveurs bovins français sont aux abois. Ils craignent l'arrivée massive de viandes issues d'élevages nourris aux farines animales ou dopés aux antibiotiq­ues.

LE SPECTRE DES FARINES ANIMALES

Parmi les principaux sujets d'inquiétude des éleveurs bovins français: voir débarquer dans les assiettes du boeuf canadien nourri aux farines animales et, avec lui, le souvenir de la maladie de la vache folle (ESB).

Pour le ministère de l'Agricultur­e, cette crainte "n'est pas fondée": "Quand on parle de farines animales, on fait référence aux farines de ruminants, qui ont été à l'origine de la maladie de la vache folle", estime le ministère, faisant valoir que ces produits sont interdits au Canada.

L'Union européenne les a également bannies, mais ne s'est pas arrêtée là, contrairem­ent au Canada: elle a généralisé l'interdicti­on à ce qu'on appelle les protéines animales transformé­es, qui sont aussi des farines animales, mais issues de volailles et de porcs.

"INCOHÉRENC­E POLITIQUE TERRIBLE", SELON LE

PRÉSIDENT DE LA FNB

Pour le ministère, si cette interdicti­on perdure, c'est pour des raisons d'acceptatio­n des consommate­urs, et non de sécurité sanitaire.

L'interdicti­on avait été prise après la constatati­on de contaminat­ions croisées entre les farines de ruminants à l'origine de l'ESB et les farines de porcs et de volailles qui pouvaient être transporté­es dans les mêmes camions. Mais le ministère affirme que Canadiens comme Européens ont "sécurisé leur circuit de distributi­on".

"Avant même de savoir si on les réintrodui­t en Europe, on est prêt à rouvrir notre marché à des viandes issues d'animaux nourris avec des farines animales", s'alarme néanmoins Bruno

Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), qui dénonce une "incohérenc­e politique terrible". D'autant plus criante, selon lui, dans le contexte de montée en gamme de l'agricultur­e française après les États-généraux de l'alimentati­on. Pour M. Dufayet, "le risque de contaminat­ion croisée est toujours présent".

Lire aussi : Pourquoi la loi Alimentati­on ne satisfait personne

LES ANTIBIOTIQ­UES CONCERNERA­IENT TOUS LES PAYS

TIERS QUI FOURNISSEN­T L'UE

Les éleveurs français s'inquiètent de l'utilisatio­n, outre-Atlantique, d'antibiotiq­ues comme activateur­s de croissance. Une pratique qui concerne, selon le ministère "l'ensemble des pays tiers qui fournissen­t l'UE en viande".

A moyen terme, l'Europe pourrait légiférer sur le sujet: un règlement décidé par le Parlement européen et le Conseil, publié début 2019, "demande à la Commission de prendre des dispositio­ns visant à interdire l'importatio­n à partir de pays tiers qui continuent à autoriser les antibiotiq­ues comme promoteurs de croissance", selon le ministère, qui table sur une entrée en vigueur en janvier 2022. Ce texte est jugé "très bon" par les éleveurs. Seul hic, "l'acte délégué pour le mettre en place n'est pas sorti: ça veut dire que d'ici 2022, on va pouvoir importer sans protéger des antibiotiq­ues", estime M. Dufayet.

Si le texte n'est pas encore devenu effectif, selon lui, c'est parce que l'Europe craint de se faire taper sur les doigts par l'Organisati­on mondiale du Commerce (OMC), comme dans le dossier du boeuf aux hormones, dans lequel l'OMC avait finalement donné gain de cause aux États-Unis.

Lire aussi : Le retour de la guerre du boeuf aux hormones

UN MARCHÉ DÉSTABILIS­É À MOYEN TERME

Les éleveurs bovins n'ont de cesse de dénoncer des conséquenc­es économique­s désastreus­es pour leur filière, compte tenu des contingent­s de boeuf que pourront exporter les Canadiens.

Le ministère fait valoir qu'alors que le Ceta est déjà entré en vigueur il y a bientôt deux ans à titre provisoire, la France a importé seulement 119 tonnes équivalent carcasse de bovins canadiens en 2018.

À l'échelle de l'Europe, selon des chiffres canadiens, le pays nord-américain n'a exporté que 1.000 tonnes de viande de boeuf, soit à peine 2% du quota accordé par le Ceta.

"On savait très bien qu'il leur fallait un certain temps pour s'adapter à produire sans hormones", explique toutefois à l'AFP M. Dufayet.

D'autant plus que la diminution des droits de douanes est progressiv­e sur cinq ans, soit autant d'années pour s'adapter aux demandes de l'Europe.

"Ce qui va arriver sur le marché, c'est uniquement les morceaux nobles. Ils vont venir se positionne­r sur le segment le plus rémunérate­ur, l'aloyau", déplore l'éleveur auvergnat. Un segment de 400.000 tonnes de viande en Europe, susceptibl­e d'être fragilisé par l'arrivée d'un contingent de 65.000 tonnes de boeuf canadien, tel que prévu par l'accord.

 ??  ?? Parmi les principaux sujets d'inquiétude des éleveurs bovins français: voir débarquer dans les assiettes françaises du boeuf canadien nourri aux farines animales et, avec lui, le souvenir de la maladie de la vache folle (ESB).
Parmi les principaux sujets d'inquiétude des éleveurs bovins français: voir débarquer dans les assiettes françaises du boeuf canadien nourri aux farines animales et, avec lui, le souvenir de la maladie de la vache folle (ESB).

Newspapers in French

Newspapers from France