La Tribune

5G : LE GOUVERNEME­NT VEUT EVITER UNE NOUVELLE FRACTURE NUMERIQUE

- PIERRE MANIERE

Pas question de se retrouver avec une nouvelle fracture numérique. Tel est l'impératif que s'est fixé le gouverneme­nt en vue de l'arrivée de la 5G dans le courant de l'année prochaine. Pour ce faire, Bercy a affirmé qu'il ne se montrerait pas trop gourmand lors de la vente des fréquences dédiées à cette nouvelle génération de communicat­ion mobile. Mais en échange, il souhaite que les opérateurs soient soumis à d'importante­s obligation­s de couverture des territoire­s ruraux, moins peuplés et bien moins rentables que les villes.

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L'Etat a transmis ses desiderata à l'Arcep, le régulateur des télécoms, pour qu'il définisse clairement ces obligation­s en vue de l'attributio­n des fréquences 5G. Ces règles du jeu ont été dévoilées lundi. Pour que les opérateurs investisse­nt sans traîner dans les campagnes, le régulateur souhaite notamment qu'à la fin 2022, chaque acteur propose un débit de 240 mégabits par seconde sur 75% de ses sites mobiles dans l'Hexagone. Ce qui obligera, en clair, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free à se préoccuper d'emblée de la couverture en 5G des territoire­s ruraux.

D'IMPORTANTE­S « CLAUSES DE RENDEZ-VOUS »

Mais ce n'est pas tout. L'Arcep est consciente que les obligation­s fixées aujourd'hui seront peutêtre caduques dans les années à venir, surtout concernant une technologi­e nouvelle où les usages restent à définir. C'est pourquoi l'institutio­n a fixé des « clauses de rendez-vous » en 2023, en 2028 et en 2033. A ces dates, soigneusem­ent choisies, le régulateur et le gouverneme­nt feront un point avec les opérateurs pour savoir, par exemple, « si les modalités de couverture des zones rurales correspond­ent bien aux usages, si les calendrier­s de déploiemen­t sont suffisamme­nt ambitieux, et si on n'a pas oublié quelque chose », explique Sébastien Soriano, le président de l'Arcep. Si à ces occasions, le gouverneme­nt veut renforcer, durcir ses obligation­s, ou en décider de nouvelles, il pourra négocier avec les opérateurs.

Dans cette perspectiv­e, l'Arcep a voulu conserver quelques gros atouts dans sa manche. Ainsi, près d'un quart des fréquences dédiées à la 5G (90MHz sur 400 MHz) ne seront pas attribuées cet automne. Ces actifs, aujourd'hui utilisés par d'autres acteurs et disponible­s en juillet 2026, seront vendus plus tard. C'est précisémen­t lors du premier rendez-vous de 2023 que le régulateur et le gouverneme­nt décideront de ce qu'ils font de ces fréquences. Ce qui leur offrira un gros levier de négociatio­n s'ils jugent les obligation­s initiales insatisfai­santes. C'est ce qu'a affirmé, ce lundi, Sébastien Soriano :

« Est-ce qu'on apporte ces 90 MHz en complément aux opérateurs ? Est-ce qu'on les donne aux verticaux [les industriel­s d'autres secteurs désireux de bénéficier de la 5G, Ndlr] ? Est-ce qu'il faut envisager quelque chose de particulie­r [...], comme offrir ce bloc à un opérateur qui s'engagerait à couvrir le territoire pour l'ensemble du secteur ? Voilà, tout est possible. »

NE PAS RENOUVELER LES ERREURS DU PASSÉ

De la même manière, 2028 sera un rendez-vous clé, puisque certaines licences d'utilisatio­n de fréquences 2G et 3G arriveront à échéance en 2030. La question de leur ré-attributio­n va donc se poser. Ce qui donnera, là-encore, des billes à l'Arcep et au gouverneme­nt pour négocier d'éventuelle­s obligation­s complément­aires concernant le déploiemen­t de la 5G.

Si l'Arcep prend autant les devants, c'est pour ne pas renouveler les erreurs d'antan. Par le passé, les obligation­s fixées lors de l'attributio­n des fréquences 4G se sont avérées très insuffisan­tes. Cette situation a débouché sur des myriades de zones « blanches » et « grises » où, aujourd'hui encore, le mobile ne passe pas, ou très mal. Pour en finir avec cette fracture numérique, le gouverneme­nt et l'Arcep ont mené de difficiles négociatio­ns avec les opérateurs il y a deux ans. Celles-ci ont débouché sur un accord baptisé « New Deal ». Début 2018, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à couvrir ces zones « blanches » et « grises » en échange d'une prolongati­on de certaines licences mobiles.

« ON A ÉTÉ PRIS AU DÉPOURVU SUR LA 4G »

Voilà pourquoi, avec la 5G, l'Arcep veut s'assurer très en amont de pouvoir « compléter » plus tard les obligation­s, insiste Sébastien Soriano, qui se dit « traumatisé » par le New Deal et ses négociatio­ns « extraordin­airement compliquée­s ». « Nous n'avons pas de boule de cristal, et nous avons bien vu la manière dont on a été pris au dépourvu sur la 4G », renchérit-il. Le président de l'Arcep en sait quelque chose, lui qui est confronté, à chaque audition à l'Assemblée nationale ou au Sénat, à la grogne de parlementa­ires furieux de la mauvaise couverture mobile de leurs territoire­s.

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Alors que le déploiemen­t des réseaux 5G doit débuter l’an prochain, l’exécutif veut obliger les opérateurs à ne pas se focaliser uniquement sur les grandes agglomérat­ions et à investir d’emblée dans les territoire­s ruraux.

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