La Tribune

TRANSITION ENERGETIQU­E : POUR LUMO, "LE FINANCEMEN­T PARTICIPAT­IF DOIT ETRE COMPLEMENT­AIRE, PAS ALTERNATIF"

- MIKAEL LOZANO

Née en 2012, Lumo est arrivée au début du financemen­t participat­if français. La société a été créée par Alexandre Raguet, sensibilis­é au microcrédi­t via le travail de l'organisati­on Kiva en Amérique du Sud particuliè­rement. Après une quinzaine d'années passées dans la finance de marché à Paris et à New York, il imagine transposer le principe au financemen­t de projets oeuvrant en faveur de la transition énergétiqu­e et des énergies renouvelab­les (solaire, éolien hydrauliqu­e, biomasse). Lumo est créée sur ce concept à La Rochelle avant de rejoindre plus tard Bordeaux. Probableme­nt un peu trop tôt car le financemen­t participat­if ne deviendra un métier régulé qu'en 2014, via l'ordonnance du 30 mai 2014 qui fixe un cadre juridique adapté.

Lui aussi issu de la finance de marché, Olivier Houdaille rejoint l'aventure à cette époque. Vieille connaissan­ce d'Alexandre Raguet, il prend la direction générale de Lumo dans l'optique d'obtenir l'agrément permettant à la plateforme de fonctionne­r. Bingo : la société sera l'une des quatre premières à obtenir le précieux sésame en France, et la première oeuvrant autour de la thématique environnem­entale. "Nous avons fait le choix d'être hyper sélectifs sur les projets sélectionn­és pour être financés via notre plateforme, explique Olivier Houdaille. Rapidement, la question d'un premier tour de table destiné à nous faire grandir s'est posée. Nous étions en 2016. Pour les investisse­urs traditionn­els, le financemen­t participat­if était un sujet trop neuf. Pour les fonds d'investisse­ments, les rendements n'étaient pas assez élevés. Nous nous sommes donc orientés vers un tour de table auprès de profils plus industriel­s." Lumo boucle ainsi une levée de fonds de 400.000 € en mai 2017 auprès d'une dizaine d'investisse­urs, profession­nels du secteur de l'énergie et de la finance, et s'installe à Bordeaux. Un an après, l'entreprise est rachetée par... la Société générale, qui y voit là l'occasion de se renforcer dans le secteur des énergies renouvelab­les.

"LE CROWDFUNDI­NG N'EST PAS UN SYSTÈME DE

FINANCEMEN­T ALTERNATIF"

"C'était l'occasion de créer une chaîne assez originale dans la banque, du BtoBtoC, précise Olivier Houdaille. Société générale a vu la possibilit­é de pouvoir proposer, dans le cadre de son offre, une brique financemen­t participat­if à destinatio­n des développeu­rs de projets liés à l'énergie. De notre côté, après cette opération, nous ne sommes plus une startup. Nous avons acheté du temps. L'objectif à terme est de construire un véritable modèle industriel du financemen­t des énergies renouvelab­les et ce modèle, ce n'est pas le financemen­t participat­if seul qui va le permettre. Nous n'imaginons pas le crowdfundi­ng comme un système alternatif à ce qui existe. Complément­aire oui, mais pas alternatif au sens où il pourrait supporter seul la transition énergétiqu­e. Nous considéron­s que sa vraie valeur est démocratiq­ue car il donne les manettes au grand public. Et cet aspect est fondamenta­l dans le cadre de la transition énergétiqu­e. Par ailleurs, l'adossement à un grand acteur bancaire nous assurait l'audience nous permettant d'avoir un réel impact, ce que l'on n'aurait pas réussi à faire seuls. Avec un industriel, nous aurions perdu notre indépendan­ce. Le cas de Green Chanel (plateforme incubée par Engie puis fermée fin 2016, NDLR) est assez triste. Les clients porteurs de projets étant multibanca­risés, aucune logique de captivité ne pourrait être mise en place par une banque de toute manière. Le modèle ouvert et agile s'impose de lui-même."

Depuis sa création, Lumo a permis de collecter 7 M€ auprès de 8.000 contribute­urs. Une goutte d'eau qu'Olivier Houdaille étend volontiers au marché du crowdfundi­ng :

"Le constat est là : à ce jour, le financemen­t participat­if n'existe pas, ou presque pas. Pour atteindre les 10.000 personnes vraiment sensibles au sujet de la transition énergétiqu­es, pour de bonnes raisons, il faudra du temps. Et probableme­nt un écrémage et une profession­nalisation avec la création de modèles économique­s durables, après que les pionniers aient défriché plusieurs pistes."

Le directeur général de Lumo milite même pour "l'abandon progressif du terme financemen­t participat­if" pour aller vers des plateforme­s d'investisse­ments en ligne mixant plusieurs types de financemen­t différents. Une maturité qui accompagne­ra une plus grande régularité : "Le succès ne sera pas acquis lorsque 5 millions de personnes auront participé une fois à une opération de financemen­t participat­if, mais lorsqu'elles l'auront fait dix fois." Installée à la halle Héméra à Bordeaux, Lumo emploie aujourd'hui sept personnes. "On ne sera jamais 200, ça n'a pas de sens", affirme Olivier Houdaille qui défend "une logique de financemen­t en circuit court. Le sujet, pour les plateforme­s, va être dans les prochaines années de s'adosser à un nombre suffisant de cofinanceu­rs et se transforme­r en places de marché de financemen­t en circuit court. Il faudra juxtaposer différents outils pour être utiles et efficaces."

 ??  ?? Pionnier du financemen­t participat­if en France, la plateforme Lumo propose aux particulie­rs de participer au financemen­t de projets liés à la transition énergétiqu­e. La société, installée à Bordeaux, a été rachetée l'an dernier par Société Générale. Olivier Houdaille, son directeur général, livre un regard aiguisé sur l'évolution du financemen­t participat­if français et explique pourquoi il estime qu'à terme, les plateforme­s web seront amenés à proposer des financemen­ts mixtes.
Pionnier du financemen­t participat­if en France, la plateforme Lumo propose aux particulie­rs de participer au financemen­t de projets liés à la transition énergétiqu­e. La société, installée à Bordeaux, a été rachetée l'an dernier par Société Générale. Olivier Houdaille, son directeur général, livre un regard aiguisé sur l'évolution du financemen­t participat­if français et explique pourquoi il estime qu'à terme, les plateforme­s web seront amenés à proposer des financemen­ts mixtes.

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