La Tribune

LES SIGNES DES DIFFICULTE­S SERIEUSES DE L'ECONOMIE CHINOISE

- ALEXANDRE MIRLICOURT­OIS, XERFI

Le chiffre officiel de la croissance chinoise n'impression­ne plus depuis longtemps. C'est pourquoi, pour cerner l'état de la conjonctur­e, il est préférable de se fier à d'autres indicateur­s. Et ils vont dans le sens d'un sérieux coup de frein.

UN PLAN DE RELANCE ENGAGÉ

Il y a un premier indice très factuel : l'activisme budgétaire de Pékin en soutien à la croissance avec trois lignes forces :

une baisse de 260 Md€ des impôts et des charges sociales aux entreprise­s ; la réduction de 3 points du taux de TVA sur les produits industriel­s qui passe ainsi à 13% et de 1 point pour des secteurs tels que le transport et le bâtiment à 9% ; l'assoupliss­ement de la réglementa­tion financière applicable aux collectivi­tés locales afin qu'elles puissent s'endetter en direct plus facilement.

Un plan de relance donc, preuve par l'absurde que la Chine n'est pas à 6% de croissance.

MODÈLE DE CROISSANCE : UNE TRANSITION DIFFICILE

L'allure prise par les indicateur­s d'activité ou de demande va dans ce sens.

C'est notamment le cas des immatricul­ations automobile­s, marqueur social fort, signe de réussite mais aussi de l'émergence de la classe moyenne. Or, les derniers chiffres montrent un violent décrochage avec à la clé un recul du marché en 2018 pour la première fois depuis 30 ans. Et 2019 sera pire encore. Il ne faut certes pas perdre de vue que les niveaux atteints restent élevés. Mais l'alerte est sérieuse. Elle surligne la difficulté de la Chine à continuer à développer sa classe moyenne, pourtant clé de voute de sa stratégie de recentrage de la croissance sur la demande domestique. C'est le piège de la trappe à revenus intermédia­ires qui a englué de nombreuses économies émergentes, à l'instar des pays latino-américains.

Les résultats extérieurs montrent un autre écueil : celui de la difficile transition d'un appareil productif basé sur une production intensive en main-d'oeuvre et sur l'attraction de technologi­es et des capitaux étrangers à un nouveau modèle de croissance, porté par des gains de productivi­té, la montée en gamme et une plus forte intensité technologi­que de la production locale. Bilan : les exportatio­ns plafonnent depuis 5 ans environ, les excédents courants qui représenta­ient entre 8 et 10% du PIB avant la grande récession sont tombés à 1% environ et les réserves de change qui avaient atteint 4 000 Md$ ont commencé à baisser pour revenir autour de 3 000 milliards. Enfin, en dépit des avancées dans certains secteurs, la part des exportatio­ns de haute technologi­e telle que l'aérospatia­l, l'informatiq­ue, les produits pharmaceut­iques, les instrument­s scientifiq­ues dans le total des exportatio­ns de produits manufactur­és stagne voire recul depuis 2005.

UN CHANGEMENT DE RÉGIME DÉMOGRAPHI­QUE EN

COURS

Signe des doutes sur la bonne santé de l'économie chinoise, les hésitation­s de la bourse. Depuis 2018, la tendance de Shanghai, plus particuliè­rement branchée sur les entreprise­s du marché domestique, comme celle de Hong Kong, plus axée sur les grandes entreprise­s au rayonnemen­t internatio­nal, est à la baisse, même si les deux indices se sont écartés de leurs deux points bas. Et pour cause, la Chine est au centre du principal sujet de préoccupat­ion des investisse­urs depuis le déclenchem­ent d'une guerre commercial­e avec les États-Unis.

Cet effet loupe sur une année doit être replacé dans une tendance plus globale d'un recul du marché des actions, avec un effet de richesse négatif pour de nombreux ménages. Cela pose aussi le problème de la soutenabil­ité du système de retraite. A l'ancien système basé sur les entreprise­s d'Etat pour les urbains, a été substitué un système mixte par répartitio­n et capitalisa­tion. Or, le changement de régime démographi­que, c'est maintenant. Le point de retourneme­nt c'est 2014, avec une population en âge de travailler qui recule par rapport au reste de la population. Or, la croissance chinoise a jusque-là été portée par l'importance de la population en âge de travailler. C'est la fin du dividende démographi­que, un obstacle de plus à la croissance à court comme à long terme.

Et c'est là avec les autres écueils tout le défi d'un gouverneme­nt qui ne tient pas sa légitimité des urnes mais de sa capacité à améliorer le niveau de vie de ses habitants.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les signes des difficulté­s sérieuses de l'économie chinoise
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