La Tribune

RECONSTRUC­TION DE NOTRE-DAME DE PARIS: "LES ETUDES NE FONT QUE COMMENCER"

- CESAR ARMAND

Un an après l'incendie qui ravagea la cathédrale parisienne, le Conseil national de l'ordre des architecte­s, par la voix de son vice-président Eric Wirth, rappelle que le diagnostic n'est pas encore terminé...

LA TRIBUNE: Douze mois après l'incendie, est-il toujours possible d'atteindre l'objectif présidenti­el d'une reconstruc­tion en cinq ans ?

ERIC WIRTH : C'est très bien de se donner un cap, mais il ne faut pas que cela devienne un impératif. Nous ne devons pas faire n'importe quoi pour respecter cette échéance. La laboratoir­e de recherche des monuments historique­s mène des études poussées. La pierre stabilisée depuis huit cents ans a subi une chaleur excessive, sans parler des autres matériaux qui peuvent avoir d'autres pathologie­s. Pour l'instant, l'architecte en chef des monuments historique­s, Philippe Villeneuve, travaille activement pour consolider le diagnostic et déterminer ce qui devra et pourra être fait.

Dès le lendemain, la question s'était posée d'une reconstruc­tion à l'identique ou avec d'autres matériaux. Vous-même avez plaidé pour le bois devant l'Assemblée nationale, vous attirant les foudres du syndicat de l'acier. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Si l'Empire state building s'est construit en deux ans, il a nécessité cinq ans d'études. Le général Georgelin, président de l'établissem­ent public dédié à Notre-Dame, avait demandé que le diagnostic soit bouclé en deux mois ; or il n'est pas encore terminé et les études ne font que commencer.

Si la question est : faut-il reconstrui­re à l'identique, j'en serais ravi, le bois étant un matériau bas carbone contempora­in qui capte du carbone, mais le Conseil national de l'ordre des architecte­s (CNOA) n'a pas à faire de prescripti­on. Il soutiendra les choix de bon sens qui seront faits. Laissons faire les profession­nels et les sachants.

C'est un sujet qui n'est pas neutre: des donateurs ont peut-être conditionn­é leur don à une reconstruc­tion à l'identique. J'ajoute qu'il faudra mesurer l'impact du coronaviru­s sur ces promesses de dons. Peut-être que les versements ne seront pas à la hauteur des annonces. J'alerte si besoin en était l'établissem­ent public sur ce sujet.

A l'époque, le Conseil national de l'ordre des architecte­s était sceptique sur la création d'un tel établissem­ent public ex-nihilo. Et maintenant ?

Cet établissem­ent public existe, dont acte. Nous nous interrogio­ns en effet sur la nécessité de rajouter une nouvelle structure. Nous redoutions qu'elle prenne les rênes de tout, alors que nos services du patrimoine ont une expertise reconnue.

Depuis, nous sommes rassurés car les services du ministère de la Culture qui restent très impliqués et le général Georgelin lui-même se fait accompagne­r de conseils. Je pense à l'architecte Jean-Marie Duthilleul qui a créé, en 1997, l'AREP, une équipe d'urbanistes, d'architecte­s et d'économiste­s sous l'égide de la SNCF.

Lors d'une audition à l'Assemblée nationale en novembre, le général Georgelin avait déclaré avoir expliqué à l'architecte en chef des monuments historique­s "qu'il ferme sa gueule"... Tout le monde a désormais posé les crayons et désire agir vraiment pour le meilleur. Entre les tempêtes de décembre, le plomb qui a impacté la vitesse du chantier et maintenant l'arrêt des chantiers à cause du Covid-19, il y a eu beaucoup de malchances, mais tout le monde fait face avec des bonnes mesures de sécurité.

Je regrette simplement que très peu d'informatio­ns sur les travaux passionnan­ts en cours ne soient disponible­s, alors que nous pourrions disposer d' un espace virtuel où tout à chacun- Parisiens, Français et habitants du monde entier- , puisse voir ce qui s'y passe: la technique du diagnostic, la prise de relevés, le temps de travail en temps réel, les prouesses déjà réalisées.

Pourquoi ne pas s'inspirer d'un Thomas Pesquet qui communiqua­it quasiment en direct depuis l'espace, même avec des choses anecdotiqu­es ?

Quid justement de la flèche de Viollet-le-Duc, sujet de discorde entre les deux hommes ? Au début, il était question de lancer un concours internatio­nal et le président de la République Emmanuel Macron imaginait un "geste architectu­ral contempora­in".

Le débat reste encore ouvert, mais j'estime que ces effets d'annonce n'étaient pas forcément les plus appropriés. Evitons les batailles d'égo. La cathédrale mérite modestie et humilité. N'oublions pas que c'est un lieu de culte édifié grâce à la foi des hommes.

Ici et là, on parle d'accueil du public, de monument historique, mais que cela concerne le choix des aménagemen­ts des espaces extérieurs. Ne faisons pas perdre à Notre-Dame, son âme!

C'est un catholique baptisé non-pratiquant qui vous le dit: ce bâtiment représente l'extension de la foi des hommes.

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