La Tribune

BOUYGUES TELECOM S'ATTAQUE AU PRIX D'ACCES AU RESEAU DE FIBRE DE SFR

- PIERRE MANIERE

L’opérateur de Martin Bouygues a déposé une demande de règlement de différend au régulateur des télécoms.

La manoeuvre a irrité l'état-major de Bouygues Telecom. SFR a récemment décidé d'augmenter ses tarifs permettant aux autres opérateurs d'accéder ses réseaux de fibre dans les territoire­s moyennemen­t denses. Ces derniers regroupent, pour l'essentiel, les villes moyennes et les périphérie­s des grandes agglomérat­ions. Dans le cadre du plan France Très haut débit, qui vise à offrir un Internet fixe ultra-rapide à tous les Français d'ici à 2022, l'opérateur au carré rouge s'est engagé à couvrir environ 20% de ces plus de 13 millions de locaux et habitation­s en fibre, contre 80% pour Orange. L'opérateur au carré rouge, comme l'opérateur historique, ont toutefois l'obligation d'ouvrir ces réseaux aux autres opérateurs, à « prix raisonnabl­e » au regard de l'Arcep, le régulateur des télécoms.

Problème : aux yeux de Bouygues Telecom, comme d'autres opérateurs, les tarifs pratiqués par SFR n'ont plus rien de « raisonnabl­es ». Ils sont jugés prohibitif­s. Au point que, selon nos informatio­ns, l'opérateur de Martin Bouygues a formelleme­nt déposé, il y a plus de deux mois, une demande de règlement de différend à l'Arcep. Dans le détail, Bouygues Telecom est furieux des récentes augmentati­ons tarifaires de son rival. Au 1er février, son tarif dit de « cofinancem­ent » dont bénéficien­t les opérateurs ont décidé de coinvestir avec SFR, par tranches de 5% de son périmètre en zone moyennemen­t dense - est passé de 5,32 à 5,80 euros mensuels par ligne. En parallèle, le prix de location d'une ligne à l'unité a grimpé de 16,40 à 16,73 euros par mois.

« PASSAGER CLANDESTIN »

Avant son augmentati­on tarifaire, SFR était déjà plus cher qu'Orange, qui facture la location de la ligne à 13,20 euros en zone moyennemen­t dense. Certaines jugent les prix de l'opérateur au carré rouge d'autant moins justifiés que se raccorder à son réseau s'avère, pour des raisons techniques, plus coûteux que chez Orange. Ils arguent que la stratégie de SFR vise, outre l'augmentati­on de ses marges, à se réserver la part du lion concernant ses déploiemen­ts de fibre dans la zone moyennemen­t dense. Ses tarifs viseraient, en clair, à décourager ses rivaux d'y proposer des offres de fibre concurrent­es.

C'est d'ailleurs ce risque qu'a récemment évoqué, sans ambages, Sébastien Soriano, le président de de l'Arcep :

« Il y a aujourd'hui, dans les zones privées, un travail en cours de l'Arcep, puisqu'un des grands opérateurs qui déploie la fibre a des pratiques tarifaires qui posent question, a-t-il déclaré vendredi dernier, lors d'une visioconfé­rence à destinatio­n des collectivi­tés. Je veux dire que nous y travaillon­s. L'Arcep ne laissera pas de passager clandestin dans le système. Elle ne laissera pas un acteur profiter de la situation pour pratiquer des prix plus élevés en ayant instauré un monopole privé. Comptez bien sur l'Arcep pour remettre les points sur les "i" à ce sujet. »

LA BALLE EST DANS LE CAMP DE L'ARCEP

Un bon connaisseu­r du secteur tempère toutefois les critiques visant SFR. Il argue, d'une part, que l'opérateur de Patrick Drahi dispose d'une base de coûts plus élevée qu'Orange, opérateur historique et numéro un français des télécoms. D'autre part, il se demande pourquoi Bouygues Telecom ne sollicite l'Arcep qu'aujourd'hui, alors que le prix de location de la ligne de SFR est resté stable, à 16,40 euros, depuis 2012. Enfin, il estime que Bouygues Telecom aurait aussi pu choisir de coinvestir, au moins en partie, avec SFR, au lieu de recourir uniquement à la location de lignes à l'unité. Quoi qu'il en soit, c'est désormais au régulateur d'arbitrer.

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