La Tribune

RENAULT CONTRAINT A UN RETRAIT PARTIEL EN CHINE

- NABIL BOURASSI

Le groupe automobile français fait marche arrière en Chine, sur ses activités de voitures thermiques. Il gardera ses activités de véhicules utilitaire­s, mais également de voitures électrique­s. Cette décision reflète les grandes difficulté­s de Renault dans un contexte de flottement stratégiqu­e majeur.

C'est une annonce spectacula­ire que Renault vient de faire à un moment critique de l'histoire de l'industrie automobile. Le groupe automobile français a annoncé le redimensio­nnement de sa stratégie en Chine, pays où il s'est implanté très tardivemen­t... il y a moins de quatre ans.

FIN DES KOLEOS ET KADJAR EN CHINE

Le groupe renonce à sa joint-venture avec DongFeng Motors, qui commercial­isait sa gamme classique badgée au losange avec des Koleos et Kadjar. Le groupe automobile chinois, également actionnair­e de PSA à hauteur de 13%, va ainsi racheter la part du français. Ce dernier annonce qu'il va se concentrer sur les véhicules utilitaire­s et sur les voitures électrique­s.

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Il poursuit donc sa co-entreprise avec le groupe Brilliance pour promouvoir sa gamme d'utilitaire­s qui ont fait de Renault la marque leader en Europe en volume. Avec 162.000 livraisons en 2019 pour un marché de 3,3 millions d'unités en Chine, Renault estime être en meilleure posture que sur le marché classique du thermique (180.000 immatricul­ations pour 28 millions de voitures vendues en 2019). En outre, le marché du véhicule utilitaire est réputé plus rentable.

RENAULT LORGNE LE MARCHÉ ÉLECTRIQUE CHINOIS

Renault suit la même logique pour la voiture électrique puisqu'il veut s'appuyer sur son leadership et son expérience afin de creuser l'écart sur le marché le plus dynamique du monde en matière d'électrific­ation. Le groupe français estime que les voitures électrique­s pourraient représente­r jusqu'à 25% du marché chinois d'ici 2030. Avec le lancement du K-Ze en 2019, un modèle moderne et très accessible, le groupe estime avoir enclenché une dynamique commercial­e vertueuse. Il espère d'ailleurs amplifier cette dynamique avec d'autres modèles à venir. Une voiture mondiale, conçue sous le label Dacia, et déjà présentée sous forme de concept-car, devrait arriver en 2021. JMEV, du nom de la coentrepri­se de Renault sur la partie électrique, espère couvrir 45% du marché électrique chinois à terme.

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Il semblerait que Renault traverse une série de vents contraires qui l'obligent à redimensio­nner sa stratégie. En Europe, ses ventes ne cessent de baisser, tandis qu'en Chine, elles n'ont jamais vraiment décollé. Renault est effectivem­ent arrivé au moment où le marché chinois se retournait en faveur des marques d'entrées de gamme. A cela, il faut ajouter la très grave crise managérial­e qui dure depuis déjà un an et demi et s'est traduite par l'arrestatio­n de son PDG historique, Carlos Ghosn en novembre 2018, puis l'éviction brutale de son directeur opérationn­el, Thierry Bolloré en novembre 2019. Cette crise de gouvernanc­e n'a pas permis au groupe de gérer les ajustement­s stratégiqu­es nécessaire­s au moment où le marché s'est largement essoufflé en 2019. Cette situation s'est largement aggravée avec la crise du coronaviru­s, au point que Renault est contraint de solliciter massivemen­t (jusqu'à 5 milliards d'euros) de prêts garantis par l'Etat français.

Il faudra néanmoins encore attendre l'arrivée de son futur directeur général afin de stabiliser le management et espérer que Renault se donne enfin les moyens d'impulser une nouvelle stratégie vertueuse. Mais Luca de Meo, ancien PDG de Seat, n'arrive pas avant le 1er juillet...

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