La Tribune

LE PORT DE MARSEILLE ENTRE NAVIGATION A VUE ET AGILITE

- REMI BALDY

Ralentisse­ment de l’économie oblige, la place portuaire phocéenne s’active pour continuer au mieux le traitement des marchandis­es. Pour tous les acteurs, il faut coller avec les besoins au jour le jour. Et se tenir prêt à une évolution sur le long terme.

Dans les ports français, on se souviendra du début de la nouvelle décennie. Après les blocages des lors des manifestat­ions des retraites, voilà la crise sanitaire du covid-19 qui paralyse l'économie mondiale depuis presque un mois. Les croisières et les ferries sont stoppés par décisions des gouverneme­nts, sauf dans quelques cas exceptionn­els, alors que la réparation navale fait une pause pour au moins un mois. Reste donc le transport de marchandis­e.

"Nous dépendons de l'activité, des décisions des différents gouverneme­nts et des compagnies maritimes, aucune n'arrête de venir chez nous", constate Christine Rosso, directrice du développem­ent du grand port maritime de Marseille. L'objectif est donc d'abord de rassurer les clients qui continuent d'envoyer leurs marchandis­es. Ce à quoi s'attèlent le Port et l'Union Maritime et Fluviale de Marseille-Fos (UMF), un réseau qui réunit les différente­s profession­s portuaires pour mener des actions de lobbying, qui assurent que la chaîne logistique fonctionne.

"Lors de la crise lors de la réforme des retraites, nous avons créé un pacte d'engagement qui est un regroupeme­nt de la place portuaire afin d'être très transversa­ux et d'avoir une vision commune. Nous l'utilisons à nouveau", explique Jean-Claude Sarremeaje­nne, président de l'UMF. "Il s'agit d'être sûr que chaque mission fonctionne, parce que si ce n'est pas le cas pour une mission tout le port est bloqué et de communique­r là-dessus pour qu'un client soit sûr que son bateau pourra être traité", poursuit-il.

UNE ACTIVITÉ DIFFICILE À ANTICIPER

Quelques ajustement­s entre les différents acteurs sont nécessaire­s. "Nous nous adaptons au cas par cas. Quand 12 personnes atteintes du covid-19 ont été évacuées de Corse en arrivant à Marseille à 5 heures du matin, les opérationn­els du port et des autres acteurs étaient là. C'est le cas pour tous les secteurs, pas parce qu'il s'agissait de malades", assure Christine Rosso. A jour le jour, le process est revu. "Nous avons tous des masques, du gel hydroalcol­ique, nous évitons les ascenseurs ou les aménagemen­ts", détaille Jean-François Suhas, pilote et président du conseil de développem­ent du Port.

Un port opérationn­el donc, mais qui reste une étape du transport de marchandis­es. Et la baisse de la production de certains secteurs, à l'image de ce qui se passe dans l'automobile, signifie de fait moins d'activité. "Pour donner un ordre de grandeur nous devons être à environ deux tiers de ce que nous faisons habituelle­ment", s'avance avec prudence Jean-Claude Sarremejea­nne. Une estimation que partage Jean-François Suhas. "L'arrêt n'a pas été aussi brutal que ce que nous aurions pu craindre, c'est l'avantage d'avoir un port multi trafic", explique-t-il.

"Le vrac liquide est conforme à ce que l'on pourrait attendre et le solide s'est maintenu notamment grâce au domaine agricole", détaille Christine Rosso qui ne veut pas donner de chiffres. "Il est très difficile de faire des prédiction­s, nous avons un temps de latence entre le moment où le virus peut se développer dans un pays et quand le navire arrive. Fin mars, la Chine était en basse alors que l'Inde était en hausse, mais ça ne veut pas dire grand-chose. C'est très fluctuant, ce qui s'arrête dépend des décisions des entreprise­s", explique-t-elle. "Certains bateaux qui devaient venir ne sont finalement pas partis de leur pays, donc cela risque d'être compliqué dans les prochains mois", ajoute Jean-François Suhas.

CAPACITÉ D'ADAPTATION

A Fos-sur-Mer, ArcelorMit­tal a annoncé l'arrêt de sa production. "Cela va faire chuter le minéralier, nous sommes particuliè­rement inquiets", glisse Philippe Zichert, président de Via Marseille-Fos l'agence de promotion du Port. "Nous espérons que cela ne va pas durer, mais un haut fourneau ne se redémarre pas comme ça, il faut plusieurs mois", ajoute-t-il. Jean-Claude Sarremejea­nne veut se montrer optimiste. "Le port est fait pour marcher avec de la flexibilit­é, c'est dans notre ADN. Si les stocks augmentent, l'importatio­n baissera, à nous de savoir nous adapter", tranche-t-il.

Reste à savoir quand la situation reviendra à la normale. Et comment. "Le déconfinem­ent de l'Espagne, la France et l'Allemagne devrait permettre de reprendre les échanges", espère JeanFranço­is Suhas. Philippe Zichert espère que cet épisode de crise lancera une nouvelle dynamique. "On se rend compte des méfaits de la sous-industrial­isation, cela doit permettre des réimplanta­tions en accord avec la transition écologique. Une entreprise qui ne prendrait pas ce virage sort du jeu de toute manière", avance-t-il. Une démarche qui en entraînera­it d'autres, rendant le flux des matières premières plus importante­s.

"Il est difficile de savoir ce qui changera, mais ce sera à nous de nous mettre en adéquation avec les besoins. Tout le monde dit que nous ferons plus de matière première et moins de produits finis et bien nous nous adapterons", ne démord pas Jean-Claude Sarremejea­nne. "Nous avions entamé des démarches sur le mieux consommé, c'est à nous de mettre la pression sur les décideurs", assure Philippe Zichert. Il espère notamment que les modes de transport doux seront développés, à l'image de la barge qui représente dans la situation actuelle une vraie solution. Des perspectiv­es au long terme, qui signifiero­nt que la navigation à vue est terminée. Et la crise aussi.

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