La Tribune

PIERRE PELOUZET : "LA FACTURE CLIENT EST L'ESSENTIEL DE LA TRESORERIE DES ENTREPRISE­S"

- LAURENCE BOTTERO

Maillon essentiel de la bonne santé des entreprise­s, le crédit inter-entreprise­s est mis à mal par la crise provoquée par le Covid-19. Et pour que la chaîne économique ne se grippe pas, il ne faut pas hésiter à passer par la case médiation dit le médiateur national des entreprise­s. Qui publiera ces prochains jours, la liste des PME et ETI ayant fait preuve de cette solidarité économique qui doit être belle et bien réelle et surtout pas virtuelle.

C'est un élément qui est de plus en plus évoqué, au fur et à mesure que la période de confinemen­t se prolonge et que la crise économique se précise. Le crédit inter-entreprise­s, ce maillon primordial dans la chaîne économique, est vigoureuse­ment mis à mal. Les raisons sont simples : le manque de visibilité de l'après, la crainte de voir sa trésorerie fondre inexorable­ment sans perspectiv­e de rentrées financière­s extérieure­s font que certains chefs d'entreprise ont stoppés les règlements fournisseu­rs et clients.

Une situation qui crispe à tous niveaux, en premier lieu les très petites et moyennes entités, pour lesquelles, le bon comporteme­nt d'un donneur d'ordre est essentiel dans le schéma de bonne santé.

FAVORISER L'ÉLAN DE SOLIDARITÉ

Depuis un mois, la mission de Pierre Pelouzet prend, inévitable­ment, de l'ampleur. Car le médiateur national des entreprise­s est un élément clé dans la crise telle que le monde entreprena­rial le vit aujourd'hui, essentiell­ement sur le retard des délais de paiement. "Nous regardons toutes les entreprise­s qui se comportent mal. Un certain nombre se sont, en revanche, bien comportées. Ce qui est fascinant, c'est que l'on constate à l'échelle des entreprise­s, le même comporteme­nt que celui qui se produit individuel­lement. Certaines sociétés ont, spontanéme­nt, payé leurs fournisseu­rs. D'autres, parfois des grandes entreprise­s, ont clairement averti leurs fournisseu­rs qu'elles ne le feraient pas".

En quelques jours, c'est "un tsunami" de PME qui se tourne vers le médiateur des entreprise­s. Le comité de crise, créé, regroupe la grande famille des acteurs économique­s, Medef et Afep (associatio­n des entreprise­s privées NDLR), CPME, U2P, CCI et chambres de métiers et d'artisanat. Toutes catégories représenté­es, ce qui aide pour le dialogue, vertu centrale que la médiation veut porter. "Il est essentiel de porter l'élan de solidarité à plusieurs", souligne Pierre Pelouzet. Histoire de bien faire comprendre que c'est l'ensemble du tissu économique qui est concerné, petites et grandes entitées.

UN COMITÉ DE CRISE RÉGIONAL ?

Le comité de crise, ultra pragmatiqu­e, sert de courroie de transmissi­on avec ce qu'il se déroule sur le terrain. Toute pratique non solidaire repérée est traitée. "Nous nous entretenon­s avec les directions générales des entreprise­s. Pour l'heure nous n'avons eu que des réponses positives", se réjouit Pierre Pelouzet. Qui ne veut évidemment pas en rester là et désire pousser plus loin l'aide à la prise de conscience. L'éperon ce sera cette liste de pionniers - c'est-à-dire d'entreprise­s qui se sont déjà engagées dans le droit chemin - publiée dans les prochains jours et dont il espère qu'elle provoquera un effet d'entraîneme­nt salutaire.

Ce comité doit-il être dupliqué plus localement ? L'idée a été évoquée par Roland Gomez, le président de la CCIR PACA, appelant de ses voeux un comité de crise qui se tienne à l'échelon régional. Une suggestion que considère Pierre Pelouzet, estimant néanmoins que si des problémati­ques peuvent être traitées plus localement, d'autres doivent l'être au niveau national. "D'où l'importance de faire remonter l'informatio­n du terrain. Certains cas individuel­s sont envoyés vers la médiation. Nous ne faisons pas qu'intervenir par le haut. Nous traitons également les problémati­ques par l'individuel", insiste Pierre Pelouzet.

EVITER LA FÂCHERIE

Le but du jeu c'est bien évidemment de ne pas tendre les relations business sur un temps long mais bien "d'éviter la fâcherie, de réussir à résoudre les problémati­ques tout en conservant la relation commercial­e". La médiation entre entreprise­s prend ici encore plus de sens. Il ne faut pas oublier qu'elle est née elle-même de la crise de 2008, devenant un recours officiel dès 2010. "Les entreprise­s nous ont bien identifiés, les CCI portent bien nos messages, le but est que la médiation soit connue. Le drame serait qu'une entreprise qui a besoin de nous, ne nous connaisse pas". Pierre Pelouzet insiste alors sur l'absolue solidarité qui doit jouer entre sociétés, grandes et petites, sous-traitants et donneurs d'ordre. "L'essentiel de la trésorerie de l'entreprise, c'est la facture client, c'est une clé de sortie pour elle. Cela représente parfois trois ou quatre fois le crédit bancaire". Et d'en revenir à la vertu du dialogue, de la solidarité, qui pourraient l'un comme l'autre se trouver amplifiés par la crise. De rappeler aussi que la médiation est une façon pour chaque partie de sortir renforcée des situations de tension. De redire aussi que la médiation nationale des entreprise­s est une initiative, un outil unique en Europe. Et que la médiation privée doit aussi bénéficier du contexte actuel. "J'espère que la médiation, d'une manière générale, saura se déployer".

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