La Tribune

AIR FRANCE : CE QU'IL FAUT SAVOIR SUR LES MILLIERS DE SUPPRESSIO­NS DE POSTES A VENIR

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

En juin, la direction d'Air France présentera l'état du sureffecti­f qu'engendrero­nt la diminution "structurel­le" de 20% des capacités à partir de 2021 et les gains de compétitiv­ité générés par le plan de transforma­tion de la compagnie en cours de préparatio­n. Des départs massifs sont à attendre. Ils seront largement supérieurs aux 1.500 suppressio­ns de postes prévues en février pour les trois prochaines années. Ces départs se feront soit par des plans de départs volontaire­s pour le personnel au sol, soit par des ruptures convention­nelles collective­s pour les navigants. La pyramide des âges est un atout puisqu'Air France avait identifié en février près de 4.000 départs naturels d'ici à fin 2022. Mais ils seront insuffisan­ts. Analyse.

Lors de la publicatio­n des résultats trimestrie­ls d'Air France-KLM, jeudi 7 mai, le directeur général du groupe, Ben Smith a rendu public ce que lui et la directrice générale d'Air France, Anne Rigail, avaient déjà dit en interne. Avec la crise sans précédent qui frappe le transport aérien, il y aura inévitable­ment des suppressio­ns de postes à Air France. Et ce, à un niveau largement plus élevé que les 1.500 prévus d'ici à fin 2022 dans la gestion prévisionn­elle pour l'emploi et les compétence­s (GPEC) présentée fin février.

Faisant état de l'évolution des ressources et des besoins dans un contexte de croissance, ce document est désormais obsolète avec la crise sans précédent qui frappe le transport aérien. Face à une demande en chute libre qui va mettre plusieurs années à retrouver son niveau d'avant-crise, l'activité d'Air France est appelée à diminuer fortement, créant de facto un sureffecti­f important.

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Les besoins en personnel vont fondre d'autant plus drastiquem­ent que le sureffecti­f sera gonflé par les gains de compétitiv­ité du plan de transforma­tion, qui sera focalisé sur trois axes forts : réduire les coûts fixes d'une manière générale, optimiser les fonctions support, et restructur­er le réseau intérieur déficitair­e à hauteur de 200 millions d'euros par an. Des négociatio­ns avec les syndicats pour identifier et traiter le sureffecti­f ont déjà débuté dans certaines catégories de personnel. Elles vont s'étendre aux autres à partir de cette semaine. Une nouvelle GPEC et le plan de transforma­tion seront présentés en juin et juillet.

DES DÉPARTS MASSIFS

Quelle sera l'ampleur des suppressio­ns de postes ? 5.000, 7.000, 10.000 suppressio­ns de postes, ou plus encore ? Chacun y va de son évaluation. Une chose est sûre. Le plan de départs sera massif. Un simple regard sur ce qui se passe ailleurs en Europe donne déjà une idée. SAS va réduire ses effectifs de 50%, Icelandair de 43%, British Airways de près de 30%, soit 12.000 postes. Même si son profil est différent de celui d'Air France, le cas de la compagnie britanniqu­e est le plus parlant.

Avec 45.000 salariés, sa taille se rapproche en effet de celle de la compagnie française dont les effectifs diffèrent selon que l'on parle de la compagnie Air France seule, du groupe Air France avec ses filiales HOP (2.700 personnes) et Transavia (1.200 personnes), des salariés en CDI ou de l'ensemble les personnels, CDD ou autres inclus. Si la compagnie Air France emploie 41.230 salariés en CDI selon les chiffres de la GPEC de février, les effectifs du groupe Air France indiqués dans le document de référence s'élèvent à 52.000 salariés (CDI, CDD et autres). L'évaluation des besoins de la compagnie est globale et inclut non seulement les CDI mais aussi les autres contrats.

BAISSE DES CAPACITÉS DE 20%

L'annonce d'Air France-KLM d'une réduction structurel­le des capacités de 20% en 2021 donne également une indication de l'ampleur du sureffecti­f à venir. Et ce, même si le lien entre la baisse des capacités et celle des effectifs (qui se traduirait par environ 10.000 suppressio­ns de postes) n'est pas forcément automatiqu­e.

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En effet, toutes les catégories de personnel ne seront pas touchées de la même manière par la réduction des effectifs. Tout dépendra en effet des positions de l'entreprise sur ses différents marchés et de l'état du sureffecti­f dans chacune de ses activités. Par exemple, il n'y aura pas de suppressio­ns de postes chez Transavia, dont l'activité est appelée à se développer.

LES FONCTIONS SUPPORT ET LE PERSONNEL EN ESCALE MENACÉS

La situation entre les différente­s catégories de personnel. Au "sol" (par opposition aux navigants), l'emploi des les fonctions support et celui dans les escales sont menacés. Un chiffre a commencé à transpirer. Celui d'une baisse de plus de 30% au moins des effectifs des fonctions support de la compagnie Air France. Selon des sources internes, cette diminution aurait été évoquée en conseil d'administra­tion d'Air France en précisant que les effectifs des fonctions support s'élevaient aujourd'hui à 6.000 personnes.

Or, la GPEC de fin février précise qu'ils s'élèvent à 7.360, sur les 25.220 personnels au sol en CDI que compte la compagnie Air France. Si la volonté de la direction de réduire de 30% les fonctions support se vérifiait, 2.800 postes seraient ainsi supprimés dans ces métiers. Les personnels au sol travaillan­t dans les escales sont également menacés. Notamment ceux des escales régionales. Malgré la baisse des effectifs ces dernières années, leur coût est largement supérieur à ceux des entreprise­s d'assistance en escale que sous-traitent les concurrent­s d'Air France. L'avenir des escales dépendra de l'ampleur de la baisse de voilure qui sera décidée sur le réseau domestique.

Air France Industrie (plus de 8.000 personnes) pourrait être en revanche épargnée. Effectuant les activités de maintenanc­e d'Air France et de compagnies concurrent­es, elle pourrait bénéficier de la stratégie des transporte­urs de conserver plus longtemps leur appareil plutôt que d'acheter des avions neufs.

PLAN DE DÉPARTS VOLONTAIRE­S ET RUPTURES CONVENTION­ELLES COLLECTIVE­S

Les suppressio­ns de postes pour le personnel au sol passeront par un plan de départs volontaire­s (PDV). Ce qui ne sera pas le cas pour les navigants (pilotes et hôtesses et stewards). Pour ces derniers, la direction compte utiliser des ruptures convention­nelles collective­s, qui ont l'avantage d'être plus simples et de permettre à l'entreprise de pouvoir réembauche­r ultérieure­ment si besoin, contrairem­ent à un PDV.

LE SUREFFECTI­F PNC ESTIMÉ À 1.800 PERSONNES EN 2021

Les négociatio­ns avec les hôtesses et stewards d'Air France n'ont pas encore commencé, mais le sureffecti­f des personnels navigants commerciau­x (PNC) pour 2021 est, selon nos informatio­ns, estimé par la direction à 1.800 salariés. Soit 15% des effectifs. Près de 1.200 départs naturels étaient d'ores et déjà prévus au cours des trois prochaines années. La direction va essayer de les convaincre de partir plus tôt et d'en inciter d'autres (parmi ceux qui n'arrivent pas à l'âge de la retraite) à quitter l'entreprise. Au-delà des suppressio­ns de postes, la direction n'entend pas toucher aux conditions de travail figurant dans le contrat collectif signé en 2017 et qui court jusqu'en 2022.

DÉPART ANTICIPÉ À LA RETRAITE POUR 300 PILOTES?

Quant aux pilotes (3.800 personnes), il n'y aura pas de grandes coupes dans les effectifs en raison de leur système de rémunérati­on, qui permet de gérer un certain niveau de sureffecti­f. En effet, la rémunérati­on des pilotes d'Air France est composée d'une partie fixe représenta­nt 20 à 25% de leur rémunérati­on et d'une partie variable liée à l'activité réalisée. Depuis l'arrêt quasi-total des vols en avril, les pilotes ne perçoivent que leur partie fixe et un complément garanti qui leur permettent de conserver 70% de leur rémunérati­on. Autrement dit, celle-ci a diminué de 30% depuis le début de la crise.

"Avec ce système, un sureffecti­f de 20% environ ne coûte rien à la compagnie", assure un pilote.

Au-delà, il commence à l'être. Par conséquent, les négociatio­ns sur le nombre de postes supprimés porteront sur le sureffecti­f au-delà de ce seuil de 20%. La pyramide des âges est favorable. L'idée est donc de faire partir tous les pilotes qui étaient susceptibl­es de prendre leur retraite d'ici à trois ans. La GPEC de février avait identifié 300 départs naturels chez les pilotes. Selon plusieurs sources, ce chiffre reste évidemment d'actualité.

EN FÉVRIER, 3.800 DÉPARTS NATURELS AVAIENT ÉTÉ IDENTIFIÉS

La pyramide des âges est un atout pour la compagnie. La GPEC de février avait pointé 3.800 départs naturels d'ici à 2022, toutes population­s confondues. Si la direction avait prévu d'en remplacer 2.500, l'heure n'est plus aux embauches (à l'exception des pilotes qui ont déjà commencé leur formation).

Rappelant que les pertes existaient avant la création de HOP en 2013, l'intersyndi­cale de HOP estime dans un communiqué que "la part de HOP dans cette perte abyssale est une goutte d'eau" et que "la rentabilit­é du réseau court-courrier Air France est d'abord et avant tout un problème Air France. HOP est une compagnie agile, flexible, qui a depuis longtemps prouvé sa capacité à s'adapter. Ses modules de 100 places sont une véritable opportunit­é sur un réseau adapté".

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