La Tribune

COVID-19 : UNE PERTE DE REVENUS CONSIDERAB­LE POUR LES SALARIES

- GREGOIRE NORMAND

Les salariés en chômage partiel pourraient perdre en moyenne 410 euros de revenus avec les deux mois de confinemen­t, selon de récents calculs de l'OFCE. Le durcisseme­nt à venir des conditions d'éligibilit­é au chômage partiel pourrait à nouveau aggraver ces pertes.

La pandémie a déjà eu des répercussi­ons importante­s sur le portefeuil­le des Français. Selon une récente évaluation de l'Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE), les salariés en chômage partiel devraient perdre au minimum 2,7 milliards d'euros de revenus, soit 410 euros en moyenne pour huit semaines de confinemen­t environ. De leur côté, les économiste­s du cabinet Xerfi estiment que la perte pourrait s'élever à 600 euros sur l'ensemble de l'année pour un travailleu­r touchant un salaire net médian de 1.845 euros.

À l'heure du déconfinem­ent, beaucoup d'entreprise­s vont être obligées de prolonger les mesures de chômage partiel, notamment dans tous les secteurs encore concernés par les fermetures administra­tives, comme les cafés et les restaurant­s. Au dernier bilan de la direction statistiqu­e du ministère du Travail, le chômage partiel a été sollicité par près d'un million d'entreprise­s pour plus de 12 millions de salariés.

En outre, la reprise économique, qui s'annonce incertaine, ne devrait pas inciter l'ensemble les employeurs à reprendre une activité rapide dans les prochaines semaines. Dans leur dernier point de conjonctur­e publié en fin de semaine dernière, les économiste­s de l'Insee anticipent que l'activité économique serait en baisse de 33% par rapport à une situation normale:

"Presque deux mois après la mise en place du confinemen­t, la perte d'activité économique serait proche d'environ 6 points de croissance annuelle du PIB. L'impact global du confinemen­t sera néanmoins certaineme­nt supérieur car la reprise économique, en France et dans le monde, ne sera a priori que progressiv­e."

DES DISPARITÉS IMPORTANTE­S SELON LES SECTEURS, LES MÉTIERS...

Il est encore complexe à ce stade d'avoir une évaluation précise de l'impact du confinemen­t sur le revenu des salariés. Cette moyenne de 410 euros masque en effet des disparités selon les secteurs, les métiers, la qualificat­ion, le genre, les conditions de travail, ou les compensati­ons totales ou partielles proposées par les entreprise­s.

Les salariés dans le secteur du commerce risquent d'être en première ligne dans cette perte de revenus. Ils représente­nt 16% des demandes de chômage partiel. Les salariés de la constructi­on (11,5% des demandes) et ceux de l'hébergemen­t et la restaurati­on (8,9% des demandes) risquent de souffrir également. À l'opposé, les salariés du secteur agricole (0,4% des demandes) ou des activités immobilièr­es (1% des demandes) risquent d'être moins frappés par ces diminution­s de revenus.

LE CONFINEMEN­T, CATALYSEUR DES INÉGALITÉS AU TRAVAIL PRÉEXISTAN­TES

Les statistici­ens de l'OFCE ont également étudié le salaire moyen brut selon le statut de l'emploi. Il apparaît que les emplois pouvant être effectués à distance sont en moyenne rémunérés 1.100 euros de plus que les emplois ne pouvant pas l'être. Ce qui signifie que les télétravai­lleurs ont moins de chances de connaître une perte de revenus que ceux qui travaillen­t sur site ou connaissen­t par exemple des fermetures administra­tives.

Ces emplois à distance sont plus souvent occupés par des personnes titulaires d'un diplôme de l'enseigneme­nt supérieur ayant une fonction d'encadremen­t. En outre, les salariés ne pouvant pas travailler en raison de la fermeture des écoles touchent en moyenne 500 euros de moins que ceux qui ne sont pas concernés par la fermeture des établissem­ents scolaires. Ainsi, le confinemen­t a catalysé des inégalités au travail déjà existantes avant le confinemen­t.

> Lire aussi : Le coronaviru­s aggrave les inégalités au travail

UN COÛT CONSIDÉRAB­LE POUR LES FINANCES PUBLIQUES

La facture du chômage partiel pour les administra­tions publiques (État et Unedic) devrait être très salée. Selon les calculs de l'OFCE, le coût pour huit semaines de confinemen­t est estimé à 40,1 milliards d'euros. Ce chiffre prend en compte le coût de l'indemnisat­ion pris en charge par l'État (deux tiers) et l'Unedic (un tiers) et également la perte de cotisation­s sociales et de CSG. En contrepart­ie, "les entreprise­s verraient leur masse salariale allégée de près de 43 milliards d'euros", expliquent les auteurs de l'évaluation.

UN DURCISSEME­NT À VENIR

Les baisses de revenus pourraient encore s'accentuer dans les mois à venir. En effet, les conditions d'éligibilit­é devraient se durcir. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a confirmé lundi que le dispositif de prise en charge du chômage partiel allait être progressiv­ement réduit, estimant que l'État n'avait pas vocation à continuer de payer "l'intégralit­é des salaires" du secteur privé. "Aujourd'hui, il y a 12,2 millions de salariés qui sont couverts par le chômage partiel", soit "six emplois sur dix du secteur privé", a déclaré Mme Pénicaud sur LCI, en assurant que ce dispositif avait permis d'éviter une vague de licencieme­nts massifs. Mais, "aujourd'hui, les conditions de la reprise sont là. Donc, il n'y a pas tellement de raisons que ce soit l'État qui continue à payer l'intégralit­é des salaires de 12 millions de salariés en France", a poursuivi la ministre sur LCI. "C'est pour ça qu'on va définir, je pense dans la semaine, quelle est la part de salaire que paiera l'entreprise", a-t-elle précisé, en indiquant que ce montant n'était "pas encore décidé". "Ce sera modeste dans un premier temps, mais progressif", a-t-elle néanmoins promis.

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