COVID-19 : UNE PERTE DE REVENUS CONSIDERABLE POUR LES SALARIES
Les salariés en chômage partiel pourraient perdre en moyenne 410 euros de revenus avec les deux mois de confinement, selon de récents calculs de l'OFCE. Le durcissement à venir des conditions d'éligibilité au chômage partiel pourrait à nouveau aggraver ces pertes.
La pandémie a déjà eu des répercussions importantes sur le portefeuille des Français. Selon une récente évaluation de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les salariés en chômage partiel devraient perdre au minimum 2,7 milliards d'euros de revenus, soit 410 euros en moyenne pour huit semaines de confinement environ. De leur côté, les économistes du cabinet Xerfi estiment que la perte pourrait s'élever à 600 euros sur l'ensemble de l'année pour un travailleur touchant un salaire net médian de 1.845 euros.
À l'heure du déconfinement, beaucoup d'entreprises vont être obligées de prolonger les mesures de chômage partiel, notamment dans tous les secteurs encore concernés par les fermetures administratives, comme les cafés et les restaurants. Au dernier bilan de la direction statistique du ministère du Travail, le chômage partiel a été sollicité par près d'un million d'entreprises pour plus de 12 millions de salariés.
En outre, la reprise économique, qui s'annonce incertaine, ne devrait pas inciter l'ensemble les employeurs à reprendre une activité rapide dans les prochaines semaines. Dans leur dernier point de conjoncture publié en fin de semaine dernière, les économistes de l'Insee anticipent que l'activité économique serait en baisse de 33% par rapport à une situation normale:
"Presque deux mois après la mise en place du confinement, la perte d'activité économique serait proche d'environ 6 points de croissance annuelle du PIB. L'impact global du confinement sera néanmoins certainement supérieur car la reprise économique, en France et dans le monde, ne sera a priori que progressive."
DES DISPARITÉS IMPORTANTES SELON LES SECTEURS, LES MÉTIERS...
Il est encore complexe à ce stade d'avoir une évaluation précise de l'impact du confinement sur le revenu des salariés. Cette moyenne de 410 euros masque en effet des disparités selon les secteurs, les métiers, la qualification, le genre, les conditions de travail, ou les compensations totales ou partielles proposées par les entreprises.
Les salariés dans le secteur du commerce risquent d'être en première ligne dans cette perte de revenus. Ils représentent 16% des demandes de chômage partiel. Les salariés de la construction (11,5% des demandes) et ceux de l'hébergement et la restauration (8,9% des demandes) risquent de souffrir également. À l'opposé, les salariés du secteur agricole (0,4% des demandes) ou des activités immobilières (1% des demandes) risquent d'être moins frappés par ces diminutions de revenus.
LE CONFINEMENT, CATALYSEUR DES INÉGALITÉS AU TRAVAIL PRÉEXISTANTES
Les statisticiens de l'OFCE ont également étudié le salaire moyen brut selon le statut de l'emploi. Il apparaît que les emplois pouvant être effectués à distance sont en moyenne rémunérés 1.100 euros de plus que les emplois ne pouvant pas l'être. Ce qui signifie que les télétravailleurs ont moins de chances de connaître une perte de revenus que ceux qui travaillent sur site ou connaissent par exemple des fermetures administratives.
Ces emplois à distance sont plus souvent occupés par des personnes titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur ayant une fonction d'encadrement. En outre, les salariés ne pouvant pas travailler en raison de la fermeture des écoles touchent en moyenne 500 euros de moins que ceux qui ne sont pas concernés par la fermeture des établissements scolaires. Ainsi, le confinement a catalysé des inégalités au travail déjà existantes avant le confinement.
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UN COÛT CONSIDÉRABLE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
La facture du chômage partiel pour les administrations publiques (État et Unedic) devrait être très salée. Selon les calculs de l'OFCE, le coût pour huit semaines de confinement est estimé à 40,1 milliards d'euros. Ce chiffre prend en compte le coût de l'indemnisation pris en charge par l'État (deux tiers) et l'Unedic (un tiers) et également la perte de cotisations sociales et de CSG. En contrepartie, "les entreprises verraient leur masse salariale allégée de près de 43 milliards d'euros", expliquent les auteurs de l'évaluation.
UN DURCISSEMENT À VENIR
Les baisses de revenus pourraient encore s'accentuer dans les mois à venir. En effet, les conditions d'éligibilité devraient se durcir. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a confirmé lundi que le dispositif de prise en charge du chômage partiel allait être progressivement réduit, estimant que l'État n'avait pas vocation à continuer de payer "l'intégralité des salaires" du secteur privé. "Aujourd'hui, il y a 12,2 millions de salariés qui sont couverts par le chômage partiel", soit "six emplois sur dix du secteur privé", a déclaré Mme Pénicaud sur LCI, en assurant que ce dispositif avait permis d'éviter une vague de licenciements massifs. Mais, "aujourd'hui, les conditions de la reprise sont là. Donc, il n'y a pas tellement de raisons que ce soit l'État qui continue à payer l'intégralité des salaires de 12 millions de salariés en France", a poursuivi la ministre sur LCI. "C'est pour ça qu'on va définir, je pense dans la semaine, quelle est la part de salaire que paiera l'entreprise", a-t-elle précisé, en indiquant que ce montant n'était "pas encore décidé". "Ce sera modeste dans un premier temps, mais progressif", a-t-elle néanmoins promis.