La Tribune

ARGENTINE: DELAI EXPIRE POUR L'ACCORD SUR LA DETTE, LES NEGOCIATIO­NS CONTINUENT

- AFP, DANIEL MEROLLA

Le délai de l'Argentine pour trouver un accord sur la restructur­ation de la dette avec ses créanciers internatio­naux et s'éviter ainsi un défaut de paiement a expiré vendredi sans annonce officielle, mais les négociatio­ns se poursuiven­t jusqu'au 22 mai.

Ce délai avait été fixé par le gouverneme­nt de centre-gauche d'Alberto Fernandez à la mi-avril. "Une partie de nos créanciers ont déjà accepté notre offre. L'Argentine maintient le dialogue", s'est contenté de déclarer à la presse vendredi son ministre de l'Economie, Martin Guzman.

MENACE RÉELLE

Ni le gouverneme­nt ni les détenteurs d'obligation­s ne souhaitent un nouveau défaut de paiement de la troisième économie d'Amérique latine, mais la menace est réelle. "La prochaine échéance des obligation­s est le 22 mai. C'est seulement à cette date, si l'Argentine n'honore pas le paiement, qu'elle peut être considérée en défaut", a expliqué à l'AFP Hernan Letcher, directeur du Centre d'économie politique argentin (CEPA).

L'Argentine aura "10 jours difficiles", mais le gouverneme­nt "est optimiste, car beaucoup dans le monde disent que l'offre est absolument rationnell­e", a déclaré à l'AFP un haut responsabl­e gouverneme­ntal qui a requis l'anonymat. "Nous allons faire tout notre possible (pour trouver une solution) sans hypothéque­r le présent et l'avenir des Argentins", a-t-il déclaré.

De son côté, la directrice du Fons monétaire internatio­nal (FMI), Kristalina Georgieva, a affirmé qu'il y avait "encore du temps pour les négociatio­ns en cours", dans des déclaratio­ns à la presse.

L'Argentine avait manqué le 22 avril une échéance de 500 millions de dollars liée à sa dette, invoquant un délai de grâce d'un mois dont elle s'est prévalue en attendant une réponse de ses créanciers à son offre de restructur­ation.

"Pour l'instant, nous en sommes à voir qui est en meilleure posture pour négocier", a commenté à l'AFP Pablo Tigani, professeur d'économie à l'université privée UADE.

Les marchés financiers ont donné un signal positif: le Merval, principal indice de la Bourse de Buenos Aires, a clôturé en hausse de 0,93% vendredi et de 9% sur la semaine, les actions des sociétés locales cotées à Wall Street augmentant de 11%.

PARTIE DE POKER

Les négociatio­ns qui ont des allures d'une partie de poker portent sur une restructur­ation de 66 milliards de dollars en titres émis sous juridictio­n internatio­nale. L'offre de Buenos Aires à ses créanciers comporte une décote de 62% sur les intérêts, soit 37,9 milliards de dollars, et de 5,4% sur le capital, soit 3,6 milliards.

L'Argentine demande également un moratoire de trois ans, ce qui impliquera­it aucun paiement jusqu'en 2023. Trois groupes majeurs de détenteurs de titres argentins ont d'ores et déjà rejeté cette propositio­n, estimant qu'elle impliquait pour les créanciers internatio­naux "des pertes disproport­ionnées qui ne sont ni justifiées ni nécessaire­s".

Malgré ce rejet, le gouverneme­nt a maintenu son offre, mais M. Guzman s'est montré ouvert à toute contre-propositio­n, à condition qu'elle respecte "les limites de ce qui est considéré comme viable".

L'offre d'échange de dette consiste à repousser les échéances à une période allant de 2030 à 2047. Les taux d'intérêt devraient osciller entre 1,5% et 5%.

"Les créanciers sont beaucoup plus intéressés par la conclusion d'un accord que le gouverneme­nt argentin", a assuré Pablo Tigani.

SOUTIEN DU FMI

Le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), qui avait estimé il y a quelques mois que la dette argentine n'était "pas viable", s'est également montré optimiste sur la capacité de Buenos Aires à trouver un accord.

"Nous avons l'espoir qu'un accord avec une forte participat­ion des créanciers pourra être conclu", a déclaré jeudi Gerry Rice, porte-parole du FMI.

Un prêt de sauvetage du FMI de 57 milliards de dollars, très impopulair­e, avait été négocié en 2018 par le président Mauricio Macri, prédécesse­ur de centre-droit d'Alberto Fernandez. Ce dernier n'avait finalement accepté le décaisseme­nt que de 44 milliards de dollars sur le total du prêt.

Les lauréats du prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz et Edmund Phelps soutenus par plus de 135 économiste­s prestigieu­x ont exhorté mercredi les créanciers de l'Argentine à accepter l'offre "responsabl­e" du gouverneme­nt.

"L'allègement de la dette est le seul moyen de lutter contre la pandémie et de placer l'économie (argentine) sur une voie durable", ont-ils insisté. L'Argentine, en récession depuis deux ans, est confinée depuis le 20 mars et subit, comme l'ensemble des pays touchés par le coronaviru­s, un lourd impact sur son économie.

Le pays sud-américain avait connu en 2001 le plus grand défaut de paiement de l'histoire, portant sur 100 milliards de dollars. Sa dette totale s'élève à présent à 323 milliards de dollars, soit plus de 90% du Produit intérieur brut.

Dans l'impasse vendredi, les négociatio­ns entre Buenos Aires et ses créanciers "pourraient s'enliser et prendre des années avant d'aboutir", redoutent les analystes de Capital Economics.

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