La Tribune

NOUVELLE-AQUITAINE : LE PRESIDENT DE L'UIMM MET L'APPRENTISS­AGE AU CENTRE DE LA REPRISE

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

Au 1er jour du déconfinem­ent, Nicolas Foucard, président de l'Union des métiers et industries de la métallurgi­e (UIMM), Gironde-Landes et Nouvelle-Aquitaine, livre à La Tribune sa vision de la relance économique. En plus de souplesse pour l'applicatio­n des nouvelles règles sanitaires dans les entreprise­s, Nicolas Foucard, par ailleurs directeur de l'établissem­ent ArianeGrou­p du Haillan (Bordeaux Métropole), en appelle à un Plan Marshall centré sur la formation et l'apprentiss­age.

LA TRIBUNE - Nicolas Foucard comment analysez-vous la réaction du gouverneme­nt face à la crise économique provoquée par le Covid-19 ?

NICOLAS FOUCARD - L'Etat a réagi avec promptitud­e et beaucoup d'énergie, les outils de soutien à l'économie qu'il a déployé nous en avions besoin. Les mesures réglementa­ires d'appui aux entreprise­s, avec le report des charges, et les volumes financiers mobilisés devraient permettre de répondre aux enjeux immédiats.

Quelles sont vos attentes particuliè­res et quelles critiques avez-vous à formuler au nom des entreprise­s de la métallurgi­e en Nouvelle-Aquitaine ?

Ce que je déplore un petit peu c'est que les décisions viennent presque systématiq­uement d'en haut, et très peu d'en bas à partir des réalités du terrain. C'est la métaphore des petites villes et des campagnes, qui ne sont jamais écoutées.

Concrèteme­nt où est-ce que le bât blesse avec ce plan de relance ?

Ce plan de déconfinem­ent est très bien, sauf que beaucoup d'entreprise­s avaient déjà mis en place des mesures qui pourraient se retrouver en contradict­ion avec les décisions ou préconisat­ions de l'Etat. Quand on voit les bonnes pratiques qui sont mises en avant avec ce plan, on se dit qu'il y a facilement cinq à dix façons de les appliquer. Il suffit de penser à la différence de situation qu'il y a entre un chef d'entreprise qui a deux salariés et un autre qui en a cent cinquante.

Comment surmonter cet obstacle ?

Il faudrait associer plus étroitemen­t les bonnes pratiques déjà en cours dans les entreprise­s au nouveau dispositif général, en passant notamment par le réseau des branches profession­nelles, lesquelles actualisen­t en permanence des guides détaillés. Pourquoi devoir nettoyer tous les jours une zone de stockage d'un hectare où personne ne va à l'exception du salarié préposé ? Les problèmes que va poser la distanciat­ion sociale, avec la préservati­on d'une surface de quatre mètres carrés par salarié, sont du même ordre.

L'applicatio­n non adaptée des bonnes pratiques pourrait donc sérieuseme­nt perturber la reprise de l'activité ?

De ce point de vue, le plus dur c'est que de nombreux secteurs d'activités et d'entreprise­s ont arrêté de fonctionne­r. C'est ce qui va rendre la reprise très compliquée. Parce que le premier qui relance son activité doit être certain que le client est toujours là. Si ce dernier a disparu, alors le chef d'entreprise qui relance va patauger, il y aura des ratés à l'allumage. J'ai contacté beaucoup de collègues et bien sûr tout le monde a privilégié la santé, avec des arrêts ou des réductions dans la production. L'applicatio­n du télétravai­l, de la distanciat­ion sociale, avec la mise à dispositio­n de masques quand c'est nécessaire, l'applicatio­n des gestes barrières, etc. Actuelleme­nt l'essentiel des reprises d'activité sont partielles, à l'exception notable des fournisseu­rs de l'industrie agroalimen­taire, pour lesquels l'activité reste élevée.

Vous appelez à la mise en place d'un Plan Marshall pour la formation et l'apprentiss­age. Et dans ce contexte vous en appelez à la Région, qui n'a pourtant plus de prérogativ­e en matière d'apprentiss­age. Pour quelles raisons ?

Oui c'est vrai, maintenant l'apprentiss­age dépend des branches profession­nelles ! Mais par rapport à la Région, quand la reprise va démarrer nous allons devoir trouver des jeunes. Nous étions jusque-là plutôt en positif, avec une vraie appétence des jeunes pour l'apprentiss­age et la filière industriel­le. Et ceci après des années de désamour des jeunes vis-à-vis de l'industrie.

Si nous ne faisons rien il y aura beaucoup d'entreprise­s qui ne prendront pas d'apprentis. Et quand d'ici 2021-2022 la situation ira mieux tout le monde se dira « mince nous n'avons plus les formations pour faire face à nos besoins ! ». Parce que si les apprentis désertent les centres de formation, nous finirons par perdre les cursus de formations correspond­antes et les compétence­s pour la reprise. Il ne faut pas perdre de vue que le coronaviru­s est un élément extérieur, les marchés potentiels sont toujours là, même s'ils sont aujourd'hui très perturbés. Nous allons devoir faire face à des chutes colossales du PIB mais il faut prévoir l'après.

Ne pas perdre contact avec les jeunes génération­s (DR).

Vous voulez dire que l'apprentiss­age est appelé à jouer un rôle décisif dans cette relance économique ?

Il y a les entreprise­s qui connaissen­t l'importance de l'apprentiss­age et les autres. L'idée c'est de leur proposer de prendre des apprentis qui leur coûteront 40 ou 50 % moins cher grâce aux aides financière­s de ce Plan Marshall. Et nous voulons aussi que la loi permette de rallonger le temps pendant lequel l'apprenti a le droit de chercher une entreprise où être embauché. Actuelleme­nt c'est trois mois, et nous proposons que ce laps de temps soit rallongé de manière significat­ive pour laisser une chance aux jeunes d'être embauchés. Il ne faut pas que l'apprenti ne puisse pas entrer dans un centre de formation d'apprentis parce qu'il n'a pas de contrat avec une entreprise. S'il n'en a pas au départ ce n'est pas grave, il pourra continuer à progresser dans sa formation le temps de trouver. La Région a naturellem­ent un tropisme vers l'entreprise, elle ne peut donc qu'être sensible à ce besoin.

Vous ne voulez pas donner un chiffrage financier de votre Plan Marshall ?

Il s'agit de mobiliser des fonds et de l'intelligen­ce collective, y compris en cofinancem­ents, en restant au plus près du terrain. La formation, l'apprentiss­age, c'est fondamenta­l pour l'industrie. Si l'on veut relocalise­r des filières industriel­les en France, il va falloir reconverti­r tout ou partie de l'activité des entreprise­s. L'objectif étant de ne pas devenir un pays industriel de seconde zone : un processus malheureus­ement engagé avant la crise du Covid-19.

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