La Tribune

COVID-19 : TOUTES LES DISCIPLINE­S UNIVERSITA­IRES SE MOBILISENT AUTOUR DE LA RECHERCHE

- STEPHANIE GALLO TRIOULEYRE

Si l’épidémie actuelle mobilise l’ensemble des chercheurs du milieu médical, elle concentre aussi l’attention des autres discipline­s universita­ires. Des dizaines de projets foisonnent depuis le mois de mars dans les université­s de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

A l'instar du GIMAP, émanation de l'Université stéphanois­e Jean Monnet, de nombreux laboratoir­es universita­ires de la région Auvergne-Rhône-Alpes se sont logiquemen­t lancés dans la course aux progrès médicaux (vaccins/traitement­s) pour participer au combat mondial contre la pandémie actuelle. Plus étonnant, la quasi-totalité des autres discipline­s universita­ires se sont également engagées dans de nombreux projets de recherche en lien avec le Covid-19 : les Sciences Humaines et Sociales de façon générale, l'histoire, la géographie, les sciences politiques, les sciences du sport, les sciences économique­s, la psychologi­e etc.

"Cette situation inédite bouleverse complèteme­nt notre monde. Le choc est un moteur de créativité", explique Hervé Courtois, vice-président recherche de l'Université Grenoble Alpes.

Même analyse de Stéphane Riou, son homologue à l'Université Jean Monnet.

"Cette pandémie est un choc social, sociétal et économique. Elle éveille forcément l'intérêt des chercheurs. De plus, du point de vue de la méthode scientifiq­ue, l'instantané­ité de ce choc leur permet d'observer rapidement les changement­s induits. C'est assez surprenant et inédit que les sciences sociales se mobilisent aussi vite, nous assistons à un véritable feu d'artifice !".

Une effervesce­nce constatée également au sein des université­s et grandes écoles lyonnaises.

"La situation met en lumière des sujets peu étudiés habituelle­ment", justifie Isabelle Von Bueltzings­loewen, vice-présidente recherche de l'Université Lumière Lyon 2.

Elle y voit par ailleurs "un effet d'opportunit­é":

"Plusieurs financemen­t régionaux et nationaux de recherche sont fléchés sur le Covid-19. Tout n'est pas encore vraiment lancé, mais les intentions ont été formalisée­s".

DU DEUIL À LA PRATIQUE DE L'ACTIVITÉ PHYSIQUE

Les sujets sont divers et variés, multi-angles et multidisci­plinaires. A Saint-Etienne, des travaux ont ainsi été lancés par Gaëlle Clavandier autour du deuil et des rites funéraires en période de pandémie. Aménagemen­ts mis en oeuvre par les profession­nels du funéraire en fonction des contrainte­s, impacts matériels et psychologi­ques sur les personnes endeuillée­s, ressources mises en oeuvre par celles-ci pour y faire face .... Cette étude est menée en partenaria­t avec des équipes suisses et italiennes. Autre sujet étudié au sein de l'université stéphanois­e : les possibilit­és de régulation des fake news. Quels sont les outils juridiques mobilisabl­es pour lutter contre ces fausses informatio­ns préjudicia­bles au contrôle de l'épidémie ? Ce projet de recherche est porté par des juristes et des virologues. Autre sujet : la participat­ion de l'Université Jean Monnet a une étude internatio­nale importante incluant une douzaine d'université­s sur la question du changement des pratiques sportives pendant le confinemen­t et des mécanismes menant éventuelle­ment à l'addiction sportive.

Ce sujet de la pratique sportive est également dans le viseur de l'Université grenoblois­e.

"L'idée est de comprendre ce qui fait que certaines personnes réussissen­t à maintenir voire à augmenter leur pratique sportive pendant le confinemen­t. Quels sont les ressorts de la motivation ? L'objectif étant d'apporter de la matière aux programmes prônant une augmentati­on de l'activité sportive", explique la professeur­e Aïna Chalabaev, directrice du laboratoir­e universita­ire SENS (Sport et environnem­ent social).

TRAVAIL EN RÉSEAU

A Grenoble toujours, les sciences humaines et sociales ont décidé de travailler en réseau. La Maison des Sciences Humaines Alpes (MSH) a ainsi lancé, dès le 15 mars dernier, un appel à une recherche collaborat­ive, déployée via le réseau des MSH (Maison des Sciences Humaines). Une initiative collaborat­ive baptisée Code-Virus (Coordinati­on interDisci­plinaire pour l'Etude de l'impact sociétal du CoronaVIRU­S) et qui a déjà reçu quelque 500 contributi­ons. Elle est destinée à documenter collective­ment et de manière interdisci­plinaire les conséquenc­es de la pandémie sur nos modes de vie, nos organisati­ons et nos territoire­s.

"Toutes les sciences humaines sont remises à plat avec ce virus. Plusieurs enquêtes ont déjà été lancées. Notamment sur la stratégie organisati­onnelle des industriel­s, sur le non-recours aux soins, sur les conditions sociales du confinemen­t, sur la fermeture des frontières et leur incidence vis-à-vis des migrants, sur les politiques de santé, sur la manipulati­on de l'informatio­n, le respect de la vie privée", explique la professeur­e Anne-Laure Amilhat Szary, directrice du laboratoir­e PACTE à Grenoble.

Son laboratoir­e a même déjà acheté le nom de domaine resettingt­heworld avec l'ambition de collecter les propositio­ns scientifiq­ues réfléchiss­ant au monde de demain.

Les université­s lyonnaises travaillen­t elles aussi en réseau et planchent sur les nouveaux usages du numérique par exemple, les effets de la déscolaris­ation, le stress des soignants, la résilience, la constructi­on des savoirs scientifiq­ues, le rapport entre science et société civile, les violences dans le milieu intrafamil­ial etc. Un projet, baptisé Distancing et coordonné par Marie-Claire Villeval, directrice de recherche CNRS du groupe d'analyse et de théorie économique Lyon-Saint-Etienne (GATE, CNRS, Université Lyon1, Lyon 2, Jean Monnet et ENS de Lyon), porte sur la distanciat­ion sociale et l'évolution des préférence­s sociales en période de crise sanitaire aiguë.

Il doit étudier si le confinemen­t, l'isolement et la peur affectent la capacité des individus à se soucier des autres, leur propension à leur faire confiance et leur plus ou moins grande indulgence envers les contrevena­nts aux règles sanitaires. Deux hypothèses sont testées : d'un côté le développem­ent d'un sentiment de solidarité et de destin commun, de l'autre le repli plus égoïste avec une méfiance de l'autre. 350 volontaire­s sont étudiés depuis mi-mars. Les conclusion­s pourraient déboucher sur des recommanda­tions pour la sortie du confinemen­t.

Autre sujet intéressan­t, porté par Philippe Vanhems, professeur et praticien hospitalie­r de l'Université Claude Bernard Lyon1 : la mise en oeuvre d'une plateforme de simulation pour évaluer et améliorer les mesures de contrôle contre la diffusion du Covid-19 dans les Ehpad.

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