LES QUOTIDIENS NATIONAUX EVITENT A PRESSTALIS DE SOMBRER
La coopérative de distribution des quotidiens a déposé un plan de sauvetage de Presstalis au tribunal de commerce de Paris. Celui-ci rendra sa décision vendredi.
Presstalis a sans doute frôlé la catastrophe. Juste avant une audience cruciale pour l'avenir du principal distributeur de la presse française, ce mardi matin, au tribunal de commerce de Paris, la coopérative de distribution des quotidiens (CDQ), actionnaire du groupe avec la coopérative de distribution des magazines (CDM), a déposé une offre de reprise de la société. Sans cette initiative, Presstalis, qui s'est déclaré en cessation de paiement le 20 avril dernier, risquait la liquidation.
Dans la foulée, le tribunal a mis son jugement en délibéré. Sa décision est attendue vendredi.
Ces dernières semaines, la CDQ et la CDM n'ont pas réussi à s'entendre sur un projet commun de reprise. L'initiative des quotidiens constitue un premier pas pour sortir de l'impasse. « La CDQ attire l'attention de tous les acteurs sur le risque que la perspective d'une liquidation judiciaire de Presstalis soit annonciatrice d'une catastrophe industrielle et sociale, avec des dégâts très lourds pour l'ensemble de la filière, à la fois pour les salariés et pour les dépositaires et les diffuseurs qui ont besoin de notre plein soutien », a déclaré la coopérative dans un communiqué.
LES QUOTIDIENS APPELLENT LES MAGAZINES À SE JOINDRE À EUX
Son projet est loin d'être complètement ficelé. Il laisse surtout la porte grande ouverte aux éditeurs de magazines qui souhaiteraient s'y associer, soit en devenant actionnaires de la nouvelle structure, soit comme clients. Dans son communiqué, la CDQ invite « les éditeurs magazines qui ont vocation à rejoindre ce projet structurant pour notre filière, à s'engager pleinement pour permettre que, sur la base de cette offre, soit finalisé sans délai un projet remportant l'adhésion des organisations syndicales ».
Pour la direction de Presstalis, la démarche de la CDQ a le mérite de débloquer une situation qui devenait critique. Dans une déclaration par mail, l'état-major du distributeur salue l'initiative. « La direction soutient cette proposition réaliste qui permet au groupe d'éviter une liquidation immédiate sur la totalité de son périmètre et l'arrêt de son activité de messagerie, avec un coût social majeur », précise-t-elle.
CASSE SOCIALE
D'un point de vue social, le plan de reprise porté par les quotidiens n'en reste pas moins violent. Dans le schéma actuel, le distributeur verrait ses effectifs fondre de 910 à environ 265 salariés. Ces derniers seraient répartis entre le siège parisien et ses activités de distribution et de groupage de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Ses dépôts régionaux, d'où partent les journaux, seraient liquidés. Et ce, quand bien même un grand nombre d'éditeurs de magazines décidaient de se joindre à l'offre de reprise. La CGT du livre, elle, tire à boulet rouge contre ce plan. Certaines structures locales de Presstalis, amenées à disparaître si l'offre de reprise était acceptée, se sont mises en grève ce mardi. Des imprimeries ont été bloquées. La distribution des quotidiens nationaux et de magazines n'a pas eu lieu à Marseille et à Lyon.
Désormais, les négociations à venir entre la CDQ et la CDM s'annoncent aussi cruciales que difficiles. Le plan de reprise des quotidiens ne sera pas viable s'il ne fédère pas quelques gros éditeurs de magazines. Or l'initiative de la CDQ, en tant que telle, embarrasse visiblement la CDM. Ce lundi en fin d'après-midi, son président, Frédérick Cassegrain, également directeur de la publication de Marianne, assurait à La Tribune que le plan de reprise n'était pas uniquement porté par la CDQ, et que « les discussions se poursuivaient »... La semaine dernière, un accord de reprise semblait sur les rails entre la CDQ et la CDM. L'Etat, qui chapeaute les négociations sur l'avenir de Presstalis via le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), a demandé aux protagonistes de coucher sur papier leurs desideratas. Mais dans sa lettre envoyée au Ciri, la CDM serait revenue sur certains points portant sur le financement d'une nouvelle structure. « Ils ne voulaient rien dépenser, ils souhaitaient que l'Etat finance tout », affirme une source proche du dossier.
UN RAPPROCHEMENT AVORTÉ AVEC LES MLP
Les relations entre la CDQ et la CDM sont depuis longtemps électriques. Certains accusent la CDM et certains de ses éditeurs de jouer la montre afin de pousser à liquidation de Presstalis, et filer chez son unique concurrent, les Messageries lyonnaises de la presse (MLP). Celles-ci représentent 40% du marché de la distribution des magazines. Mais elles ne sont pas armées pour approvisionner, comme le fait Presstalis, des quotidiens papiers dans tous les kiosques de l'Hexagone. La CDM a, un temps, poussé à un rapprochement entre Presstalis et les MLP. Mais il y a deux semaines, le projet a été enterré, se heurtant notamment à une fronde de la CGT du livre. En parallèle, la CDQ, elle, souhaitait préserver Presstalis en réduisant les coûts. « Leur plan était de refaire un mini-Presstalis version édulcorée », fustige Frédérick Cassegrain.
A ses yeux, un rapprochement avec les MLP constituait une solution durable. Selon lui, l'avenir de la filière appartient de plus en plus aux magazines, dont les contraintes de distribution sont moins lourdes et coûteuses que celles des quotidiens. « Les quotidiens quittent progressivement ce système de la vente au numéro, constate-t-il. Ils font de l'abonnement papier, bien sûr, mais surtout, et de plus en plus, de l'abonnement numérique. » Contacté par La Tribune, Louis Dreyfus, à la tête de la CDQ et du directoire du Monde, n'a pas encore répondu à nos sollicitations.