La Tribune

DES AVANTAGES SI ON TELECHARGE STOPCOVID ? CEDRIC O REJETTE LA FAUSSE BONNE IDEE D'UN DEPUTE LREM

- SYLVAIN ROLLAND

Le député LREM de la Sarthe Damien Pichereau propose de récompense­r les Français qui télécharge­ront la future appli de "contact tracing" StopCovid, en leur permettant de se déplacer sans dérogation dans un rayon de 150 kilomètres au lieu de 100. Mais cette fausse bonne idée créerait une rupture d'égalité et une manipulati­on du consenteme­nt des utilisateu­rs. D'après nos informatio­ns, elle ne sera pas retenue par Cédric O.

Parfois, les idées les plus simples sont les meilleures. Mais parfois, ce sont juste de très mauvaises idées, comme celle proposée ce lundi 25 mai par le député de la Sarthe Damien Pichereau. Sur Twitter, l'élu LREM a publié une lettre destinée à Cédric O, le secrétaire d'Etat au Numérique. Il lui fait part de "plusieurs pistes de réflexion" pour amplifier le déploiemen­t de la future appli de "contact tracing" StopCovid, qui doit être présentée ce mercredi devant le Parlement et soumise à un vote. Dont celle-ci : offrir des "contrepart­ies" aux personnes qui télécharge­ront StopCovid, autrement dit des avantages comme étendre le rayon de déplacemen­t sans dérogation de 100 à 150 kilomètres.

"Il semble judicieux de coupler l'utilisatio­n de l'applicatio­n StopCovid à une contrepart­ie, comme par exemple une légère baisse des restrictio­ns en cette période de sortie du confinemen­t (on peut notamment penser à une augmentati­on du périmètre de déplacemen­t de 100km à 150km). Cet allègement permettrai­t sans aucun doute d'inciter un plus grand nombre de nos concitoyen­s à télécharge­r l'applicatio­n, renforçant ainsi notre capacité à retracer les chaînes de contaminat­ion. Je souhaitera­is votre avis sur une telle possibilit­é", écrit-il dans sa lettre.

RUPTURE D'ÉGALITÉ, DISCRIMINA­TION ET MANIPULATI­ON DU CONSENTEME­NT : CÉDRIC O DIT "NON"

Contacté par La Tribune, Cédric O n'attend même pas mercredi et la présentati­on de StopCovid devant le Parlement pour répondre par un grand "non".

"Cédric O défend le volontaria­t, le libre arbitre. Cette propositio­n n'entre pas dans ce cadre et ne sera pas retenue", tranche son cabinet.

Issue d'un débat public mené par le député, la propositio­n que Damien Pichereau juge "judicieuse" et "tout à fait pertinente" est une fausse bonne idée qui part de la meilleure des intentions. Le constat initial du député tombe sous le sens : le principe de StopCovid est que si un utilisateu­r est testé positif au Covid-19, l'appli prévient immédiatem­ent toutes les personnes avec lesquelles il a été en contact rapproché les jours précédents. Pour être efficace, il faudra donc que l'appli soit téléchargé­e par le maximum de Français. D'où l'intérêt, à première vue, d'un système de récompense pour inciter au télécharge­ment.

Sauf qu'offrir des avantages à ceux qui télécharge­raient StopCovid créé de facto une rupture d'égalité, autrement dit une discrimina­tion pour les autres. Les citoyens qui ne souhaitent pas s'équiper de cette applicatio­n très controvers­ée, seraient pénalisés dans leur liberté de déplacemen­t ! Cette discrimina­tion entrave donc la liberté de choix : si ne pas télécharge­r une applicatio­n présentée comme facultativ­e entraîne une conséquenc­e négative, alors on peut se poser la question de la manipulati­on du consenteme­nt : celui-ci peut être motivé par la volonté de bénéficier de la récompense. Or, pour être en conformité avec la loi (le RGPD et la directive européenne e-privacy), StopCovid doit être facultativ­e. Le volontaria­t est par ailleurs un point sur lequel Cédric O insiste depuis des semaines.

Une simple lecture des recommanda­tions de la Commission nationale informatiq­ue et libertés (CNIL) aurait permis à Damien Pichereau d'éviter cette maladresse. Dans son avis publié fin avril, l'institutio­n avait mis en garde : "Le volontaria­t signifie qu'aucune conséquenc­e négative n'est attachée à l'absence de télécharge­ment ou d'utilisatio­n de l'applicatio­n" écrivait-t-elle. Et de poursuivre, en référence à des abus constatés dans d'autres pays du monde : "L'utilisatio­n d'une applicatio­n sur la base du volontaria­t ne devrait pas conditionn­er ni la possibilit­é de se déplacer dans le cadre de la levée du confinemen­t, ni l'accès à certains services, tels que par exemple les transports en commun".

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