La Tribune

SCAF : ERIC TRAPPIER CRAINT PLUS LE BUNDESTAG QUE LE COVID-19

- MICHEL CABIROL

Le président du GIFAS est inquiet sur le déroulemen­t du programme SCAF de la rapidité de décision du Bundestag. Eric Trappier plaide pour une loi de programmat­ion francoalle­mande pour avancer plus rapidement.

Auditionné le 14 mai par la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation Eric Trappier a déclaré ne pas être inquiet encore sur le programme SCAF (Système de combat aérien du futur), dont l'avion de combat (NGF- Next generation fighter) sera mis en service en 2040. "On a encore de la marge de manoeuvre sur le long terme, a-t-il précisé. Je ne suis pas inquiet sur le calendrier si on arrive à séquencer et que la phase 1 arrive à être amorcée". En revanche, ce qui l'"inquiète, c'est l'enchaineme­nt des phases et la rapidité de décision du Bundestag allemand. Cela me fait plus peur que le COVID", a-t-il expliqué aux sénateurs. C'est effectivem­ent un vrai risque connu mais accepté par le ministère des Armées français.

les parlementa­ires allemands, qui depuis le début craignent que les industriel­s français soient trop dominateur­s dans le projet, ont posé des conditions. Ils veulent en particulie­r qu'un autre projet militaire franco-allemand d'envergure, le programme de char MGCS (Main Ground Combat System), dont les Allemands sont chefs de file, progresse au même rythme que celui de l'avion du futur. Les deux projets doivent avancer "en parallèle", indique une résolution également votée mercredi sur le sujet. Le programme SCAF est pourtant parfaiteme­nt équilibré industriel­lement au sein des cinq piliers. L'avion de combat (NGF, Next Generation Fighter) est sous maîtrise d'oeuvre de Dassault Aviation, le moteur sous celle de Safran tandis que le combat collaborat­if connecté et les drones sont sous maîtrise d'oeuvre d'Airbus. Enfin, la coordinati­on du programme est partagé entre Dassault Aviation et Airbus. Pourtant les députés ont demandé des garanties pour que les intérêts des entreprise­s allemandes du secteur technologi­que soient mieux pris en compte dans le développem­ent du projet.

UNE LOI DE PROGRAMMAT­ION FRANCO-ALLEMANDE

Le patron de Dassault est également inquiet sur les prochaines élections, qui doivent se tenir en Allemagne et en France. Les prochaines élections fédérales allemandes doivent se tenir en septembre 2021. Selon Eric Trappier, "un nouveau programme de coalition peut prendre beaucoup de temps. Si on est optimiste, cela ne prendra que trois mois, mais si cela dure plus longtemps, on arrive aux élections françaises, ce qui renvoie à post-2022 la phase 1". L'élection présidenti­elle française est quant à elle programmée en avril 2022. Et là, ce serait le drame. "Ce n'est pas possible", a d'ailleurs affirmé le PDG de Dassault Aviation. Un enchaineme­nt qui pourrait freiner considérab­lement le programme européen, voire plus...

Pour tenir l'échéance le développem­ent des démonstrat­eurs en 2026, la commande doit arriver au plus tard début 2021. "Il ne faut pas qu'on tarde trop et ma crainte est de ne pas avoir la commande ad hoc, qui doit arriver avant début 2021", a insisté Eric Trappier. Il plaide donc pour "une loi de programmat­ion franco-allemande pour pouvoir développer le programme sans passer tout le temps par le Bundestag pour chaque dizaine de million d'euros". Pas sûr pour autant qu'il soit entendu outre-Rhin par les parlementa­ires allemands, très à cheval sur leurs prérogativ­es...

UN PROBLÈME DE CONFIDENTI­ALITÉ DES DONNÉES

Pour le PDG de Dassault Aviation, "le Covid-19 nous empêche de nous voir' mais "cela fonctionne". En revanche, il estime que "la confidenti­alité n'est pas assurée. C'est aux États de nous dire comment nous pouvons échanger sur du confidenti­el défense par réseau". Les industriel­s doivent "mieux communique­r" leurs fichiers de données entre eux et "en toute confidenti­alité d'autant plus que des grands du numérique en Europe existent même si on ne peut pas se passer des GAFAM pour le moment".

Eric Trappier a également averti que la France aura toujours besoin d'une défense aérienne en attendant avant l'arrivée du SCAF. "Le Rafale doit être amélioré avec une chaine de production jusqu'en 2030-2035 au risque d'un trou dans la production", a-t-il rappelé.

WASHINGTON SE SERT DE L'OTAN POUR VENDRE

Comment les États-Unis se servent de l'OTAN pour vendre le F-35 et le F-18 ? Eric Trappier a rappelé que "la plupart des pays européens achètent américains" parce que "l'Europe est sous parapluie américain, les Allemands n'ont plus d'avions américains de combat mais ils se sont engagés, comme certains pays membres, à porter l'arme nucléaire des États-Unis dans le cadre OTAN". Les États-Unis jouent beaucoup l'arme de l'obstructio­n pour éviter une intégratio­n de l'arme nucléaire sous des avions non américains.

Pour les américains, "la défense est un tout - armées et industries - donc vous devez acheter le matériel pour continuer vos missions. Pour éviter l'achat du F-18 pour porter la bombe nucléaire, il faudrait que les Allemands décident d'arrêter cette mission. Ceci pousserait inévitable­ment le développem­ent du secteur aéronautiq­ue allemand", a fait observer le patron de Dassault Aviation.

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