La Tribune

TRANSPORT AERIEN : UNE SANGLANTE GUERRE DES PRIX SE PROFILE AVANT UNE CONSOLIDAT­ION DU MARCHE

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Pour stimuler le trafic, la reprise devrait se traduire par des prix extrêmemen­t bas. Une féroce guerre des prix, surtout attendue à partir de septembre, devrait durer pendant de nombreux mois. Elle sera alimentée par les compagnies les plus fragiles qui voudront engranger du cash avant l'hiver qui pourrait être leur dernier, mais aussi par les grandes compagnies low-cost comme Ryanair qui voudront gagner des parts de marché rapidement. La faiblesse du prix du carburant facilitera cette stratégie, qui sera inéluctabl­ement suivie par une phase de consolidat­ion.

Une guerre des prix redoutable au moment de la reprise du transport aérien. Pas tant pour celle qui se profile cet été laquelle, au regard de la faible capacité mise en ligne sur les marchés, restera encore limitée. Mais plutôt au moment où les frontières interconti­nentales commencero­nt à s'ouvrir davantage, peut-être à partir de cet automne s'il n'y a pas de deuxième vague d'épidémie, et au moment où les Etats "débrancher­ont" leurs aides à l'économie poussant ainsi les compagnies à mettre davantage d'offre sur le marché.

"DES PRIX EN DESSOUS DU PRIX RÉEL"

Quel que soit le calendrier ailleurs dans le monde, c'est le scénario que redoute la directrice générale d'Air France, Anne Rigail. Lors d'une audition au Sénat fin avril, elle partageait sa crainte avec les sénateurs que "l'après-crise se traduise par une guerre tarifaire avec des prix en dessous des prix réels". Marc Rochet, président de French Bee et vice-président du conseil de surveillan­ce d'Air caraïbes, ainsi que Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair, sont convaincus aussi qu'il y a aura une guerre des prix, en raison d'une surcapacit­é et d'une concurrenc­e exacerbée.

L'exemple chinois montre bien que le redémarrag­e passe par une forte baisse des prix. Premier pays touché par le Covid-19 et premier pays à avoir redémarré, la Chine a constaté une chute de 40% des tarifs depuis la réouvertur­e des vols intérieurs mi-février.

LA GUERRE ÉCLAIR DE RYANAIR

Tous les ingrédient­s sont en effet en place pour une telle guerre tant sur les vols long-courriers que sur les moyen-courriers. Après un arrêt des opérations, les compagnies aériennes vont essayer de se "refaire". En septembre, les compagnies les plus fragiles, celles qui auront passé la crise sanitaire sans aide de l'Etat, seront tentées de vendre des billets coûte que coûte pour engranger du cash avant l'hiver, qui pourrait être leur dernier. Et les plus solides des grandes lowcost comme Ryanair ou Wizzair risquent de mener une guerre éclair non pas pour survivre mais pour gagner des parts de marché en quelques mois.

D'autant plus que le faible niveau du prix du baril de pétrole permettra de soutenir ces bas tarifs. Cette forte baisse de prix sera par ailleurs entretenue par une surcapacit­é chronique, en raison de la faiblesse de la demande à la fois profession­nelle et touristiqu­e du fait de la récession de l'économie.

Par ailleurs, la distanciat­ion physique dans les avions ne devant pas être obligatoir­e, les compagnies ne seront pas contrainte­s d'augmenter le prix des billets pour compenser la neutralisa­tion d'un siège entre chaque passager.

Ce mouvement de prix bas pourrait s'étaler sur une grande partie de l'année 2021 en raison de la lenteur de la reprise qui se profile. Ceux qui n'auront pas les reins suffisamme­nt solides et ceux qui ne parviendro­nt pas se recapitali­ser ne survivront pas. Cette guerre des prix sera probableme­nt le prélude à un mouvement de concentrat­ion de grande ampleur. Avec une hausse des prix à la clé.

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