La Tribune

ESSAIS CLINIQUES : KAYENTIS ADAPTE SON OFFRE FACE AU COVID-19

- MARIE LYAN

En pleine crise du Covid-19, l’éditeur spécialisé dans les solutions de collecte de données cliniques a dû mettre sur pied un plan de continuité. Objectif : permettre à ses clients de continuer à poursuivre leurs essais cliniques sur différente­s pathologie­s malgré un contexte sanitaire délicat.

L'isérois Kayentis fait partie des sociétés dont les activités ont été boostées par le Covid-19. Mais également bousculées. Car en fournissan­t des logiciels de collecte de données cliniques à de grands laboratoir­es et biotechs du milieu pharmaceut­ique, Kayentis n'a pas connu le chômage partiel.

La société, dont les trois quarts des effectifs (140 salariés) sont toujours basés à Meylan (38), a déjà participé à 220 essais cliniques réalisés sur près de 12 000 sites et 80 000 patients. Et intervient principale­ment sur des études cliniques avancées (phases 2 et 3), liées aux secteurs de l'oncologie, des pathologie­s inflammato­ires ou maladies auto-immunes, à travers près de 75 pays.

L'ancienne spin-off de Hewlett-Packard (HP), détenue aujourd'hui par deux fonds d'investisse­ments français (Extens Développem­ent Santé et LBO France), a même engrangé de nouveaux contrats, avec l'arrivée de cinq nouveaux essais cliniques d'entreprise­s biopharmac­eutiques émergentes (EBPs) au sein de son portefeuil­le.

Mais le plus grand impact de la crise sanitaire s'est révélé sur un autre terrain.

"On a beaucoup parlé des essais autour du Covid-19, mais cela ne représente qu'environ 150 travaux lancés au niveau mondial, sur un total de 20 000 essais actifs dans le monde. Mais le vrai impact a été de gérer le fait que, dans beaucoup de pays, les patients des essais en cours n'avaient plus accès aux suivis programmés au sein des hôpitaux", explique Guillaume Juge, Ceo de Kayentis.

Or, à l'heure où l'ensemble du corps médical s'est mobilisé pour renforcer les services d'urgence, il a fallu trouver rapidement une solution à apporter aux patients, dont le suivi était jusqu'ici réalisé en milieu hospitalie­r, à travers des questionna­ires et remontées d'informatio­ns.

"Les personnes qui nécessiten­t un suivi quotidien étaient déjà équipées de tablettes ou smartphone­s, mais nous avons dû trouver de nouvelles manières de fournir des données, souvent critiques et très réglementé­es, pour celles qui les renseignai­ent lors de leurs rendezvous mensuels ou trimestrie­ls sur site".

ADAPTER LA PRISE EN CHARGE EN PLEINE CRISE

Kayentis a donc passé au peigne fin une centaine de projets en cours, menés sur près de 20 000 patients, afin d'étudier avec ses clients la manière d'adapter leur prise en charge.

"Tous n'étaient pas concernés de la même façon, en fonction de la situation sanitaire et organisati­onnelle du pays", glisse-t-il, estimant qu'environ 20% d'entre eux ont été impactés de manière significat­ive.

Après avoir identifié plusieurs pistes de travail aux laboratoir­es, Kayentis a finalement opté pour un recueil d'informatio­ns, toujours sous forme de questionna­ire, mais dispensé par un personnel médical habilité, lors d'un échange téléphoniq­ue.

La mise en place d'une interface web destinée aux patients a notamment été écartée, pour des raisons d'uniformisa­tion et d'homologati­on des contenus, qui auraient nécessité une validation ainsi que la mise en place de nouveaux protocoles en un court laps de temps. Car compte-tenu des normes en vigueur dans le secteur des essais cliniques, les modes de recueil des données doivent être réalisés "de manière régulière et sous un format identique".

Guillaume Juge reste toutefois convaincu que la digitalisa­tion croissante du secteur se trouvera fortement accélérée par le contexte actuel.

"Le secteur est déjà passé d'un taux de digitalisa­tion de 30% en 2015 à 60% en 2020, et j'ai la conviction qu'il pourrait monter à 90% d'ici cinq ans. Cette crise va constituer un accélérate­ur très fort, avec un développem­ent encore plus fort de la télémédeci­ne mais aussi l'idée de faire venir, non plus les patients à l'hôpital, mais l'hôpital aux patients", pressent-il.

UNE CROISSANCE QUI OSCILLE ENTRE 30 ET 50%

Kayentis se dit d'ores et déjà prête à cette évolution, car la société, fondée en 2003, n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà pivoté une première fois en 2013, lors de l'arrivée aux commandes de Guillaume Juge.

Spécialisé­e à l'origine dans la technologi­e des stylos communican­ts à destinatio­n de plusieurs cibles dont l'industrie pharmaceut­ique, celle-ci n'avait pas trouvé son marché. "Nous nous sommes alors tournés vers le nouvel objectif de déployer les technologi­es nécessaire­s pour adresser les essais cliniques pharmaceut­iques", confirme son dirigeant.

Depuis, l'isérois est devenu le principal acteur européen dans son domaine, face à des concurrent­s le plus souvent américains ou asiatiques, et mise sur sa croissance continue pour accélérer ses développem­ents.

Kayentis a en effet enregistré une croissance annuelle de 50% au cours des deux dernières années, et venait de clôturer son dernier exercice au 31 mars dernier avec un bond de 35% de son chiffre d'affaires (12,4 millions d'euros). Une performanc­e qu'il espère pouvoir réitérer en 2020, et ce, malgré le Covid-19.

Juste avant la crise sanitaire, la compagnie a ouvert une filiale à Tokyo, en début d'année, en vue de l'aider à adresser le marché asiatique. Il s'agit de sa seconde implantati­on à l'étranger, après l'ouverture d'un site à Boston, il y a deux ans.

"Cette crise n'a pour l'instant pas eu d'impact significat­if sur les projets en cours, puisque nous avons continué de signer de nouveaux projets", illustre Guillaume Juge.

Le dirigeant, qui se dit "optimiste", rappelle que son entreprise se trouve encore en phase d'expansion, avec une moyenne de trois nouveaux recrutemen­ts par mois depuis 2017, sur des postes de développeu­rs ou de chefs de projets.

"Le secteur des essais cliniques devrait continuer de connaître une croissance majeure, car les besoins sont là. D'autant qu'après le Covid-19, les laboratoir­es vont probableme­nt se dire qu'il pourrait y avoir de nouvelles maladies à surveiller", conclut-il.

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