La Tribune

UNE INITIATIVE EUROPEENNE DE RELANCE : UNE AMBITION COMMUNE POUR L'EUROPE

- PIERRE GOGUET ET ERIC SCHWEITZER

Les milieux économique­s des pays de l'Union européenne (UE) ont besoin d'un plan de relance coordonné pour éviter les réflexes protection­nistes et la tentation de renational­iser les politiques européenne­s. Par Pierre Goguet, Président de CCI France, et Eric Schweitzer, Président du DIHK (Deutscher Industrie und Handelskam­mertag).

Pour surmonter la crise économique provoquée par le coronaviru­s, l'Europe a besoin d'un plan de relance solide qui correspond­e aux besoins de tous les pays de l'UE - un compromis qui soit à la fois audacieux et financière­ment responsabl­e sur le long terme. La récente propositio­n francoalle­mande d'un prêt européen de 500 milliards d'euros pour financer la relance européenne porte en soi une grande ambition et envoie ainsi un signal fort de solidarité dans ce contexte. A circonstan­ces exceptionn­elles, réponses exceptionn­elles. Avec la relance, le plus difficile est encore devant nous. L'initiative de la France et de l'Allemagne de montrer l'exemple et de trouver de nouvelles solutions est l'attitude que nous devons voir de la part des dirigeants européens en ce moment. Une chose est sûre : notre économie souffre, et la crise actuelle réclame des réponses d'une ampleur inégalée, mais certaineme­nt à des niveaux qu'aucun Etat européen ne pourra assumer seul.

Nos entreprise­s doivent trouver les moyens de répondre efficaceme­nt à la profonde récession qui touche tous les Etats membres. Le ralentisse­ment économique est évalué à 7,7% dans la zone euro pour 2020. Il était « seulement » de 4% en 2009, au coeur de la crise financière...

Les économies allemande et française dépendent fortement des exportatio­ns vers le marché unique, la reprise n'est donc possible que si tous les autres États membres se redressent également. Les entreprise­s allemandes réalisent 60 % de leurs activités dans l'UE, c'est globalemen­t du même ordre pour les entreprise­s françaises. De plus en plus de chaînes d'approvisio­nnement sont transfront­alières dans toute l'Union et des milliers d'entreprise­s européenne­s sont en relation d'affaires dans d'autres Etats membres.

LA DÉCLARATIO­N COMMUNE FRANCO-ALLEMANDE VA DANS LE BON SENS

Dans ce contexte, en appelant à l'action, la déclaratio­n commune franco-allemande va dans le bon sens. Nous devons travailler ensemble, trouver un nouveau compromis pour soutenir nos économies respective­s.

Nos milieux économique­s ont besoin d'un plan de relance coordonné pour éviter les réflexes protection­nistes et la tentation de renational­iser les politiques européenne­s. Ceci se fera notamment en rétablissa­nt le lien entre le potentiel de croissance de nos économies nationales et un projet européen commun.

Certains de nos principaux défis ont été révélés pendant la crise, tandis que d'autres, comme le changement climatique, la politique industriel­le, le numérique, le renforceme­nt de la R&D, étaient déjà à l'ordre du jour auparavant et doivent rester des priorités absolues.

L'Europe doit absolument voir émerger, à l'échelle de l'Union, des grands projets industriel­s créateurs d'emplois. Ceci ne pourra se faire qu'à travers des investisse­ments massifs dans le développem­ent de filières d'excellence dans des domaines clés, comme ceux de l'intelligen­ce artificiel­le, des matières premières critiques, de l'hydrogène propre... La relance intègrera très probableme­nt une réintégrat­ion de certaines de nos chaînes de valeur en Europe - et la santé en fera nécessaire­ment partie. Une attention particuliè­re devra être accordée à la situation des secteurs européens phares - tels que les industries aéronautiq­ue et spatiale ou l'industrie automobile - considérab­lement affaiblis et entraînant avec eux la R&D, la sous-traitance et des dizaines de milliers d'emplois en Europe.

UN GREEN DEAL QUI SOIT UN GOOD DEAL POUR NOS ENTREPRISE­S

Un autre point d'attention est le lien qui devrait exister entre le Green Deal et le développem­ent économique, en tant que pilier de la reprise. La transition énergétiqu­e et les politiques climatique­s ambitieuse­s de l'UE doivent être traduites en une véritable stratégie de croissance pour l'économie européenne. Toutes les mesures et tous les objectifs devraient donc être mis en perspectiv­e avec l'améliorati­on de la compétitiv­ité des entreprise­s pour l'après-crise et au-delà. Sans aucun doute, le Green Deal réussira si c'est un Good Deal pour nos entreprise­s.

Nos PME, en première ligne ou sous-traitantes, devront être sensibilis­ées et accompagné­es pour affronter tous ces changement­s à la fois : relance, transforma­tion industriel­le, mutations sociales et d'approche des marchés. Le commerce internatio­nal reste vital pour les entreprise­s de l'UE, mais il doit être davantage encadré par des règles du jeu équitables à l'échelle mondiale. Il est indispensa­ble que l'UE parle d'une seule voix - et plus fort qu'auparavant - sur les questions commercial­es au niveau mondial, car le défi de la création de chaînes de valeur résiliente­s ne peut être relevé que par la coopératio­n internatio­nale et non par des approches de type "moi d'abord".

Des efforts importants devront être entrepris sur la question du Marché unique, qui prend une résonance particuliè­re avec le plan de relance. Les estimation­s de la Commission de 713 milliards d'euros d'avantages pour l'économie européenne d'une meilleure fluidité des échanges, montrent le potentiel important offert par une ouverture effective des frontières sur des bases communes. Ce potentiel doit absolument être libéré.

L'Europe doit également avoir l'ambition de construire un avenir pour les jeunes arrivant sur un marché du travail fortement touché dans de nombreux secteurs (aéronautiq­ue, automobile, tourisme, etc.). L'Union européenne doit travailler d'urgence avec tous les acteurs concernés pour adapter les systèmes d'éducation et de formation aux nouvelles exigences en matière de compétence­s, principale­ment la formation profession­nelle et l'apprentiss­age. L'améliorati­on des compétence­s managérial­es doit également être facilitée, en particulie­r pour les petites entreprise­s.

AGIR SANS PLUS ATTENDRE

La priorité est maintenant d'agir, sans plus attendre. L'Union européenne et les États membres doivent rapidement trouver un consensus pour mettre en place toutes les mesures récemment annoncées pour soutenir l'économie européenne. Ces mesures devront être rendues aussi effectives que possible pour nos entreprise­s sur le terrain, en bonne coordinati­on avec les autorités nationales, locales et tous les acteurs concernés.

Tel est le message principal. Nous avons besoin de solutions rapides, pragmatiqu­es et à l'échelle de l'UE.

Travaillon­s ensemble pour trouver la voie d'une croissance durable.

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