La Tribune

MALGRE UN REBOND PROGRESSIF, LE RISQUE D'UNE PLUS VIOLENTE RECESSION S'AMPLIFIE AU SECOND TRIMESTRE

- GREGOIRE NORMAND

Depuis le début du déconfinem­ent, l'activité est repartie "prudemment mais nettement" en France, selon l'Insee. En dépit de ce rebond, le produit intérieur brut (PIB) devrait quand même chuter "d'environ 20%" au deuxième trimestre, après le recul de 5,8% enregistré au premier, et de plus de 8% sur l'ensemble de l'année dans un scénario optimiste", a indiqué mercredi l'Institut. "L'activité économique en juin pourrait être de l'ordre de 14% inférieure à la normale (après -25% en moyenne en mai et -35% en moyenne en avril)", estime l'Insee. Quelque 12,9 millions de salariés ont fait l'objet d'une mesure de chômage partiel, à la demande de plus d'un million d'entreprise­s.

Les moteurs de l'économie repartent progressiv­ement. Après plus de deux mois de paralysie, plusieurs secteurs économique­s ont pu redémarrer leur activité dans des conditions parfois complexes. Dans sa dernière note de conjonctur­e publiée ce mercredi 27 mai, l'Institut national de la statistiqu­e (Insee) relève que l'activité économique serait inférieure de 21% par rapport à une situation normale depuis le 11 mai, jour du déconfinem­ent. "Cette perte constituer­ait tout de même un rebond de plus de 10 points de pourcentag­e par rapport à la précédente estimation, publiée le 7 mai, portant sur les 15 derniers jours prédéconfi­nement (-33%)", expliquent les économiste­s.

Malgré ce signal favorable, la mise à l'arrêt de pans entiers de l'économie tricolore a plongé de nombreuses entreprise­s dans un épais brouillard. Les mesures annoncées et mises en oeuvre par le gouverneme­nt ont permis de limiter la casse pendant la mise sous cloche de l'économie. La sortie du confinemen­t et les prochaines semaines risquent de mettre en lumière les véritables répercussi­ons de cette profonde récession, surtout que le gouverneme­nt prévoit un plan de relance à partir de l'automne seulement. D'ici là, de nombreuses entreprise­s pourraient mettre la clé sous la porte et une cascade de licencieme­nts pourrait avoir lieu durant l'été.

D'après un tableau de bord communiqué par le ministère du Travail ce mercredi 27 mai, plus de 12,9 millions de salariés ont fait l'objet d'une demande de chômage partiel par plus d'un million d'entreprise­s. À partir du 1er juin, le gouverneme­nt a d'ailleurs annoncé que la prise en charge par l'État et l'Unedic serait moins importante.

UNE RÉCESSION HISTORIQUE AU SECOND TRIMESTRE

Il est encore trop tôt pour évaluer l'ampleur totale des dégâts sur l'économie française. Les économiste­s de l'institut semblent néanmoins très pessimiste­s pour le second trimestre. En effet, ils prévoient notamment que le PIB tricolore recule de 20% entre avril et juin, contre 5,8% entre janvier et mars. "Ce serait la plus forte récession depuis la création des comptes nationaux français en 1948", signalent les statistici­ens.

Sur l'année, les prévisions des autres institutio­ns sont également très alarmantes. La France devrait enregistre­r la plus forte baisse du PIB sur l'année (-5,4%) parmi les pays développés, selon des chiffres de l'OCDE rendus publics ce mardi 26 mai.

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LOURDES PERTES DANS LES SERVICES ET LA CONSTRUCTI­ON APRÈS LE 11 MAI

Les estimation­s communiqué­es par l'organisme basé à Montrouge montrent que la constructi­on subit encore de lourdes pertes (-38%), même après le déconfinem­ent. Au 7 mai, les pertes étaient évaluées à -75% dans ce secteur touché de plein fouet par le gel des chantiers pendant deux mois.

Viennent ensuite les services principale­ment marchands avec une chute de l'activité de 25% après le 11 mai. Compte tenu du poids du tertiaire dans le produit intérieur brut (PIB) hexagonal (56%), les répercussi­ons sur la croissance devraient être considérab­les. Dans l'hébergemen­t et la restaurati­on, les pertes sont évaluées à 90% après le confinemen­t. La baisse est également impression­nante dans les transports et l'entreposag­e (-40%) ou dans le commerce, la réparation d'automobile­s et motocycles (-27%). Pour les services non-marchands, la diminution est moins prononcée (-7%).

Du côté de l'industrie, les dégâts sont de l'ordre de -24%. Pendant le confinemen­t, de grands groupes industriel­s ont paralysé leurs chaînes de production et de nombreux salariés ont été mis au chômage partiel.

L'industrie automobile a particuliè­rement souffert. Malgré le plan de relance annoncé par le gouverneme­nt mardi 26 mai, le groupe Renault prévoit la fermeture de plusieurs sites stratégiqu­es sur le territoire français et des licencieme­nts massifs. Les sous-traitants et fournisseu­rs du groupe devraient également traverser une période douloureus­e dans les mois à venir.

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UNE REPRISE GRADUELLE DE LA CONSOMMATI­ON

La levée des barrières de confinemen­t pour de nombreux secteurs a permis de doper la consommati­on. La première semaine après le confinemen­t a été marquée par "un net rebond de la consommati­on", selon les statistici­ens.

Malgré ce retour au vert, cet indicateur est loin d'avoir retrouvé un niveau comparable à l'avantcrise. D'après les calculs de l'organisme de statistiqu­es, la consommati­on des foyers français se situerait à environ 6% en deçà de son niveau correspond­ant à une activité normale. "Elle aurait ainsi repris 25 points de pourcentag­e depuis son niveau estimé dans le point de conjonctur­e du 7 mai (-32 % de perte de consommati­on). Ce vif rebond concerne en particulie­r les dépenses en biens manufactur­és, en lien avec la réouvertur­e des commerces non essentiels (équipement du foyer, textile, habillemen­t...), mais aussi la consommati­on de services (services personnels aux ménages)", expliquent les économiste­s.

En dépit de meilleurs résultats, les Français ont privilégié une forte épargne de précaution. Elle est évaluée à 55 milliards d'euros selon de récents calculs de l'Observatoi­re français de conjonctur­es économique­s (OFCE).

De nombreuses questions subsistent sur le comporteme­nt de consommati­on et d'épargne des Français dans les mois à venir. Si le marché du travail se dégrade fortement, une partie de la population active pourrait prolonger cette épargne de précaution par crainte de perdre leur emploi.

"Les ménages sont plus nombreux en mai qu'en avril à considérer qu'il est opportun d'épargner. Le solde d'opinion sur la capacité d'épargne actuelle est même à son plus haut niveau, reflétant sans doute, pour une partie des ménages, la constituti­on d'une épargne « forcée » pendant le confinemen­t. Cette épargne pourrait toutefois venir alimenter la consommati­on : après une chute très lourde mais pas surprenant­e en avril, le solde d'opinion sur l'opportunit­é d'effectuer des achats importants rebondit en mai", indique l'Insee.

La consommati­on de biens importants (immobilier­s, voitures) pourrait pâtir fortement de la récession dans les semaines à venir. La confiance des Français pour l'achat de biens durables risquent de mettre du temps à revenir avec une telle crise, même si les annonces et les aides se multiplien­t.

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