La Tribune

ORGANISATI­ON MONDIALE DU COMMERCE : LE TEMPS DE L'AFRIQUE ?

- RISTEL TCHOUNAND

Au moins quatre personnali­tés africaines sont intéressée­s par la direction générale de l’Organisati­on mondiale de Commerce (OMC) après la démission surprise du Brésilien Roberto Azevêdo. Les voix s’élèvent en faveur de l’élection d’un Africain et certains experts relèvent toutefois certains impératifs, notamment en matière de stratégie.

Qui sera le prochain directeur général de l'Organisati­on mondiale du commerce ? La démission surprise de Roberto Azevêdo -annoncée pour fin août et intervenan­t un an avant la fin de son mandat- a ouvert la porte à une nouvelle « compétitio­n » internatio­nale à la tête de cette instance onusienne. Quatre personnali­tés africaines ont déjà manifesté leur intérêt pour le poste, jamais dirigé par un ressortiss­ant du Continent depuis la fondation de l'institutio­n le 1er janvier 1995.

AMINA MOHAMED REVIENT À LA CHARGE

La Kényane Amina Mohamed, qui se présente ainsi pour la deuxième fois après 2013, fait beaucoup parler d'elle. Première ministre des Affaires étrangères du Kenya jusqu'en 2018, cette avocate est connue pour ses casquettes nationales et internatio­nales. L'ex-directrice exécutive adjointe du Programme des Nations Unies pour l'environnem­ent (PNUD), plusieurs fois ministres dans son pays, tient actuelleme­nt les rênes du départemen­t kényan des Sports. Selon certains analystes, sa casquette de politicien­ne ferait d'elle la favorite des candidats africains. La presse kényane rapporte qu'elle aurait déjà activé ses réseaux pour obtenir le soutien des présidents africains.

YONOV FREDERICK AGAH, N°2 QUI POURRAIT DEVENIR N°1 ?

Ambassadeu­r du Nigéria auprès de l'OMC à partir de 2005, le Nigérian Yonov Frederick Agah est nommé adjoint d'Azevêdo en 2013. Riche d'un parcours d'une trentaine d'années, il a occupé de hautes fonctions dans le domaine du commerce dans son pays, avant d'entamer une carrière internatio­nale. Le diplomate nigérian est connu pour avoir joué un rôle clé dans l'adhésion de son pays aux organisati­ons onusiennes liées au commerce. Certaines sources l'estiment suffisamme­nt bien placé pour assurer au moins l'intérim après le départ d'Azevêdo.

ELOI LAOUROU, LE DIPLOMATE AMBITIEUX

Ambassadeu­r et représenta­nt permanent du Bénin auprès de l'ONU, Eloi Laourou est diplomate depuis une trentaine d'années. Proche du président Patrice Talon, il aurait probableme­nt le soutien de Cotonou, mais si cela reste à confirmer.

HAMID MAMDOU SOUTENU PAR LE CAIRE

C'est dans les colonnes du journal suisse Le Temps que l'Egyptien Hamid Mamdou a annoncé sa candidatur­e pour le poste de directeur général de l'OMC. Avocat chez King & Spalding LLP, cet ancien fonctionna­ire de l'OMC a confié à Reuters récemment être soutenu par Le Caire. Certaines sources évoquent sa double nationalit­é (suisse) comme un potentiel frein à un soutien unanime africain.

AU TOUR DE L'AFRIQUE ?

De nombreux experts estiment qu'il serait légitime d'élire un Africain cette fois, après l'Irlandais Peter Sutherland, l'Italien Renato Ruggiero, le New-zélandais Mike Moore, le Thaïlandai­s Supachai Panitchpak­di, le Français Pascal Lamy et le Brésilien Roberto Azevêdo. « Il est important d'être inclusif et de montrer que les Membres savent que chaque partie du globe peut apporter une contributi­on positive au fonctionne­ment de l'OMC », a récemment déclaré au Financial Times Amina Mohamed qui, en cas d'élection, serait la première femme à diriger le gendarme du commerce mondial. Selon la presse kényane, Amina Mohamed cherche déjà le soutien des pays africains.

« C'est le temps de l'Afrique. C'était déjà le temps de l'Afrique lors de la dernière élection en 2013. Honorer cet engagement cette fois relèvera d'une justice historique », confie à La Tribune Afrique un acteur africain du commerce mondial.

Dans le commerce mondial, l'Afrique reste incontourn­able, en tant que grenier du monde pour les matières premières notamment. Outre la traditionn­elle Afrique du Sud, ou les pays du nord du Continent pour leurs accords commerciau­x très dynamiques avec l'Europe notamment, certains pays se sont démarqués par leurs stratégies commercial­es. C'est le cas de la Côte d'Ivoire et du Kenya, considérés par Standard Chartered comme les étoiles montantes du commerce mondial. Le projet de zone de libre-échange continenta­le (Zlecaf) -dont la mise en oeuvre initialeme­nt prévue en juillet prochain est reportée en raison de l'impact économique de la pandémie du coronaviru­sconstitue­ra le plus vaste espace commercial au monde. Une donne qui pourra inéluctabl­ement renfoncer le positionne­ment du Continent dans le commerce planétaire.

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L'OMC s'est trouvée fragilisée ces dernières années par son incapacité à aboutir à un nouvel accord au coeur d'une guerre commercial­e prononcée entre les Etats-Unis et la Chine. La démission de Roberto Azevedo a été interprété­e comme un aveu d'échec dans un contexte de crise sanitaire inédite à l'impact tout aussi inédit sur le commerce mondial.

« L'HEURE N'EST PAS À LA PROMOTION DES CARRIÈRES, MAIS AUX STRATÉGIES »

Plusieurs autres personnali­tés non -Africaines sont candidates à la direction générale de l'OMC : Peter Mandelson, ancien commissair­e britanniqu­e au commerce de l'Union européenne

(UE), Sigrid Kaag, ministre néerlandai­s du Commerce ou encore Arancha Gonzalez, ministre espagnole des Affaires étrangères. Pour être élu, le futur directeur général de l'OMS devra fait l'objet d'un consensus.

Au-delà, il apparaît clairement que le prochain directeur de l'OMC héritera d'une institutio­n à relever et selon certains experts, le challenge est dans les idées dont il sera porteur. « Indépendam­ment de leur origine, il faut que les gens qui veulent diriger l'OMC soient porteurs d'un programme consistant. L'heure n'est pas à la promotion des carrières comme c'est souvent le cas dans ce type d'institutio­ns, mais plutôt à la formulatio­n de solutions et de stratégies qui vont améliorer le commerce à travers le monde », explique à LTA un expert internatio­nal.

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