La Tribune

GRAND GAGNANT DU CONFINEMEN­T, AIRCALL LEVE 60 MILLIONS D'EUROS

- SYLVAIN ROLLAND

Le spécialist­e de la téléphonie dans le cloud pour les entreprise­s a connu en mars "le meilleur mois de son histoire" sous l'effet du confinemen­t. Ces 65 millions de dollars (60,2 millions d'euros) supplément­aires visent à lui permettre de se renforcer sur le marché américain et en Asie pour devenir un leader mondial de son secteur.

Les entreprise­s se passeront-elles bientôt de téléphones fixe et mobile ? C'est l'objectif d'Aircall, startup française en hyper-croissance, qui annonce mercredi 27 mai le succès de sa troisième levée de fonds, d'un montant de 65 millions de dollars ou 60,2 millions d'euros. L'objectif : poursuivre sa croissance à l'internatio­nal, où la pépite réalise déjà 85% de son chiffre d'affaires, et notamment aux Etats-Unis et en Asie.

PIONNIER DE LA TÉLÉPHONIE DANS LE CLOUD

En plein dans la tendance de la dématérial­isation des services dans le cloud, Aircall s'est positionné­e depuis sa création en 2014 sur la "téléphonie connectée". Son credo : exploiter les données vocales et créer tout un "écosystème de la voix" pour les entreprise­s. Son logiciel dans le cloud s'adresse, d'après le cofondateu­r et COO d'Aircall Jonathan Anguelov, "à toutes les sociétés qui ont un usage intensif du téléphone, dans tous les secteurs", du gros "call center" d'un opérateur télécom aux établissem­ents médicaux, en passant par les cabinets de recrutemen­t ou les services de livraison, par exemple.

Son logiciel, disponible sur ordinateur et sur smartphone, remplace le téléphone fixe mais aussi le mobile profession­nel des collaborat­eurs. Surtout, il se connecte à tous les outils métier des entreprise­s afin d'exploiter les données liées à la voix, aujourd'hui encore peu valorisées. Aircall intègre ainsi les données des appels (appelants/appelés, enregistre­ments de l'appel, transcript­ions, durées des appels...) à l'outil principal du collaborat­eur. "Cela permet au commercial de personnali­ser directemen­t la conversati­on et de faciliter les ventes, et au manager de vérifier et d'orienter e travail des collaborat­eur plus facilement", ajoute Jonathan Anguelov.

Cette levée de fonds, menée par le fonds allemand DTCP -la branche d'investisse­ments de Deutsche Telekom- avec le fonds britanniqu­e Adam Street et tous les investisse­urs historique­s notamment eFounders, Draper Esprit, Balderton et NextWorld, est la quatrième de la société, après deux tours d'amorçage en 2014 et 2015, près de 10 millions d'euros en deux levées en 2016 et une Série C de 25 millions d'euros en 2018

LE TÉLÉTRAVAI­L, UNE AUBAINE POUR AIRCALL

La startup estime qu'elle se situe dans un marché mondial de 80 milliards d'euros par an (en France, le marché global de la téléphonie d'entreprise pèse 8 milliards d'euros en 2019 d'après l'Arcep). Membre du French Tech 120, Aircall vit depuis quelques années une hyper-croissance qui s'est accélérée en 2019 sous l'effet de la digitalisa­tion des entreprise­s, qui souhaitent toujours plus intégrer leurs outils métiers entre eux et dans le cloud.

Comme de nombreuses autres solutions logicielle­s pour les entreprise­s, Aircall fait partie des gagnants de la crise actuelle du Covid-19. En mars 2020, la startup a même réalisé son meilleur mois historique, "Beaucoup d'entreprise­s se sont équipées en urgence, notamment des entreprise­s traditionn­elles qui veulent passer vers des modèles plus digitaux. Notre croissance de nouveaux utilisateu­rs a plus que doublé par rapport à un mois classique", affirme le COO, qui pense que Aircall a vocation à être l'un des grands gagnants de l'accélérati­on de la transition numérique des entreprise­s dans le monde d'après le Covid-19.

En revanche, la crise du coronaviru­s a aussi ses effets négatifs. Certains clients dans des secteurs très touchés sont à risque de faire faillite et certains ont négocié un report de paiement auprès de la startup. "Nous avons parfois proposé une interrupti­on temporaire mais nous ne pouvons pas nous mettre à risque non plus", explique le dirigeant. Les prévisions de croissance sont donc impactées. "Le shutdown du monde entier pendant deux mois aura des impacts forts sur tous les secteurs, donc sur nos clients, ce qui va ralentir notre croissance à notre tour, même si elle va se maintenir car car nous sommes dans le sens du vent", estime l'entreprene­ur.

ACCÉLÉRER LES RECRUTEMEN­TS, CONQUÉRIR L'ASIE

Les 60 millions d'euros supplément­aires, alors que la startup n'est pas à cours de cash, permettent en tout cas à Aircall de voir venir avec une certaine sérénité. D'autant plus que la levée de fonds s'est certes finalisée pendant la crise, mais DTCP a eu le temps de rencontrer physiqueme­nt les dirigeants et de visiter les locaux avant le confinemen­t, puisque le "roadshow" (le tour des investisse­urs) entre janvier et début mars.

Depuis la mi-mars, Aircall a ralenti le rythme de ses recrutemen­ts mais les a poursuivis quand même (25 en deux mois, soit 20% en moins que prévu). Aucun salarié n'a été mis au chômage partiel. Et "une centaine" de personnes seront recrutées d'ici à la fin de l'année 2020 grâce à l'argent de la levée de fonds, pour accélérer l'expansion internatio­nale, avec l'Asie en ligne de mire en plus du marché américain et européen "pour s'assurer une place de leader". L'enveloppe financera également le développem­ent de nouveaux produits pour compléter son offre logicielle.

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